Chapitre 10

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La vue d'Ambre, épuisée et choquée, se brouilla. Le noir vint l'envahir. Lorsqu'elle reprit connaissance, elle était portée par des bras puissants. Une seule personne dans cette villa l'aurait osé. Elle jeta un regard sur le visage de Romain et sur son torse nu, ce qui la fit rougir. A la recherche de réconfort, elle enfouit sa tête dans son cou, inondant sa peau de larmes. Il caressa ses cheveux tendrement.

Romain savourait le contact de la jeune femme contre sa peau nu. Son corps était si frêle... Il avait l'impression de porter une plume. Sa crise de panique était terminée mais il ne pouvait se résoudre à la laisser seule. Sa respiration accélérée et ses tremblements constants lui indiquaient qu'elle était dans un état de choc important. Ses yeux restaient rivés dans le vide. Dans sa chambre, le jeune homme pourrait veiller sur elle. Lorsqu'il la déposa délicatement sur son lit, elle s'accrocha à lui, comme si elle avait peur qu'il ne l'abandonne. Il la prit alors sur ses genoux, calée contre son torse, et caressa ses cheveux encore trempés de sueur due à son cauchemar. Elle se laissa aller aux sanglots pendant qu'il lui chuchotait des paroles rassurantes. Il la berçait comme une enfant. 

-Ils me manquent... Mes parents, sanglota-t-elle, la respiration saccadée.

-Calme-toi, respire...

-C'est de ma faute s'ils sont morts.

Romain fronça les sourcils et la regarda sévèrement.

-Je t'interdit de penser que tu es coupables de leur mort. C'était un accident !

Elle secoua la tête, les yeux pleins de larmes.

-Tu ne comprends pas. Le soir de leur accident, ils revenaient d'une fête réservée aux anciens élèves d'une même promo. Ça faisaient des mois qu'ils l'attendaient avec impatience. Ils en étaient les organisateurs, expliqua-t-elle. Ils m'ont donc laissée seule à la maison pour quelques jours mais inquiets pour moi, ils sont revenus au beau milieu de la nuit. Je les avais appelés car je n'étais pas bien.

Sa voix se brisa tandis qu'elle s'agrippait de toutes ses forces à Romain. Si seulement il pouvait effacer toute sa culpabilité qui la rongeait de l'intérieur.  

-Si je n'avais pas été égoïste, ils n'auraient pas pris la voiture et ne seraient pas morts, acheva-t-elle.

Ambre semblait si perdue dans ce brouillard d'émotions. Il saisit son visage entre ses mains, l'obligeant à se perdre dans ses yeux noirs.

-Rien de tout ça n'est de ta faute. Tu venais de subir une agression, c'est normal d'être traumatisée. Tes parents le savaient et tu comptais bien plus pour eux que cette fête. Ce n'était pas de l'égoïsme mais un appel à l'aide, ils en étaient conscients. Ne pense plus jamais que ce qui t'est arrivée est de ta faute. N'oublie pas que tu étais la victime de ton agression, pas la cause.

Il posa ses lèvres sur son front. La jeune femme sanglotait silencieusement et Romain essuyait ses larmes. 

-Tu as gardé ça en toi si longtemps... Plus courageuse que toi, je ne connais pas.

Ambre s'était confié à lui. Et dieu que c'était soulageant ! Elle se laissa aller contre son torse tandis qu'il la berçait doucement. Il l'allongea sur son lit mais ne la lâcha à aucun moment. Un sommeil sans rêve vint l'envelopper d'une douce chaleur.

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Romain saisit le sac à dos dans lequel étaient rangés les sandwichs que lui tendait Ève.

-J'espère qu'Ambre va apprécier la sortie, j'ai de la peine de ne jamais la voir dîner ou passer du temps avec nous, dit-elle avec une petite moue.

-J'espère aussi. Mais vous savez, elle est malade. C'est très compliqué pour elle d'approcher les gens, soupira-t-il.

-Je le sais. Dépêchez-vous, elle vous attend ! Profitez bien !

Romain quitta la cuisine sous le regard attentif d'Ève. La jeune mère était attendrie par toute l'attention qu'il portait à ses patients. En particulier pour Ambre. Pour sûr, le métier de médecin-psychologue lui convenait à merveille. Il émanait de lui à la fois une force effrayante et une intense tendresse. Comme elle aurait apprécié que le père d'Izée soit davantage ainsi... Il ne l'aurait peut-être pas abandonnée en apprenant sa grossesse. Heureusement que son cousin Jack avait été présent pour elle. Izée était le centre de ses préoccupations. Mais quand est-ce qu'elle pourra vivre sa vie ?

Ambre attendait dans le mini-bus, anxieuse. Elle avait fini par accepter cette fameuse sortie en mer avec Romain. Son sourire réjouit lorsqu'elle le lui avait annoncé avait achevé de la convaincre. Le jeune homme s'installa sur le siège conducteur, non sans quelques attentions pour elle.

-N'aie pas peur. Tout va bien se passer, tenta-t-il de la rassurer.

Ambre fut incapable d'esquisser un sourire tant son angoisse était grande. Pour la première fois depuis cinq ans, elle allait se confronter à "l'extérieur". Un rien l'effrayait et le seul aspect pouvant la stabiliser quelque peu était la présence de Romain à ses côtés. Elle murmura un faible "ça va aller" à son intention. Elle percevait l'inquiétude qu'il ressentait à son égard et la refusait. Arrivée au port, Romain la dirigea vers un petit bateau pneumatique. Pas bien grand mais suffisant pour ce qu'ils s'apprêtaient à faire. Il lui enfonça un chapeau sur la tête.

-Je n'ai pas envie que tu fasses une insolation ! protesta-t-il devant son regard surpris.

Il la tint par la main le temps qu'elle enjambe la paroi. Grisée par le soleil et l'impression d'être en vacance, elle plongea sa main dans l'eau claire sous le regard attendri de Romain. Il interrompit le bateau et s'avança vers elle. Ambre recula mais le jeune homme prit son visage entre ses mains malgré tout. Il ne parvenait plus à retenir le désir qu'il éprouvait envers sa patiente.

-Ambre, j'aimerais que tu te reposes davantage sur moi. Que tu m'accordes ta confiance. Tu es la personne la plus forte jamais rencontrée. J'aimerais... J'aimerais rester à tes côtés... murmura-t-il en caressant tendrement son visage.

La jeune femme sentit ses joues s'empourprer sous le compliments. Sa peau semblait brûler sous ses mains et son cœur s'envolait, plus léger que jamais. 

-Mais... Je ne suis que votre patiente. Et puis je ne vois pas ce qui pourrait vous attirer. Je suis malade, enfermée dans un hôpital psychiatrique depuis cinq ans. Je ne connais rien à la vie, dit-elle gênée et les larmes aux yeux.

-Regarde les progrès faits depuis quelques mois. Bientôt, tu pourras reprendre une vie normale. Je t'y aiderai. Et oublie un instant ma qualité de médecin. Je veux que tu me vois en homme. 

Ambre n'osa pas lui révéler que c'était déjà le cas depuis un long moment. Depuis qu'il a su éveiller sa curiosité en faisant preuve de tact. Depuis qu'il l'a vue comme une femme et non comme une patiente folle à lier. Depuis le jour où il a essuyé ses larmes pour la première fois.

Aie ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant