17. Aslander

4.9K 701 139
                                    

La porte grinça et la voix d'Amelia résonna.

— Majesté ?

Son ton contenait une interrogation et un doute, comme si elle n'était pas sûre que je sois là.

N'étant pas lycan, ni même surnaturelle, elle ne pouvait pas voir à travers l'obscurité qui s'était abattue dans la pièce. Je n'avais pas eu l'envie d'allumer, préférant ruminer. La conscience de l'animal en moi était toute tournée vers Siobhane, qui était vite retombée dans les bras de Morphée après tout ce qui était arrivé. Son corps, ainsi que son esprit, avaient besoin de repos. J'avais posté quelques hommes de ma Garde devant sa chambre, ainsi que sur le balcon ; le danger venait de n'importe où à présent. J'avais même hésité à placer des hommes dans mes appartements, mais que pourraient-ils face à Celui-Qui-Souffre ?

— Je suis là, Amelia.

Je la vis hésiter sur le pas de la porte. Mes pupilles captèrent son pincement de lèvres et son doigt tapotant le dossier qu'elle tenait entre ses mains. Elle portait un pantalon cigarette noir qui contrastait avec la blancheur presque immaculée de son haut, qu'elle avait passé sous sa ceinture. Amelia avait du goût, à n'en pas douter. Elle était toujours parfaitement apprêtée, qu'importe qu'une guerre se prépare ou non. Ses talons étaient des coups de tonnerre contre le sol, annonçant de bonnes ou de mauvaises nouvelles. Elle ne mâchait pas ses mots, dans un cas comme dans l'autre. Elle allait à l'essentiel. Parce qu'elle savait que le temps était précieux. Peut-être même plus que quiconque, elle qui était l'humaine parmi les lycans.

Sa famille était liée à ma lignée depuis des générations et bien que sa mère n'ait pas voulu entrer à mon service, Amelia était arrivée un beau matin, pleine de détermination et prête à me montrer de quoi elle était capable. Elle pouvait être aussi effrayante qu'Arzhel, pour vous dire. Son surnom de "dragon lady" lui collait à la perfection.

— Puis-je allumer ?

Sa main se portait déjà au niveau de l'interrupteur, mais se figea une fois dessus. Je me raclai la gorge et inspirai lentement.

Amelia fleurait bon la proie. Et ce n'était vraiment pas la bonne façon de penser. Mes émotions avaient pris le pas sur la raison.

Le contrôle n'était plus d'actualité.

— Il... vaudrait mieux éviter, avouai-je, la voix rendue rauque par le début de ma transformation.

Il était bon de se rappeler que nous étions tributaires de nos émotions et que ces dernières affectaient directement notre physique. Après tout nous avions un animal qui vivait en nous et mieux valait ne pas l'oublier. Dès lors que nous perdions le contrôle de notre affect, les répercussions se faisaient sentir. L'âge et l'expérience pouvaient aider, mais ce n'était pas des canalisateurs très puissants. Alors j'étais là, luttant à demi, en vain, parce que l'intensité même de ce qui m'habitait depuis plusieurs heures ne connaissait aucune limite. C'était insidieux. Comme j'aurais aimé que ce ne soit que vétille. Mais non.

Une amitié bafouée faisait un mal de chien. Plus que je ne l'aurais cru, moi qui n'étais pas coutumier de ce genre de traîtrise.

— Peut-être une des lampes ? hasarda Amelia.

La lumière de ces dernières était plus diffuse. Je me concentrai et hochai lentement la tête, avant de me souvenir qu'Amelia n'y voyait vraiment pas grand-chose. Je n'avais pas été à ce point sur la corde raide depuis longtemps, me ramenant bien des années plus tôt, lorsque l'emprise que j'avais sur moi-même était encore précaire, sujette à des sautes d'humeurs et de formes conséquentes.

— Oui.

Mes poings se serrèrent sur la surface de mon bureau. À certains endroits, quelques nœuds, pour préserver le cachet du meuble. J'aimais la sensation lorsque j'y passais le bout de mes doigts. Ça avait un côté apaisant. Mais pas aujourd'hui.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant