22. Aslander

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Quatre mois plus tard,
Sydney, Australie.




Les talons d'Amelia claquaient contre la pierre du palais, se répercutant autour de nous et donnant un certain rythme. Nez plongé dans des documents, elle ne prêtait absolument aucune attention à son environnement. Ses cheveux étaient maintenus en un chignon lâche, laissant échapper quelques mèches folles sur sa nuque. Comme toujours, son maintien était parfait et elle tenait facilement la cadence de mes pas, tout en énonçant les dernières informations importantes. Et il y en avait toujours une longue liste, parce qu'il se passait forcément quelque chose dans le pays, quelque part.

— Les rapports des Godar arrivent chaque jour, mais il semblerait qu'Evekelis reste bien caché.

Lors de notre ultime – et unique – face à face, après mon réveil, il avait réussi à nous échapper. Il avait plus d'un tour dans son sac et même si la plus grande chasse à l'homme que le pays ait connu avait été lancée, je restais persuadé que nous ne le reverrions pas tout de suite. Pas tant qu'il ne l'aurait pas décidé du moins. Ça ne m'avait pas empêché de faire passer le message à mes Godar, dans l'espoir, un peu vain, de trouver des pistes, d'avoir un œil sur un être qui représentait un défi inquiétant. Même si ce n'était pas pour maintenant ou même dans les mois ou les années à venir, Evekelis referait surface. C'était une évidence pour moi.

— En ce qui concerne les Terras ?

Amelia tourna plusieurs pages et ses yeux glissèrent sur les lignes à une vitesse qui dépassait l'entendement.

— Silence radio de ce côté-là. Certaines poches ont émis le souhait d'une entrevue pour être sûres que les accords étaient encore effectifs.

Rien d'étonnant en cela. Parmi toutes les poches de résistance du pays, il y avait les Terras qui voulaient seulement vivre en paix, en autarcie d'une certaine façon. Même si je ne pouvais pas le comprendre, je leur offrais cette liberté par égard pour leurs attentes. Après tout, ils restaient des lycans et de ce fait, ils restaient mon peuple. Quoi qu'ils en disent, quoi que j'en pense.

Nous bifurquâmes à droite, remontant un long couloir où quelques Gardes se trouvaient. Le Contingent avait regagné la Réserve de Tidbinbilla avec mon Krig et depuis, tout était rentré dans l'ordre. Ce qui était arrivé quatre mois plus tôt ne semblait être qu'un souvenir diffus, que quelques mouches agaçantes se faisaient un plaisir de nous rappeler. Et par mouches j'entendais les journalistes les plus exécrables qui soient. Ils réclamaient des réponses que nous consentions à leur donner, dans une certaine mesure. Car mieux valait que certaines vérités ne soient pas révélées. Pour le bien de tous. Mensonge par omission ou non, c'était la ligne de conduite que nous avions choisi de suivre et jusqu'à nouvel ordre, ça ne changerait pas. Forcément, certains, plus malins que d'autres, voyaient clair dans notre jeu, mais qu'importe. Amelia, ma chargée de communication, était plongée dans le bassin des requins depuis des années, alors elle avait l'habitude. Et je crois que ça lui plaisait assez mine de rien. Pouvoir rembarrer les gens publiquement, elle adorait. Je la laissais faire volontiers. Arzhel n'était pas mal dans son genre non plus, véritable bête noire pour quelques journalistes copieusement rebaptisés les fouilles-merdes. Néanmoins la communication restait un élément essentiel à tout bon règne et il était donc primordial de tenir le peuple informé et de répondre aux doutes et peurs éventuels. D'où le fait qu'Amelia avait une équipe à elle qui était sur tous les fronts : réseaux sociaux, presse et j'en passais. Nous nous adaptions à l'époque et aux technologies présentes.

— Quand est-ce que mon neveu et ma nièce arrivent ? m'enquis-je jetant un coup d'œil à ma montre.

Imriel et Kalén, les jumeaux, avaient été envoyés très jeunes dans la tribu qui m'avait vu grandir. Quand Nokomis, leur mère et ma sœur avait été enfermée avec les autres Seekers, j'avais été incapable de garder les deux enfants avec moi, preuve indéniable de ma faiblesse. Les voir, surtout la petite fille, avait été un crève-cœur trop douloureux. Kalén ressemblait peu à son père ; en fait, il était mon portrait craché ; un fier et valeureux Valendyr dans l'âme. Ce qui rendant sa présence un peu moins poignante, sans effacer complètement les regrets.

WHISPERS T1 The Whisper of my soul [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant