Chapitre 19

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Romain déposa délicatement la jeune femme sur son lit et entreprit de relever le tissu de son pantalon qui recouvrait sa cheville meurtrie. Dès qu'il l'effleura, elle émit un grognement de douleur.

-Je suis désolé mais il va falloir que manie ton pied.

Délicatement, il commença à la tourner de droite à gauche. Ambre retint ses larmes avec une grande difficulté. Il tenta de la détourner de son atroce douleur par une conversation.

-Tu avais l'air de bien t'entendre avec Marie ? 

-Elle est adorable. Mais son quotidien n'est pas facile depuis son accident.

Il acheva le bandage serré.

-Comment ça ? Tu veux dire qu'elle n'est pas muette de naissance ? s'étonna-t-il.

-En effet. C'est d'autant plus difficile puisqu'elle a connu la parole. Et contrairement à ce que pensent beaucoup de personnes, elle entend toutes les critiques qu'ils peuvent émettre. Les gens sont infects entre eux, ils rejettent les différences, plissa-t-elle les yeux. Parfois, il m'arrive de penser que la nature humaine devrait disparaître... Sur cette planète, nous ne servons à rien hormis détruire la nature qui nous a nourri et nous battre entre nous. Nous vivons pour nous et pour personne d'autre, dit-elle pensivement. Mais il existe aussi des gens biens. Des gens qui s'activent pour faire évoluer les mentalités. Des gens qui se soucient des autres. Rien n'est tout blanc ou tout noir.

Romain lui sourit tendrement. Cette femme est unique au monde. Sa beauté égale sa fragilité. Son intelligence atteint sa combativité. Il l'observe tenter de faire quelques pas avec l'attelle qu'il lui a installé. Elle s'approche de la fenêtre et lui lance un sourire radieux.

-Merci, lâche-t-elle après une minute de silence.

-Pourquoi tu dis ça ?

-Merci d'être toujours là pour moi.

Elle le dévisage, observe sa mâchoire carrée. Sa barbe de deux jours lui donne un air encore plus ténébreux. Sa musculature est clairement visible sous son tee-shirt gris. Elle rougit en pensant à ce que cela donnerait sans aucun tissu pour faire barrière entre leur deux corps. 

Ses cheveux volent dans le vent qui traverse l'embrasure de la fenêtre ouverte. Un rayon de soleil leur donne davantage une couleur bonde vénitienne que cendrée.Ses lèvres rouges sang gonflées hypnotisent Romain. Sans aucune maîtrise de son corps, il les embrasse brusquement. 

Elle y prend rapidement part, comme si elle attendait qu'il se lance. Ses gestes tout d'abord hésitants, deviennent rapidement plus sûrs et Romain est surpris de la façon dont elle caresse son dos et son visage. Avec sensualité. Comme si elle avait une grande expérience, ce dont il doute. "Elle n'a pas peur de moi", se répète-t-il avec soulagement. Il jubile.

Ambre brûle de l'intérieur. Une chaleur qui prend naissance aux creux de ses seins et de sa féminité. Elle parcourt son corps, le corps qu'elle a observé tant de fois sans qu'il ne s'en aperçoive. Sa barbe chatouille la paume de ses mains. Elle passe sa main dans ses cheveux, les ébouriffant au passage. Ses gestes sont lents, précis. Et pourtant, son cœur bat la chamade. Bien sûr qu'elle a envie de plus mais fait-elle les gestes correctement ? Et si la vue de son corps maigre le dégoûtait ? Les doutes l'assaillent de tout côté mais ses mains continuent impitoyablement leur chemin.

-Je t'aime plus que tout... murmure-t-il d'une chaude dans le creux de son oreille.

-Et moi encore plus...

Il la fait basculer sur le lit et passe une main sous son tee-shirt. Elle frissonne de surprise à ce contact, ce qu'il remarque. Il s'éloigne brusquement.

-Je suis désolé. Jamais je n'aurais dû faire ça.

Le corps d'Ambre crie de déception à ses paroles.

-Mais...pourquoi ? Je suis consentante.

-Tu n'es pas encore prête. J'ai peur que ça ne te rappelle de mauvais souvenirs.

Elle baisse la tête. En effet, elle est obligée d'admettre que ce mouvement de recul involontaire était dû au souvenir de son agresseur. Ce simple geste a fait remonté tellement de sensations indésirables... Il prend sa tête entre ses mains.

-Je ne veux pas te brusquer. Nous attendrons le bon moment, toi comme moi, dit-il tendrement.

Ambre pose sa tête sur son torse en soupirant. Elle sait qu'il en avait envie. Une fois de plus, elle n'a pas été à la hauteur.

-Je suis vraiment lamentable, n'est-ce pas ? Rosa avait raison...

-Je t'interdit de dire ça. Tout ce qu'elle a pu dire est faux, il faut juste t'en convaincre, s'écria-t-il le regard dur. Tu es intelligente,généreuse, magnifique... Tu es mon ange tombé du ciel.

Elle sourit tristement. Romain l'embrasse sur le front et se lève.

-Si tu n'en es pas persuadée, je te convaincrai quoiqu'il arrive.

Ambre, surprise par sa brusque réaction, reste clouée sur le lit et le regarde sortir de la chambre. Qu'a-t-il bien pu vouloir dire par là ?

Romain descend les escaliers, consumé par une fureur sans pareille. Il brûle de lui montrer tout l'amour qu'il lui porte mais il attendra le temps qu'il faudra. Il déplore sa fragilité et hait surtout une personne qui n'a fait que briser son peu de confiance en elle. Il claque bruyamment la porte du salon en y pénétrant. Les personnes présentes tournent la tête dans sa direction, étonnées par sa colère. D'ordinaire, le jeune homme fait extrêmement attention à ne pas laisser paraître ses émotions.

-Rosa ! Suis-moi immédiatement, il faut qu'on parle, lance-t-il sèchement.

La jeune femme, visiblement inquiète, se lève sans protester. Il pénètre dans son bureau et claque la porte une nouvelle fois. Il savoure le mouvement de frayeur qu'elle esquisse lorsqu'il s'approche, ses yeux projetant sur elle toute sa haine. 

-Assied-toi.

Sa voix calme et posée ne fait que l'angoisser davantage. 

-J'ai reçu il y a quelques heures un appel de Mr Léonard. Il m'a informé que le délai de notre voyage allait être allongé d'un mois et demi. Qu'en penses-tu ?

Rosa réfléchit bien à sa réponse. Elle se doute bien qu'il ne l'a pas faite venir juste pour lui demander son avis.

-C'est une bonne nouvelle. Je sais que mes amis apprécient beaucoup la vie dans la villa. S'éloigner de l'hôpital psychiatrique nous fait du bien.

-Tes "amis" ? ricana-t-il après plusieurs secondes glaciales. J'ai pourtant cru comprendre que tu ne traitais pas tout le monde comme tes "amis". L'incident avec Ambre me le prouve largement. Considères-tu que traiter les gens comme des chiens et les humilier dès que l'occasion se présente est un comportement à adopter avec tes "amis" ? Je ne crois pas. Mais cela m'a permis de me rendre compte d'une chose : tu es incapable de vivre en communauté. Donc dès après-demain, tu rentres à l'hôpital, dit-il en croisant les bras.



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