10.2 Aslander

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Je regardai les enfants qui courraient dans tous les sens. Il y en avait de tout âge, des plus jeunes qui ne faisaient encore que babiller, aux plus vieux qui n'avaient plus vraiment à être considérés comme tels.

Certains étaient lycans. Et je n'en connaissais aucun. Leur prénom, qui étaient les parents, quand étaient-ils nés ; tous étaient des fantômes pour moi. Et j'étais sûr de ne pas aimer. J'étais sûr de ne pas pouvoir me satisfaire de cette situation. Mais ici, dans ce camp de Terras, je n'avais aucune voix au chapitre ; je n'étais même pas toléré. Mon père aurait rasé l'endroit sans chercher à comprendre, moi ? Je tentai de vivre avec les convictions et les idéaux de chacun. Même si ça contrevenait à tous mes principes. Et ce n'était pas peu dire.

— Arrête de grogner, lâcha Lothar.

Je croisai mes bras sur mon torse, sans cesser de regarder le jeu des enfants.

Personne ne savait que nous étions là ; que l'Empereur était là. J'aurais reçu des pierres sinon. Non. J'étais un peu extrême. Les Terras ici n'étaient pas du tout de cette trempe et ne le seraient jamais. Tant mieux pour moi.

Il y avait toujours deux faces sur une même pièce ; deux inverses.

— Arrête de te goinfrer, toi, répliquai-je en tournant la tête dans sa direction.

Il était assis, pieds sur la table, une assiette de fruits à portée de main. De doigts, ici. Il n'arrêtait plus de manger depuis que l'autre lycan nous avait amenés dans cette pièce. Aucun de nous deux n'avait hésité une seule seconde, écartant toute possibilité de guet-apens. Nous n'étions pas dans un mauvais film, pas plus que nous n'avions à craindre nos... hôtes ? Le terme était-il le plus approprié ? À méditer.

— Je ne vais pas mourir de faim parce que monsieur est ronchon. Tu es l'Empereur de mon cœur, Ani, mais ne pousses pas ta chance non plus.

J'avais envie de lui tirer la langue. Ou de bouder dans mon coin. Au temps pour moi ; je le faisais déjà. Je n'étais pas sûr que nous fussions au bon endroit pour tenter d'endiguer le flot des extrémistes. Loin de là. Et puis si la solution avait été sous notre nez depuis le début, j'aurais été le premier au courant. J'avais conscience qu'un souverain ne pouvait pas plaire à tout le monde. Que je ne faisais pas l'unanimité de par ma façon de gouverner ou par mes règles imposées. Pour autant, les gens avaient besoin d'un leader. D'un gouvernement. C'était une question de logique. Combien de peuples avaient sombré en pensant pouvoir se suffire à eux-mêmes ? Nous, lycans, en étions le bon exemple. Il fallait un Alpha à la tête d'une meute, sinon ça ne pouvait pas fonctionner.

— Tu ne peux pas tout contrôler. Plus tu auras conscience de ça et plus tu...

Les mots s'envolèrent sans avoir de sens et je sentis une présence à mes côtés.

C'était une sensation pernicieuse, qui ne vous collait pas seulement à la peau ; ça s'insinuait à l'intérieur de vous, passant sous la peau, courant dans les veines, grignotant les vaisseaux.

Il n'y avait pas quelqu'un. Mais quelque chose. Derrière moi. Dans mon dos.

Qu'était-ce ?

Une forme ?

Une impression ?

Une réalité ?

Un songe ?

Tout se brouilla. La porte grinça et l'étau qui venait de m'enserrer disparut. Tout simplement. Comme s'il n'avait jamais été là. Comme si j'avais rêvé ce qui venait de se passer. Mais la question était de comprendre ce qui venait d'arriver. Et là, j'aurais été incapable de le dire. Pas encore du moins.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant