Chapitre 37

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Ambre acheva de rédiger sa copie avant de pousser tous les manuels sur le côté. Elle soupira, n'osant faire un mouvement tant sa tension était grande. Depuis plusieurs heures, des bruits suspects la faisait se terrer dans sa chambre, les rideaux fermés et toutes les portes verrouillées. Cependant, cela ne suffisait pas à apaiser son agitation. Était-elle devenue paranoïaque ? Sans doute... 

"Clic"

La jeune femme se recroquevilla, terrorisée avec l'impression d'être de retour dans sa chambre d'hôpital. Au bout de quelques minutes passée dans un silence froid, elle attrapa son sac les mains tremblantes et sortit dans la rue. Elle connaissait l'interdiction de son mari. Mais elle ne pouvait rester une seconde de plus dans cet appartement qui l'angoissait plus qu'autre chose. Avec sa grossesse difficile, elle ne pouvait se permettre de rester plus longtemps sous tension. Il fallait à tout prix qu'elle se calme et Romain était le seul capable de l'aider. Elle fixa son regard sur le sol en tentant de refréner ses frayeurs refaisant surface. Un filet de sueur coula sur sa nuque tandis qu'elle évitait tout contact avec les passants. 

Soudain, une douleur fulgurante la fit s'effondrer. Elle avait l'impression que son corps s'embrasait de l'intérieur. Son premier réflexe fut de poser ses mains sur son ventre pour protéger son bébé. Un geste inutile lorsque la douleur irradiait de lui-même. Son instinct maternel fit surface et elle suffoquait à l'idée de perdre son enfant. Le monde tournait autour d'elle, des personnes s'étaient accroupies à ses genoux, la terrifiant d'autant plus. Elle suffoquait, incapable de reprendre ses esprits. Jusqu'à ce qu'une main se place sous sa nuque pour relever sa tête. De l'eau coula dans sa gorge et elle se calma peu à peu. 

Un homme inconnu lui faisait face, la bouteille de plastique encore ouverte dans sa main. Il lui fit un grand sourire.

-Ça va mieux, mademoiselle ?

Elle déglutit et hocha la tête. Il ramassa la veste qui était tombée à terre et la drapa sur ses épaules froides. Son sourire franc ne quittait pas son visage.

-Voilà qui devrait être mieux. Bien, il faut que je me sauve ! A bientôt, mademoiselle ! s'éloigna-t-il.

Ambre le regarda disparaître dans la foule, la bouche entrouverte. "Je n'ai même pas pu le remercier", se dit-elle avec une pointe de regret. Elle caressa son ventre. La douleur avait largement diminué. Est-ce que ça aurait pu s'achever en une fausse couche ? Au milieu du trottoir ? Cette idée la fit frissonner et elle reprit sa marche rapide vers l'hôpital. Pénétrant dans le vestibule blanc et froid, elle s'avança vers le comptoir et demanda à l'hôtesse à voir Romain. Elle ne s'imaginait pas parcourir les longs couloirs jusqu'à trouver son mari devant le regard de tout le personnel qui la connaissait mieux que personne.

-Ah, vous êtes Ambre Perret ! On entend beaucoup parler de vous au sein du personnel, lui fit-elle un clin d'œil. 

La jeune femme rougit. Ainsi, Romain parlait d'elle à tout-va. Devait-elle se sentir flattée ou outrée ? Elle hésitait...

-Allez dans les jardins, je m'occupe de l'appeler.

Ambre remercia l'hôtesse et partit s'asseoir sur un banc. C'était la première fois qu'elle profitait de la beauté de ces jardins verdoyants. Inutile de préciser qu'elle refusait tout contact avec l'extérieur dans le temps où elle était hospitalisée. Sa voix derrière elle la fit sursauter.

-Je t'avais pourtant dit que je ne voulais pas que tu reviennes ici.

-Je n'avais pas le choix ! se défendit Ambre, prête à faire face à la fureur de son mari.

Ses yeux noirs étaient menaçants. Il la força à se rasseoir sur le banc en voyant son teint blême et s'accroupis devant elle.

-Qu'est-ce que ça te fait de revenir en ce lieu ? demanda-t-il les sourcils froncés. 

Elle comprit que c'était davantage le médecin que son mari qui parlait. Il craignait que revenir dans l'hôpital ne la fasse replonger. Comment pouvait-elle lui faire comprendre qu'elle était en passe de faire table rase du passé ? Il était bien trop protecteur, cela en devenait étouffant. Mais il était tellement mignon !

-Tout va bien. Je ne peux bien sûr pas m'empêcher de repenser à ces cinq ans passés ici mais ça ne me rend pas mal-à-l'aise, répondit-elle.

Il soupira de soulagement, satisfait de sa réponse. 

-Tu vas me rendre fou à ne jamais respecter ce que je te dis de faire...

Elle laissa échapper un petit rire, amusée qu'il soit plus effrayé qu'elle-même. 

-Je t'interdit de rire ! gronda-t-il, boudeur, ce qui la fit rire de plus belle.

Elle avait l'impression que toute la tension accumulée se dissipait lorsqu'il était à ses côtés. Mais une douleur dans le ventre la coupa dans la joie de retrouver Romain. Sa main se crispa sur son épaule. Elle s'empressa de le rassurer en le voyant prêt à appeler une ambulance.

-Tu es encore trop tendue, s'énerva-t-il. Bon sang, pourquoi refuses-tu de suivre les conseils qu'on te donne !? Tu aurais dû rester allongée à la maison !

-J'étais davantage tendue à l'appartement ! répliqua-t-elle sèchement. Mais ça, tu ne peux pas le savoir puisque tu n'es pas là ! 

-Tu me reproches de travailler pour gagner de l'argent ? Ce n'est pas toi qui travailles douze heures par jour ! Ce n'est pas toi qui ramasse de l'argent pour toutes les dépenses de notre futur enfant !

Elle détourna les yeux, terriblement blessée. Il lui reprochait clairement d'avoir ruiné cinq ans de sa vie dans un hôpital, de ne pas avoir pu faire d'études. D'être orpheline et sans argent. 

D'avoir été violée. 

Brisée. 

Il passa une main dans ses cheveux, prenant soudain conscience de la gravité de ses insinuations. Il s'inquiétait tellement pour elle et leur enfant ! Au point de la rejeter et de dire des choses qu'il ne pensait pas... Elle se leva, tenant son ventre d'une main et son sac de l'autre. Le regard qu'elle lui jeta avant de partir dans la direction opposée lui fendit le cœur. Il lui avait fait mal, alors qu'il connaissait sa fragilité. Et ce n'était pas le fait de pénétrer dans l'hôpital, royaume de mauvais souvenirs, qui l'avait blessée. Non, c'était bel et bien lui. Il resta planté sur le banc, incapable de faire le moindre geste pour la rattraper. Comme un lâche.

Mais qu'avait-elle voulu dire en disant que l'appartement était source de nombreux de ses tracas ? 

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Satisfaite, la femme jeta à la tête de Luc une liasse d'argent puis lui fit signe de s'en aller. Elle avait ce qu'elle voulait.

Ce qui lui permettrait de venger son amour de toujours. Elle éclata de rire et se coupa le bras, faisant couper le sang dans un verre, qu'elle but.

Aie ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant