Ambre se tourna vers lui, l'expression fatiguée. Il allait sans doute lui proposer de d'accompagner le groupe à une sortie. Mais sa réponse serait malheureusement toujours la même. Hormis Izée et Romain, elle ne parlait à personne. Elle était lasse de se battre contre ses frayeurs. Le jeune homme reprit :
-Est-ce que tu voudrais faire une sortie en bateau ?
Ses yeux se mirent à briller, ce qui fit sourire Romain. Puis elle afficha un visage méfiant et angoissé.
-Je ne sais pas... Si j'en suis capable, murmura-t-elle.
-Prends ton temps pour y réfléchir. Essaie juste de sortir prendre l'air quelques minutes, ce n'est pas bon de rester tout le temps enfermée, lui conseilla-t-il avant de quitter la chambre, déçu qu'elle ait hésité si longtemps.
Il savait que la jeune femme mettrait longtemps avant de lui accorder sa confiance. C'était frustrant mais la patience était la clé.
La jeune femme resta plantée debout dans sa chambre. Elle appréciait qu'il fasse tout pour ne pas la mettre mal-à-l'aise. Sa proposition était vraiment tentante mais l'idée d'être seule avec lui, coincée sur quelques mètres carrés avec seul l'Océan autour, l'effrayait. Bien sûr, c'était déjà mieux que d'être avec tous les autres patients. Aurait-elle dû accepter ? Après tout, il s'était toujours montré doux et attentionné, digne de confiance. Elle secoua la tête et se plongea dans la contemplation du paysage à travers la fenêtre. Le soleil se couchait, répandant une intense lumière orangée sur la mer. Les patients rangeaient le matériel de jardinage, frissonnants dans l'air qui se rafraîchissait de minute en minute.
Elle se sentit soudain étouffer dans sa petite chambre. L'air frai lui manquait et elle se remémora le conseil de Romain. Si la jeune femme désirait sortir avant la nuit tombante, c'était le bon moment. Elle sortit de sa chambre méfiante, accordant une attention particulière au moindre mouvement. Sa respiration s'accélérait et plusieurs fois, elle songea à faire demi-tour. Mais elle en avait marre d'être faible. Romain lui avait assurée qu'elle était en sécurité dans cette villa et elle voulait lui faire confiance. Enfin, elle franchit la porte de la cuisine qui donnait accès à un petit jardin fleuri.
Timidement, elle s'assit sur le petit banc de bois et respira profondément. Elle autorisa ses pensées à divaguer et resta ainsi jusqu'à la nuit tombée. Quand elle pénétra de nouveau dans la villa, Ambre tomba nez-à-nez avec Romain, souriant. Il lui tapota l'épaule. Ambre sentit ses joues chauffer. Sans paroles, son expression signifiait à elle toute seule : "Félicitation, je suis fier de toi. Tu es forte." Pour lui, elle était prête à surmonter ses frayeurs.
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Ambre marchait seule sur un sentier entouré d'arbres menaçants. Plus elle avançait, plus sa tranquillité s'évaporait. Quelque chose n'était pas normal mais elle était incapable de mettre le doigt dessus. Elle connaissait ce paysage mais un vide dans son esprit l'empêchait de se rappeler. La jeune femme voulut faire demi-tour quand, brusquement, ses jambes se révélèrent incapables de faire un seul mouvement. Son sang se glaça lorsqu'elle comprit enfin qu'elle se trouvait dans le lieu de son viol. Comment avait-elle pu ne pas s'en rendre compte !? Elle savait à présent la scène qui allait suivre. Il fallait qu'elle fuit. Maintenant. Un souffle chaud dans sa nuque la pétrifia. Il était déjà là. Sa respiration s'accéléra mais paralysée, sa voix semblait bloquée.
Le paysage se brouilla et se transforma sous son regard. Sur le bord d'une route et pieds nus, les pierres tranchantes l'entaillaient. Des sirènes lui vrillaient les tympans. Les pompiers, la police, tout le monde était présent. L'obscurité de la nuit rendait d'autant plus visibles les flammes qui sortaient d'une voiture renversée. Des cris résonnaient. "Éteignez le feu ! Il y a encore des personnes à l'intérieur !" Ambre demeurait là, au bord de la route, tremblante. Puis elle s'approcha lentement de la scène. Elle traversa la foule qui ne lui jeta pas un regard, comme si elle n'était qu'un fantôme. Sans une once de peur, elle ouvrit la portière en feu. Alors que le métal chauffé à blanc aurait dû la brûler, elle ne ressentit rien. Du froid. Du vide. Elle sortit les deux corps de la voiture et les déposa à terre. Les sirènes et tout le reste s'effrita, seuls restaient les cadavres dont la peau avait fondu. Ambre plissa les yeux et les reconnut malgré leur visage brûlé et torturé par les morceaux de verre brisés. Maman. Papa. Ils respiraient. Soudain, du sang commença à s'écouler de leur poitrine. Horrifiée, elle tenta d'arrêter les hémorragies en plaçant ses mains sur les blessures. Mais le sang coulait, s'écoulait... Bientôt, il trempa les vêtements de la jeune fille de quinze ans. Elle cria, leur hurla de s'éveiller. Pourquoi l'ambulance n'était jamais là lorsqu'il le fallait !? Deux mains la soulevèrent du sol pour l'emmener bien loin de ses parents. Ils avaient besoin de soins, elle seule pouvait encore agir et sauver leur vie ! Ambre se débattait en vain. Elle se retourna pour voir le visage de celui qui les lui avait arrachée. Mais ne vit rien. Elle était seule, perdue dans l'immensité de l'espace. Dans son corps de vingt ans.
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Sentant ses mouvements entravés, Ambre se débattit de plus belle. Elle n'entendit tout d'abord rien d'autre que ses propres hurlements. Puis perçut de la lumière. Son dos était trempé de sueur et son sang glacé. Elle se sentait trembler de tous ses membres et les mains posées sur elle n'arrangeaient en rien son état de panique. Enfin, elle distingua dans tous ce brouillard d'émotions une voix qui ne lui était pas inconnue. Une voix chaude, douce, apaisante.
Un cri strident retentit dans toute la villa et Romain sursauta. Il ne prit la peine que d'enfiler un pantalon et se précipita vers les chambres réservées aux patients. Le cœur du jeune homme se serra en voyant que la chambre était celle occupée par Ambre. Lorsqu'il arriva, les deux médecins Adam et Clarisse, étaient déjà présents, les traits fatigués et tirés. Ils tentaient tant bien que mal de retenir Ambre qui se débattait telle une folle. Elle hurlait, sanglotait. Ses yeux pourtant écarquillés semblaient ne pas les voir. Un cauchemar, déduisit Romain.
Il accourut prendre la place de Clarisse qui s'essoufflait en vain : les mouvements animés par la peur sont les plus puissants. Il la serra dans ses bras, lui chuchota à l'oreille des mots visant à la tranquilliser. Et cela fonctionna une dizaine de minutes plus tard. Elle pleurait et semblait toujours en état de choc mais au moins, elle ne se débattait plus. Il intima à Clarisse et Adam d'aller se recoucher, qu'il pouvait à présent la gérer. Soudain, son corps s'affaissa et Romain la retint dans sa chute. Après un pareil comportement, il n'avait plus le droit de la laisser seule dans sa chambre, évanouie.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...