-Tu vois ? Je ne te veux aucun mal, déclara Romain d'un ton qui se voulait rassurant.
Ambre repoussa une mèche de cheveux pour mieux dévisager cet inconnu. Sa hauteur et sa carrure étaient effrayantes. Le savoir à plusieurs mètres la rassurait. Il venait de lui prouver qu'il pouvait respecter la distance qu'Ambre désirait pour ne pas perdre la tête. Son regard noir la pétrifiait et elle priait pour qu'il ne s'approche pas. Sa voix rauque lui avait glacé le sang. Cependant, il avait fait preuve de tact en ne cherchant pas à avancer. Et rien que pour ça, il intriguait la jeune femme.
Romain était subjugué par sa beauté. Il réprima un soupir d'admiration lorsqu'elle écarta une mèche de cheveux de son visage, lui permettant ainsi de mieux l'observer. Son teint était pâle mais ses lèvres d'une rougeur qui contrastait étonnamment. On distinguait de loin ses yeux noisettes qui tiraient sur le roux. Un élan de désir le submergea. Mais à quoi pensait-il !? Ce petit bout de femme est aussi fragile que du cristal. Il est son médecin et lors de leur premier contact, le plus crucial de tous, il divague ! Il fallait qu'il se reprenne.
-Je vais juste prendre la chaise. N'ayez pas peur, après je recule.
Il valait mieux qu'il la prévienne. La surprendre pouvait se révéler dévastateur et ruiner ses chances d'obtenir sa confiance. Il avança très lentement. Aussitôt, une lueur de panique éclaira son regard et les larmes se remirent à couler. Ses ongles s'enfonçaient dans sa chair, à tel point que Romain était persuadé qu'il en résulterait des plaies sanguinolentes. Mais s'il approchait pour l'en empêcher, qui sait comment elle réagirait... Il arrima son regard au sien, s'efforçant de ne pas laisser transparaître son inquiétude.
-Tout va bien... Regardez, je ne vous approche pas plus, chuchota-t-il pour la rassurer.
Romain s'assit sur la chaise à l'autre bout de la pièce, laissant la jeune femme reprendre son souffle. Il attendit qu'elle amorce la conversation. Peu importe le temps que ça prendrait, il était certain qu'elle finirait par le faire d'elle-même pour savoir ce qu'il exigeait d'elle en échange de son départ.
-Qui... êtes-vous ? murmura-t-elle si doucement qu'elle se demanda si le médecin l'avait entendue.
Ambre n'avait pas eu le choix. Elle ne pouvait plus supporter la terreur que cet homme lui infligeait. Son besoin de le voir partir la poussa à lui donner ce qu'il attendait d'elle : une réaction autre que de la peur. Il esquissa un sourire satisfait. Dans le mille.
-Romain Perret. A partir d'aujourd'hui, je suis votre nouveau médecin. Les efforts que je vais vous demander de fournir seront quelque peu différents de ceux qu'on a pu déjà vous demander. Nous irons à votre rythme. Je vais maintenant vous laisser vous remettre de vos émotions. Je reviens vous voir ce soir.
Chaque chose en son temps. Elle avait suffisamment souffert pour aujourd'hui. Il avait ce qu'il voulait pour cette rencontre : une première impression. Maintenant qu'elle l'avait déjà vu, il espérait qu'elle serait moins sur ses gardes. Mais un petit tiraillement dans le ventre lui donnait envie de retourner la voir sans attendre le soir. Elle l'attirait comme un aimant.
A peine la porte refermée, Ambre sentit tout le sang de son visage se retirer. Le soulagement d'être enfin seule. Elle se redressa avec difficulté et s'écroula sur son lit. Les sanglots la secouaient. Combien de temps encore devrait-elle vivre dans cette peur constante ? Elle se battait, de toutes ses forces mais rien n'y faisait. Les personnes défilaient et la peur grandissait au fur et à mesure que les années passaient. Quel était l'intérêt d'une vie comme celle-ci ? Elle se levait la peur au ventre, revivait la scène encore et encore dans ses cauchemars. La lumière devait emplir sa chambre jour et nuit sous peine de hurler à la folie. C'est épuisant de vivre terrifiée sans aucun moment de répit. Ambre ne pouvait plus supporter la pitié qu'elle lisait dans le regard des médecins et des infirmières. Lorsqu'on s'approchait trop près d'elle voire même lorsqu'on la touchait, elle avait l'impression de devenir folle au milieu de ses hurlements. Combien de temps allait-elle encore pouvoir vivre comme ça ?
Romain allait déposer une pile de documents dans son nouveau bureau lorsqu'une voix l'interpella. Il reconnut les talons de Claire avant de la voir.
-Je souhaitais savoir si vous aviez des recommandations concernant les patients. Des traitements particuliers.
-Oui, en effet. Rentrez dans mon bureau, je vais tout vous expliquer.
Le jeune médecin appréciait qu'on accepte les changements qu'il allait opérer dans le quotidien de la plupart des patients sans broncher. Cela n'avait pas toujours été le cas. Dans son ancien hôpital de fonction, il avait fallu un long moment pour que le personnel lui fasse confiance en dépit de sa jeunesse. Mais il avait fini par les convaincre que ses manières d'agir étaient plus efficaces que celles ponctuées de protocoles et donc pas assez adaptées aux besoins personnels des malades. Sa bonne réputation l'avait précédé et c'était une excellente chose. Il exposa ses analyses qu'il avait faites de chaque patient et expliqua ce qu'il fallait changer dans la manière de les aborder.
Claire écoutait attentivement les conseils du docteur Perret. Sa capacité à analyser les patients l'impressionnait. Avec des personnes mentalement instables, il arrivait fréquemment de ne pas comprendre leurs agissements.
-Et avec Ambre ? Que faisons-nous ?
-Il est préférable de la brusquer le moins possible. Selon elle, n'importe qui est en capacité de l'agresser. Chaque seconde passée avec quelqu'un est traumatisante. Il faut respecter une certaine distance afin qu'elle ne se sente pas envahie. Surtout, parlez-lui pour éviter qu'elle ne soit déstabilisée par vos actions. Je veillerai personnellement à ce qu'elle mange suffisamment et lui ferai moi-même ses examens physiques. Elle a besoin de temps.
-Pensez-vous qu'elle a une chance de guérir ?
-Je suis sûr qu'elle peut progresser mais son passé est solidement ancré en elle. Ambre ne pourra jamais guérir totalement. Juste apprendre à vivre avec.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...