-Tu as fait une grosse crise et j'ai dû t'endormir. C'est normal si tu as mal à la tête et que tu te sens légèrement nauséeuse.
Ambre secoua la tête. Voilà qui expliquait la piqûre ressentie. L'idée que le jeune homme l'ait endormie contre son gré la rebutait. Elle détestait ne plus être maîtresse de ses actes. Le souvenir des arbres crochus dans l'obscurité lui fit monter des larmes. Romain l'attira contre lui et lui chuchota des mots apaisants.
-Nous sommes chez Carl Thomas, un garde champêtre, et sa petite-fille Marie, expliqua-t-il lorsqu'elle fut un peu camée. Ils nous hébergent pour cette nuit en attendant que la marée baisse. Repose-toi, maintenant. Nous partons demain matin.
La jeune femme ne dit rien. Habiter chez des inconnus était loin de la rassurer mais elle préférait cela que de rester dans la nuit noire. Il lui tendit un liquide blanchâtre qu'Ambre observa méfiante.
-Bois. C'est un analgésique pour ta cheville. Je n'ai pas de quoi te soigner dans l'immédiat. J'ai juste posé un bandage pour la maintenir mais je l'examinerai davantage une fois rentrés à la villa.
Alors qu'il s'apprêtait à quitter la chambre, elle attrapa sa main. Ce geste le surprit.
-Reste avec moi. Ne m'abandonne pas.
Il sourit tendrement. Ses yeux verts n'osaient se poser sur lui et ses joues rosirent. Une bouffée de désir le prit soudainement. Elle paraissait tellement inoffensive ! Le pull dont il l'avait vêtue était trop grand, donnant l'impression qu'elle nageait dedans. Il laissait surtout apercevoir la naissance de sa poitrine. L'homme brûlait d'effleurer cette peau laiteuse et pâle.
Ambre s'allongea timidement tandis que Romain prit place dans un fauteuil en face du lit.
-Je reste là jusqu'à ce que tu t'endormes, sois tranquille.
A plusieurs reprises, un bruit dans la nuit la réveilla en sursaut mais elle put à chaque fois se plonger dans les yeux noirs de Romain et se délecter de sa voix chaude qui ne cessait de l'encourager à surmonter ses frayeurs.
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Lorsqu'elle entrouvrit les yeux à cause de la vive lumière du soleil, ce n'est pas Romain qu'elle vit sur le fauteuil mais une jeune fille aux cheveux noirs et aux yeux bleus. Ambre commençait à s'écarter quand elle commença à faire des gestes avec ses bras. Marie semblait aussi effrayée qu'elle, ce qui la poussa à s'apaiser. Avec un petit sourire timide, elle sortit un calepin et un crayon et griffonna expressément. Ces deux objets ne la quittaient jamais.
"Bonjour, n'aie pas peur. Je m'appelle Marie. As-tu bien dormi ?"
-Oui... murmura Ambre qui comprit rapidement que Marie était muette.
Elle gribouilla sur son carnet.
"Tant mieux. Ton compagnon est allé repérer le chemin le plus court pour rentrer à votre villa. Excuse-moi de te demander ça comme de but en blanc mais... Quelle est votre réelle relation entre lui et toi ?"
Marie se mit à rougir et Ambre aurait juré que si elle l'avait pu, elle se serait partie en courant. La question était tellement embarrassante. Sa franchise fit sourire la jeune femme.
-Pourquoi tu me demandes ça ?
Elle réfléchit à sa réponse et s'empara de son crayon.
"Pour savoir. Grand-père m'a dit que ce n'était pas mes affaires mais la curiosité m'a poussée à te poser la question. Je suis désolée, oublie."
-Pour être honnête, je ne le sais pas vraiment, rougit Ambre.
"Je vois. Tu es la première à ne faire aucun commentaire sur mon aphasie."
Cette remarque surprit la jeune femme.
-Pourquoi aurais-je à en faire ? Tu es différente, je ne vois pas en quoi c'est un mal. Comment tu te débrouilles au quotidien ? Ça ne doit pas être facile.
Elle baissa la tête tristement.
"Malheureusement, peu de personnes pensent de la même manière que toi. Beaucoup me considèrent comme une attardée mentale car je suis incapable de donner mon avis. En réalité, je n'ai pas toujours été muette. J'ai perdu ma voix suite à un accident de voiture lorsque j'étais en voyage à l'étranger. Et toute cette pitié, ça me dégoûte !" montra-t-elle son carnet en tirant une grimace.
-Je suis désolée de te faire t'exprimer sur ton passé... Tu n'as pas besoin de remuer le couteau dans la plaie.
"Ne t'inquiète pas, c'est très facile de parler avec toi. Et contrairement aux autres qui éprouvent de la pitié ou de la haine vis-à-vis de moi, tu fais preuve d'empathie et de compassion. Tu sembles reconnaître et même prendre part à ma douleur." écrit-elle avec un grand sourire.
-Ta présence me fait le même effet. Je n'ai pas peur à tes côtés.
"C'est souvent le cas des blessés par la vie."
-Pas forcément, objecta Ambre en pensant à Rosa et à son attitude détestable.
Elle lui narra les actions de sa camarade d'hôpital.
"Quel comportement abject !" commenta Marie.
Les deux jeunes femmes échangèrent ainsi une heure, dévoilant peu à peu leur passé respectif. Ambre avait oublié ce qu'était l'amitié et le sentiment de pouvoir tout dire sans honte ni peur. Elle le découvrait à nouveau avec une grande joie. Elle se sentit presque normale.
Romain revint en compagnie de Carl. La marée était suffisamment descendue pour qu'ils puissent rentrer à la villa. Il s'apprêtait à pénétrer dans la chambre d'Ambre lorsqu'il entendit un éclat de rire cristallin. Quel magnifique son ! Et il ne pouvait provenir que d'une personne. Mais avec qui parlait-elle ? Carl se réjouit à ses côtés.
-On dirait bien qu'un charme vient d'opérer. Ma petite-fille et ton amie ont l'air de très bien s'entendre. Qui l'aurait cru ?
-En effet, confirma-t-il, le cœur gonflé d'une intense joie.
Il toqua doucement à la porte. Dès que les deux femmes le virent, elles se calmèrent.
-Ambre, nous allons pouvoir rentrer à la villa. Ils doivent tous être inquiets.
L'homme jura voir dans son regard une lueur de déception.
-Nous pourrons revenir si tu veux. Et Marie pourra nous rendre visite, tempéra-t-il.
Elle hocha la tête lentement. Il ne pouvait malheureusement pas se permettre de la laisser plus longtemps en ce lieu sans soigner correctement sa cheville. Il lui manquait le matériel nécessaire pour les soins. De plus, il n'oubliait pas l'importante crise de la veille qui ne cessait de le tourmenter. Utiliser un sédatif en urgence restait un cas rare et témoignait de l'instabilité du patient. Dans le cas d'Ambre, Romain n'aurait jamais dû en arriver à user de ce dernier recours.
Après quelques recommandations de dernière minute de la part de Carl, ils s'éloignèrent de la demeure, Ambre soutenue par le jeune homme. Passé le fossé rempli d'eau la veille, ils retrouvèrent Adam qui les attendait dans une voiture.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...