9. Aslander

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Lothar avait toujours eu un don certain pour les fêtes. C'était, d'après les dires, le plus doué dans ce domaine, loin devant les stars en tout genre.

Il avait le goût de la démesure. C'était indéniable. J'aurais peut-être dû prendre un peu exemple sur lui, mais je n'étais pas très doué là-dedans et Arzhel encore moins. Ce qui, mine de rien, m'arrangeait. À quoi bon inviter tout le gratin juste pour danser et boire ? Ce n'était pas ma façon de faire, mais néanmoins, il y avait des avantages à agir de la sorte.

Sois plus proche de tes ennemis que de tes amis.

Invite le loup dans ta bergerie. Est-ce que c'était à ça que ça ressemblait ? Mon Conseiller, en tant que fin stratège, aurait été plus à même de me le dire. Moi, ça me passait un peu par-dessus la tête. Parce que je le voulais bien.

Je saluais du monde. Je passais de personne en personne, accomplissant mon devoir, cherchant à me détendre. Même si je n'étais pas fait pour ça. C'était paradoxal ; j'étais l'homme du peuple, mais lorsqu'il s'agissait de se fondre dans la foule, je n'étais plus très à l'aise. Cette peur avait toujours été là, du moins, depuis aussi loin que je m'en souvienne. Malgré tout, je savais faire mon devoir et lorsque j'étais en présence des miens, je savais qu'il me fallait me fondre dans la masse. Ce n'était pas parce que j'étais un Empereur que je devais me tenir sur une estrade à chaque instant.

La force des événements me l'avait fait comprendre.

— Kaizer, me salua un Freiherr sous la juridiction de Lothar.

C'était un homme que j'avais déjà croisé ; un bon Alpha. Je ne connaissais pas tous les Freiherr du pays, pas personnellement en tout cas. Mais aucun nom ne m'était étranger. Je faisais bien mes devoirs. C'était un point d'honneur pour moi. Je n'étais pas parfait néanmoins et il me fallait parfois du temps pour remettre un nom sur un visage.

— Kane, dis-je. Comment vous portez-vous ?

Je l'écoutai d'une oreille distraite, cherchant des yeux notre hôte. Il ne faisait aucun doute qu'il était quelque part dans le coin ; Lothar manquant sa propre fête ? Impossible. Mais lorsqu'il avait envie de rester discret, il y parvenait à merveille. Je me doutais qu'il allait approcher Siobhane ; sinon à quoi bon cette soirée ?

Warren avait dû vendre la mèche. En plus du fait que Lothar avait des yeux et des oreilles partout ; c'était un Roi après tout. Il surveillait son souverain, outrepassant parfois les règles de la bienséance. Et surtout celle de l'intimité, mais ça...

Je permettais énormément à Lothar. Eût dû faire plus attention d'après Arzhel. Mais un lien particulier me reliait à chacun de mes Konings ; Lothar en tête. D'où peut-être mon laxisme. Il ne s'agissait pas d'être plus permissif. Mais plus compréhensif d'une certaine façon. Il était plus vieux que moi de quelques années ; il avait été un frère et un ami. Lorsque j'étais revenu au Deity, il avait été un allié, malgré son âge ; notre âge.

Notre loyauté l'un envers l'autre s'était forgé lors de la grande Purge. Lorsqu'Aran était tombé et que nous avions dû nettoyer le pays.

Sa loyauté s'était forgée dans le sang et l'horreur. Parmi les cadavres et les cris d'agonie. Tout comme Gann. Tous les deux étaient les Konings les plus proches de moi. Et peut-être, lorsque j'en aurais assez où que je ne serais plus capable d'aider mon peuple, Lothar prendrait ma place. Là était ce que je voulais. Lui ? Je n'en savais rien.

Lothar était le seul à qui je permettais beaucoup. À qui j'offrirais ma vie. Comme il avait failli offrir la sienne pour me sauver de mon père. Son corps en porterait la marque à jamais.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant