28) De l'autre côté

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{Le premier chapitre avec Javi en POV ! Vive la nouveauté !}

Javier P.O.V :

Quand Brian m’avait demandé si ça me dérangeait qu’un autre patineur vienne s’entraîner au TCC, ma première pensée avec été : “Wouah ! Il me demande mon avis !”.
C’était bien le genre de chose qui ne serait jamais arrivé avec mon ancien coach, et c’était toujours agréable de savoir que son entraîneur s’inquiétait de ce qu’on pensait…
Quand il m’avait ensuite donné le nom du patineur en question, j’avais simplement accepté parce que je ne le connaissais pas et que de toute façon c’était Brian qui allait le coacher, pas moi. À ma grande surprise, le japonais était arrivé très rapidement au Club, tout en courbettes et en politesse, et avec un anglais… améliorable disons.
J’avais décidé de le prendre sous mon aile vu qu’on s'entraînait ensemble et qu’il n’avait que dix sept ans. J’espérai aussi que son anglais progresse parce que la communication n’était pas simple et que l'entraînement prenait l’allure d’un concours de mimes…

-Est-ce que tu as compris ?, demanda lentement Brian.

Yuzuru acquiesça avec détermination et s’élança dans un A-spin parfait.

-Au moins il a compris le mot “spin”, et la figure est propre, essayai-je de relativiser pour consoler mon coach.

C’était d’autant plus dur de faire des reproches quand il revenait avec des grands yeux fiers en attendant des commentaires.

-Ok, alors ça s’était un “A-spin”, expliqua Brain au ralenti. Parce que ça forme un A. Javi, est-ce que tu peux montrer un “Camel spin” ?

J’acquiesçai et montrai l’exemple, tentant de ne pas rire quand Yuzuru hocha de nouveau vigoureusement la tête en s’inclinant devant Brian avant de m’imiter.

Son niveau était excellent, il n’y avait rien à dire de ce côté là, et il était plus que sérieux dans son travail. Je n’avais pas peur de dire que son triple Axel était le meilleur du milieu et vu son engouement pour apprendre les quads (au grand dam de Brian), la compétition allait être rude…
Malgré tout, au fil des années où l’on s’entraîna ensemble, il ne prit jamais rien pour acquis : il s’inclinait toujours pour remercier Brian ou Tracy à la fin de la séance, il ne contredisait jamais les consignes (sauf quand il était question de quads où là il ne les contredisait pas mais les ignorait simplement) et il ne se plaignait jamais des longs et barbants exercices de glisses que Tracy nous imposait régulièrement.

Étant arrivé jeune au Club, je le vis donc grandir et passer de gamin à jeune adulte et ça me fit quand même un choc en m’apercevant du temps passé : on a tendance à ne pas voir les changement chez les gens qu’on côtoie quotidiennement…

Il n’avait pas changé drastiquement mais la puberté était passé par là et ses traits s’étaient affinés, son corps s’était musclé, il avait aussi mué mais ça ça n’avait pas été discret : j’en avais ri pendant un bon mois en le voyant essayer de s’exprimer dans un anglais étranglé et croassant, et je crois qu’il m’en voulais d’ailleurs toujours pour ça… Son obsession pour le patinage avait aussi grandi et je gérais donc comme je pouvais ses moments de “tout-ce-qui-n’est-pas-une-médaille-d’or-ne-peut-pas-m’atteindre-et-ne-mérite-pas-mon-attention”, même si j’avais parfois demandé à changer d’horaires quand j’en avais trop marre. Malgré tout, notre relation avait tenu bon cahin caha pour en arriver à la situation actuelle où j’essayai de convaincre ma petite amie que non, je n’étais pas en couple avec Yuzuru. C’était difficile de tenir bon face à la liste d’arguments furieux qu’elle me jetait à la figure mais je réussis à nier grâce à ma longue expérience sur la question.
Mon argument le plus fort était que si j’avais été gay, étant donné que je passais mon temps dans des vestiaires avec des mecs plus ou moins nus, j’aurais sans doute tilté à un moment un peu plus tôt ; or ça n’avait jamais été le cas et j’avais à mon actif suffisamment des petites amies pour établir une bonne certitude d’hétérosexualité…
C’était en tout cas ce que je me répétais devant la machine à café du club, parce que définitivement, je n’étais pas gay.

-Habi !

Ou peut-être que si.

-Yuzu ne court pas quand tu as tes patins, tu sais bien que tu n’as aucun équilibre sur la terre ferme…

-La glace est très ferme, protesta-t-il.

J’acquiesçai en décidant de ne pas ouvrir le débat. Il faisait la même tête que celle qui mettait les trois quarts du Japon à genoux et je connaissais les limites de mes capacités.

-Tu voulais quelque chose ?, demandai-je pour changer de sujet.

-Non, juste voir Jabi.

Et voilà, comment étais-je censé me défendre contre ça moi ?

-Qu’est-ce que tu fais ?, demanda-t-il avec curiosité et la même expression que celle qui faisait fondre le dernier quart résistant du Japon.

Je suis en train de sérieusement remettre en question ma sexualité.

-Comme tu peux le voir, je prends un café…

Il eut une moue de dégoût beaucoup trop adorable pour être légal et me tira la manche.

-Tu viens changer ?

-Je ne savais pas que tu avais besoin de moi pour te changer, soupirai-je en le suivant quand même.

-Ça évitera que tu boives trop de café. Ce n’est pas très bon tu sais Javi.

Il marchait juste devant moi et mon regard descendit le long de sa silhouette. Yuzu avait la mauvaise habitude de mettre des survêtements près du corps qui soulignait parfaitement ses courbes.
Je n’étais pas d’accord avec ceux qui disait qu’il avait une silhouette féminine, pour la simple et bonne raison qu’une femme n’avait pas des cuisses et des abdos aussi définis, même parmi les patineuses professionnelles. Certes il était gracieux, fin, et beaucoup de filles auraient tué pour avoir des hanches pareilles, sans parler de ce qu’il y avait plus bas, mais la ressemblance s’arrêtait là.

-Javi, tu écoutes ?

-Je suis désolé Yuzu, mais tu sais ce que je pense de tes conseils nutritionnels…

Oui, j’avais appris à réagir avec efficacité et naturel.
Yuzu renifla avec indignation et pénétra dans les vestiaires.

-Tu n’es pas très sérieux Javi, fait des efforts.

-Mon corps se porte à merveille, merci bien. C’est plutôt toi qui devrait te nourrir plus : tu es aussi fin qu’une paille.

Je tournai la tête vers lui pour appuyer mes propos mais détournai immédiatement le regard en m’apercevant qu’il était déjà nu. No-go zone à quatre heures !

-Je vais prendre une douche. Toi ?

-Je la prendrai chez moi, souris-je en essayant de ne pas paraître trop crispé.

Je n’étais pas suicidaire, merci bien.
Il me salua donc et partit vers les douches alors que je bouclais mon sac. Heureusement, le trajet fut rapide et Effie m’accueillit en venant ronronner dans mes jambes.

-Bonjour ma belle, je rentre d’une dure journée tu sais ?, soupirai-je.

Ice KingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant