66) Retirement

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-Dis Javi, je peux te parler ?

-Évidemment. Un problème ?, demanda-t-il en me laissant de la place sur le canapé.

-Je pensais… je pensais arrêter, annoncer mon retirement à la fin de la saison.

-Oh…

-Je n’irai pas à Beijing de toute façon, donc continuer ne m’apportera rien, soupirai-je.

-Yuzu, je sais que cette saison n’a pas été ta meilleure mais tu as quand même réussi à reprendre l’or aux Mondiaux et au GPF aussi : ce n’est pas mauvais…

-Je sais Javi, mais j’ai gagné le GPF parce que Nathan a dû déclaré forfait à cause de sa blessure, et tu as vu le minuscule écart aux Mondiaux ? Personne ne dit rien par respect pour ma carrière mais il y en a beaucoup qui pensent que c’est Shoma qui méritait la médaille...

-Shoma a bien patiné mais tu as fait mieux : depuis quand tu te soucies de ce que les gens pensent ?…

-Depuis toujours, marmonnai-je.

Javi secoua la tête et passa un bras autour de mes épaules.

-Yuzu, est-ce que tu veux juste arrêter pour une mauvaise saison ? Ou est-ce qu’il y a une autre raison ?

-Tu sais ce que c’est…

-Non, je sais juste que tu ne me dis pas tout, et que tu es déprimé.

-Je me fais vieux Javi : il y a plein d’autres patineurs qui arrivent, ils sont jeunes, pleins d’énergie, ils sautent des quads aussi facilement que je fais mes spins… Je connais de moins en moins de monde, je suis un doyen maintenant…

-Doyen à l’âge canonique de 25 ans…

-Tu sais ce que je veux dire. Je n’ai jamais eu une très bonne endurance mais maintenant je suis à bout même avec mon programme court, je suis à la limite de la crise d’asthme pour mon long : et si je veux continuer à tenir tête il faut que je rajoute encore des éléments et des sauts ? Je ne peux pas Javi… Je suis fatigué…

-C’est toi qui connais le mieux ton corps Yuzu : si tu sens que tu as besoin d’arrêter, arrête. Je ne vais pas te dire de continuer jusqu’à t’évanouir sur la glace, tu as un parcours magnifique, tu as le droit de te reposer. Mais si tu veux continuer je te soutiendrai, on pourra voir comment essayer de mieux gérer ton asthme ou comment palier à ton manque de quads… C’est comme tu veux…

Je le regardai, hésitai, soupirai en m’adossant contre son bras autour de mes épaules.

-Je vais me retirer, finir simplement cette saison pour dire au revoir correctement. La saison dernière j’ai pu faire abstraction à cause de l’excitation, parce que je pouvais patiner de nouveau et que j’étais content de revenir mais maintenant… ce n’est plus amusant quand tu n’es pas là. Pendant les échauffements en groupe je te cherche à chaque fois du regard, j’ai l’impression d’être seul au monde, je ne sais même pas comment les autres peuvent faire leurs exercices tout seul, c’est tellement… bizarre…

-C’est parce que tu as trop l’habitude Yuzu, compatit-il.

-J’ai l’impression que le podium est vide, que les vestiaires sont vides, je n’ai personne avec qui plaisanter avant d’entrer sur la glace, personne à encourager non plus, je m’ennuie pendant les galas, je compte les jours avant de rentrer à Toronto, je ne prends plus plaisir à faire les compétitions, ou en tout cas plus autant qu’avant. Je ne parle même pas des petites compétitions sans challenges : c’est une torture… J’ai beau avoir des adversaires plus que dangereux, je ne me sens pas motivé, comme si ça ne valait plus vraiment le coup que je gagne. Comment je pourrais continuer comme ça ? Même les Mondiaux, je m’en étais réjouis parce que c’était notre compétition : soit tu gagnes soit je gagne, mais maintenant… Ça ne m’amuse plus, tu me manques.

Ice KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant