Prologue

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18h30. C'est enfin l'heure pour moi de quitter les lieux de mon travail pour une bonne soirée bien méritée après cette dure journée . Mon patron me mène vraiment la vie dure. Du haut de mes 21 ans, Dieu sait qu'il pourrait se montrer clément avec moi et être plus patient mais c'est pourtant tout le contraire et il me surmène comme n'importe qui. Mais dans les métiers de la restauration rapide, on a pas vraiment le choix de nous mettre la pression et ça, mon patron l'a très bien compris.
Mais je n'en demande pas moins. Je n'ai pas la place de contester chaque ordre que me donne Carlos, car après tout, si il m'a embauchée, il peut très bien me virer en un claquement de doigts. Et j'ai besoin du salaire - aussi minable qu'il soit - qu'il me donne à chaque fin de mois depuis maintenant trois ans.

J'ai du arrêter mes études après avoir eu mon bac de littérature avec mention très bien, pour travailler ici, pour payer les impôts et les dettes à la place de mes parents.
Mes parents... je ne sais pas si ils méritent que je continue de les appeler ainsi car pour moi, ils ont perdu ce statut depuis bien longtemps.
Depuis que je suis toute petite, pas plus haute que trois pommes, ils me détestent et me le font bien savoir. La raison de leur rejet ? C'est une bonne question que je me posais avant d'arrêter de m'apitoyer sur mon sort et de vivre ma vie comme elle l'était. Mais malheureusement, il n'était plus question de vivre mais de survivre à une vie misérable. Un véritable cadeau empoisonné que m'ont offert là mes parents : une vie remplie de haine et de rage. Une vie triste et mélancolique, que je dois supporter sur mes frêles épaules. Une vie faite que de noir et de blanc, sans aucune couleur pour pimenter le tableau.
Et pourtant...

Je ne me suis jamais résolue à leur tourner le dos. Jamais. Je n'ai jamais pu les trahir, à cause de l'emprise qu'ils avaient sur moi. Et aussi à cause de mon coeur fragile et de ma bonne conscience.
Mon père étant alcoolique et ma mère ne faisant rien de ses journées mis à part se tourner les pouces, ils n'ont aucun moyen de vivre, mis à part le salaire que je ramène à la maison qu'ils dépensent à leur bon vouloir dans des tas de choses inutiles alors que nous manquons cruellement d'argent pour pouvoir continuer dans ces conditions.
Mais je ne dis rien, car sinon, je vais encore en prendre pour mon grade alors que je n'ai rien demandé et que j'essaie juste de les raisonner, empilant au fur et à mesure les échecs.
Mais je suis bien trop naïve. Je sais que continuer ainsi en essayant de leur faire prendre conscience la valeur de importance de l'argent qu'ils ne doivent pas gaspiller ne sert strictement à rien car ils continueront comme si ils s'en foutaient. Et malheureusement, c'est bien le cas.
Néanmoins, mon bon esprit et mon fragile coeur me poussent à continuer de vivre comme là et de ne pas les abandonner à leur triste sort. Car soyons honnêtes, il suffit juste que je quitte mon travail et me remette à la recherche d'une fac pour reprendre mes études de lettres. Mais je ne peux pas et je suis là, un vendredi soir à rentrer chez moi à pied, seule comme une grande fille.
Je ne peux pas car mes parents jouent sur les sentiments et ils savent parfaitement qu'une pauvre fille comme moi, naïve et pleine de bonté et de compassion, ne pourrait les trahir. Mes parents savent parfaitement comment s'y prendre avec moi et même s'ils me traitent comme une personne sans grande importance, ils m'obligent - littéralement - à rester auprès d'eux pour ramener les sous à la maison tout en me faisant du chantage avec le passé . Et dans toute cette histoire, ils s'en sortent gagnant. Et bien oui, c'est vrai car ils ont une fille qui ramène déjà de l'argent, alors pourquoi s'emmerder à aller bosser ?

Le chemin du retour me semble encore une fois trop court. Pas spécialement précipitée de refaire face à mon père torché et à ma mère hypocrite, je prends mon temps pour parcourir les deux-trois kilomètres qui me séparent d'eux.
Mais voilà que je suis déjà devant chez moi...
Lorsque je rentre, rien n'a changé. Toujours cette odeur immonde d'alcool mélangé aux cigarettes de mon père, avachi sur le canapé devant un match de foot, et toujours l'absence de ma mère qui doit encore se trouver en haut dans sa chambre à se morfondre en dormant comme une vieille à longueur de journée.

Rien que pour ToiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant