-Attends, je ne comprends pas. Qui t'as volé quoi ? questionna Romain, les sourcils froncés.
La jeune femme aurait préféré rester seule pour se remettre de ses frayeurs mais son bracelet comptait davantage à ses yeux que ses craintes. De plus, il était le seul à qui elle pouvait en parler. Ambre baissa les yeux et recula sur le lit devant le ton froid du médecin Perret. Son regard noir lui avait glacé le sang. Celui-ci s'en aperçu immédiatement.
-Excuse-moi. Il ne faut pas que tu aie peur, j'aimerais juste comprendre ce qui s'est passé pour que tu sortes de ta chambre. C'est la première fois depuis cinq ans n'est-ce pas ?
Le pas gigantesque qu'elle venait de franchir sans s'en rendre compte ! Elle acquiesça timidement.
-Un garçon est venu dans ma chambre. C'était un patient. Il... Il a tenté de me prendre à la gorge mais il a reculé lorsque j'ai hurlé, expliqua-t-elle difficilement. Puis je me suis évanouie quelques instants et lorsque je suis revenue à moi, le bracelet de Maman avait disparu.
Jamais la jeune femme ne s'était exprimée aussi longtemps. Romain hésita à lui poser des questions sur le bracelet en question mais cela risquait de la plonger dans une profonde mélancolie. Elle ne réagissait pas non plus au fait qu'il soit si proche d'elle. Était-ce essentiellement dû à la peur et à la fatigue engendrées par cette aventure ou cela démontrait-il qu'elle s'habituait à sa présence ? A chaque fois qu'il faisait un mouvement, elle sursautait, craintive et méfiante. Mais elle n'était déjà plus blottie contre le mur à cinq mètres de lui. A l'évocation de ce souvenir, elle se mit à sangloter. Ce qu'elle avait vécu au sein même de l'hôpital dans lequel elle aurait dû être en sécurité était très inquiétant. Si cette pièce ne pouvait plus représenter sa seule zone de confort, il n'osait imaginer sa détresse. Et quel patient dans cet hôpital avait pu dégénérer au point de commettre un crime pour s'amuser ? Cela ne relevait même plus de ses compétences... Romain encouragea Ambre à s'allonger malgré ses tremblements afin de se reposer. Sa main bougea toute seule.
La jeune femme était trop exténuée pour se battre contre ses frayeurs. Elle souhaitait juste se laisser aller. Le nœud qui s'était formé dans son ventre en évoquant son bracelet ne risquait pas de se résorber avant de pouvoir enfin le tenir au creux de ses mains. Mais l'idée de se confronter de nouveau à ce garçon visiblement détraqué mentalement la mettait dans tous ses états. Le contact de sa main chaude sur son cou l'écœurait. Son sourire carnassier était terrifiant. Était-elle réellement en sécurité dans cette chambre ? Ne risquait-il pas de revenir ? Mais où était-elle en sécurité, dans ce cas-là ? Elle avait bien ressenti quelque chose qui y ressemblait dans les bras du médecin Perret. Ambre ne devait pas être bien lucide entourée d'autant de personnes. Certaines portaient même des armes ! L'auraient-ils assommée si elle s'était mise à hurler ? La jeune femme avait cru devenir folle en les voyant tous s'approcher ; jusqu'à l'apparition de ce visage familier. La sécurité existait uniquement en sa présence. Elle sortit de ses pensées lorsqu'elle vit une main s'approcher de son visage. Elle eut un mouvement de recul puis ferma les paupières fermement quand elle s'aperçut qu'elle n'avait pas les forces nécessaires pour crier ni même pour s'en éloigner. A sa grande surprise, cette main ne fut que délicatesse lorsqu'elle essuya une larme de son visage.
Romain n'avait jamais caressé de peau aussi douce et enivrante. Que lui avait-il prit d'agir ainsi ? Ambre, aussi attirante soit-elle, était malade ! Il prenait le risque que la jeune femme le repousse pour toujours. Mais il avait eu besoin de ce contact. Paradoxalement, son rôle était de l'aider mais c'était surtout elle qui le réconfortait en ne se jetant pas à l'autre bout de la pièce à son contact. Ses tremblements et sa respiration rapide furent un électrochoc et il la retira immédiatement. Elle avait absolument besoin de reprendre des forces et la torturer psychologiquement n'était pas une bonne idée.
-Bien, reposez-vous. Je reviens dans une heure, dit-il soudainement en se levant.
Il devait voir le directeur de l'établissement. Une idée lui était venu. Le docteur Léonard, un homme bedonnant et toujours souriant, apparut alors à l'autre bout du hall. Romain se précipita à sa suite, encore sous le choc de son geste pour le moins innatendu.
-Excusez-moi, monsieur. J'aimerais vous faire part d'un projet qui serait, je le pense, très bénéfique pour certains patients.
-Eh bien, venez donc me raconter tout ça dans mon bureau. J'ai appris que de nombreux patients se rétablissaient promptement à votre contact. Notamment la petite Ambre. Félicitation ! Parvenir à l'approcher comme vous l'avez fait ce matin est un véritable exploit ! Vous semblez savoir de quelle manière agir en sa présence, s'exclama-t-il admiratif.
-Je vous remercie mais je reste convaincu que dans ce genre de traumatisme, la douceur est la clé de tout. Justement, à propos d'Ambre Verreman, la présence d'Erwan dans sa chambre l'a vraiment choquée. Je pense qu'elle ne se sent plus en sécurité ici.
-Comment savez-vous que le jeune homme qui a pénétré sa chambre est Erwan ? haussa-t-il un sourcil.
-Je le côtoie tous les jours et je peux vous assurer qu'il est le seul capable d'agir ainsi. D'ailleurs, je me demande s'il ne serait pas bénéfique de l'envoyer dans un autre établissement plus spécialisé dans les troubles mentaux. Il a besoin de soins plus adaptés et s'il met en danger la santé d'autres patients, c'est vraiment problématique.
-Etes-vous sûr de ce que vous avancez ?
-On ne peut plus sûr. Erwan est très malin et c'est pour cela que nous sommes passés à côté de son état aggravé. Il aurait sans doute étranglé Ambre ce matin si elle n'avait pas hurlé. Oui, monsieur, c'est à ce point-là, se sentit Romain obligé d'ajouter devant son expression suspicieuse.
-Bien, c'est vous qui le côtoyez le plus souvent donc je fais confiance à votre jugement. Je m'occuperai des formalités. Mais qu'en est-il de ce projet dont vous parliez ?
-Je souhaite emmener une dizaine de patients faire différentes activités dans le nord de la France, en Bretagne, durant deux mois. Pour la plupart, cela aurait beaucoup d'effet sur leur moral et les motiverait pour guérir plus rapidement. Pour d'autres, comme Ambre, cela leur permettrait de sortir de leur bulle d'isolement. Ils seraient encadrés par moi ainsi que quatre autres personnels soignants dans une villa. Et même si cette thérapie n'avait finalement pas les résultats escomptés, le grand air fait forcément du bien.
Le docteur Léonard prit un air pensif.
-Je ne sais pas... Ce serait la première fois que nous organisons une pareille expédition. Mais nous avons les moyens de la financer. Etes-vous sûr que cela soit bénéfique pour les patients ?
-Absolument certain. Je peux vous préparer une liste des patients que je souhaiterais emmener.
-Bien. Faisons ainsi, abrégea-t-il en serrant la main du docteur Perret. Je compte sur vous.
Romain prit soin de garder une attitude professionnelle jusqu'à ce qu'il sorte du champs de vision du directeur. Puis laissa exploser sa joie.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...