20. Aslander

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La voix de Shiel était d'une douceur teintée de tristesse. Son timbre m'enveloppait aussi sûrement que le ferait un linceul sur mon lit de mort. Sa présence avait un je ne sais quoi de réconfortant, me ramenant à une époque où j'étais un très jeune enfant malade.

Je ne m'interrogeai pas sur la raison de sa présence à mes côtés, souhaitant qu'il continue simplement à me parler, à converser avec moi, alors même que je ne pouvais pas lui répondre. Je savourais ces longues minutes avec lui comme si c'était les dernières. Et ça l'était. J'étais heureux d'avoir au moins l'un des miens à mes côtés, sachant très bien que les autres luttaient pour m'aider.

Le voulais-je ? Même si je survivais à tout ça, Siobhane finirait par disparaître, laissant un vide dans ma vie, en mon âme. Je ne me sentais pas prêt. Pour autant, que pouvais-je y faire ? Quand bien même j'aurais souhaité ardemment sa présence à mes côtés, j'avais été bien incapable de la protéger. De la sauver.

C'était une constante dans ma vie que d'abandonner les femmes qui comptaient pour moi.

D'abord il y avait eu ma mère. Vyara. Ma douce Nokomis. Et même Myrddin. Et aujourd'hui, malgré mon ardeur, Siobhane suivrait les traces de toutes les autres. Étais-je maudit ? Ou seulement un incapable ? J'aurais aimé trouver une réponse. Entrevoir ne serait-ce qu'une explication. Pour ne pas me sentir si désemparé aux portes de ma propre mort.

— Sire.

Ler était dans un coin de la pièce. Mon précieux Marcheur de Rêve qui ne me quittait jamais, sachant à quel point mon esprit avait besoin de son pouvoir. Il apaisait mes tourments depuis des siècles, me permettant d'écarter les problèmes, au moins pour un temps.

Il s'avança, son visage ravagé par la douleur que je devais renvoyer sans le vouloir. Il était le plus jeune de mes Neuf. Pas le plus fragile, mais celui qu'il me semblait important de protéger.

Il échangea quelques paroles avec Shiel, que je compris à peine, ayant du mal à focaliser mon attention sur quoi que ce soit. Lorsque ses doigts effleurèrent mes tempes avec une extrême précaution, je secouai la tête.

Je ne voulais plus qu'il m'envoie dans des songes qui n'étaient en rien mon accablante réalité. Je voulais être conscient de tout ce qui se passait ; dans la mesure du possible. Je voulais lutter pour chaque inspiration, suer pour chaque expiration.

Il n'y avait rien de doux dans la mort. Même si Mokoi allégeait en partie ma souffrance, il ne pouvait pas tout prendre. Tout comme je ne voulais pas que Ler le fasse. J'avais toujours fait face. Je m'étais toujours tenu droit, même devant mon père. Malgré mon état et cette fatigue extrême, je ne m'avouerais pas vaincu. Je restais un Valendyr.

Je restais un Empereur.

— Il fera face, souffla Shiel. Laisse-le.

Ler se recula, mais ma poigne le figea. De mon autre main, je retirai mon masque à oxygène. Des larmes perlèrent au coin de mes yeux et j'eus la sensation de suffoquer. Mon corps tremblait. Il exhalait lentement son dernier souffle, bien plus prêt à rendre les armes que mon esprit.

— A... Aloysi...

Une quinte de toux me secoua et mon corps s'arc-bouta, me faisant gémir. Où était ma force ? Où était l'homme que j'avais été jusqu'à présent ? Si je me regardais dans un miroir, qui verrais-je ? Un corps d'homme décharné ? L'ombre de la Mort elle-même ? Ler hocha la tête, n'ayant pas besoin que je formule ma demande plus avant. Shiel et lui retirèrent les quelques tuyaux reliés à mon corps ; une façon pour Tamsyn de trouver une sorte de réconfort, pensant sûrement que ça suffirait à me maintenir encore un peu en vie...

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant