Chapitre 20

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La jeune femme le regarda les yeux grands ouverts. Il n'allait tout de même pas lui infliger ça alors qu'elle avait la chance de sortir enfin de l'hôpital.

-Vous rigolez, j'espère.

-Ai-je l'air de plaisanter ?

-J'ai attendu ce voyage avec beaucoup d'impatience ! Pourquoi ce n'est pas Ambre que vous renvoyez !? Je ne crois pas qu'elle n'ait sa place ici non plus ! cria-t-elle furieuse.

Romain se figea. Cette femme ne cesserait donc jamais d'argumenter ?

-Contrairement à toi, Ambre fait des progrès. Elle est combative. Tandis que tu ne manges toujours rien et que tu ne sembles vouloir faire aucun effort. La donne ne changera pas que sois en Bretagne avec nous ou cloîtrée dans ta chambre d'hôpital.

-Etes-vous anorexique !? contra-t-elle, ignorant la lueur meurtrière dans ses yeux. Il ne me semble pas alors je ne vous permets pas d'insinuer que ce n'est pas difficile pour moi. Je ne suis pas la seule responsable du retard de ma guérison... dit-elle une lueur étrange dans les yeux.

-Remettez-vous en cause mes compétences ? demanda-t-il le visage dur. J'ai déjà eu à soigner des anorexiques et elles sont sorties au bout de trois mois. Votre guérison ne dépend pas que de moi mais aussi de vous. Sans volonté, rien n'est possible. 

Elle resta pétrifiée une minute. Puis esquissa un sourire audacieux. Elle repoussa sa chaise et vint tourner autour de Romain qui la regardait faire, tel un vautour observant sa future proie. Rosa se mit à caresser ses épaules puis son torse sensuellement.  

-Vous savez, je peux me montrer volontaire pour d'autre chose... dit-elle aguicheusement. Si vous oubliiez un instant votre statut de médecin et moi de patiente, nous pourrions passer de bons moments tous les deux... Oubliez Ambre, elle ne me vaut certainement pas au lit.

C'en fut trop. Il s'était retenu longtemps mais le coup partit tout seul. En un instant, elle fut projetée au sol sous l'intensité de la puissante gifle. Les larmes lui montèrent aux yeux tandis qu'elle se tenait sa joue encore brûlante, pétrifiée de peur.

-Cessez immédiatement votre petit jeu ! hurla-t-il, jetant toute sa haine à sa figure. Vous vous croyez sans doute belle et irrésistible mais pour moi, vous n'êtes qu'une petite prétentieuse détestable. Soyez honnête : vous vous complaisez dans votre maladie. Voir vos os qui saillent sous votre peau vous réjouit. Eh bien, si vous estimez qu'être maigre à en mourir est une preuve de beauté ou encore de courage, restez dans cet état d'esprit et croupissez jusqu'à la fin de votre vie dans un hôpital psychiatrique ! 

Il vit dans ses yeux la douleur que ses paroles provoquaient. Mais il était incapable de les regretter. Il tourna les talons sans une once de pitié, l'abandonna sur le carrelage froid de son bureau.

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Le lendemain matin, Ambre se réveilla en sursaut lorsque sa porte claqua brutalement, laissant entrer Ève, paniquée.

-Excuse-moi de te réveiller si tôt mais il se trouve que je n'ai personne pour emmener Izée à la maternelle ! Jack aurait dû revenir tard hier soir mais des embouteillages sur l'autoroute l'ont retardé, souffla-t-elle. Et je dois impérativement finir de préparer votre petit-déjeuner pour huit heures avant que les autres ne s'éveillent ! 

-Tu veux que je l'amène ? Ça ne me dérange pas, proposa-t-elle, encore ensommeillée.

-Merci beaucoup ! Je te revaudrai ça. Tu es la seule à qui je fais suffisamment confiance pour confier ma fille. Sa journée commence dans vingt minutes, dépêche-toi !

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La fillette lui lança un dernier signe de la main avant de s'élancer retrouver ses amis. Son sac comportant ses affaires semblait l'engloutir toute entière par rapport à son corps minuscule. Ambre rebroussa rapidement chemin avant qu'un autre parent d'élève ne l'aborde. Afin de ne pas arriver en retard, les deux filles avaient couru sur le trottoirs. Par bonheur, Izée connaissait à la perfection le chemin qui menait à sa maternelle. 

Elle fut cependant obligée de ralentir, sa cheville l'élançant douloureusement. Romain allait la sermonner, c'était certain. Il ne cessait de lui répéter de ne pas forcer sur sa cheville mais elle n'en faisait qu'à sa tête, à son grand désespoir. Elle n'était pas en sucre tout de même ! Elle ne l'avait pas aperçut depuis la veille. Dans l'après-midi, elle avait entendu ses hurlements mais n'avait osé lui poser de questions à ce sujet. L'homme lui avait seulement assuré que Rosa ne lui ferait plus jamais de mal. 

Un coup de klaxon la fit tressauter.

-Ambre ! cria Jack par la fenêtre de sa voiture.

Avec soulagement, elle s'approcha de sa Peugeot 206, bonne pour la casse.

-Ève m'a dit de venir te chercher en voiture puisque c'est moi qui t'ai obligée à te lever aux aurores à cause de mon retard, lui lança-t-il un clin avec un sourire taquin. 

-Tu as voyagé toute la nuit ?

-Oui mais quelques minutes de plus ou de moins avant de boire un bon café ne changeront pas grand-chose. Allez, monte ! 

Depuis leur arrivée dans la villa, Ambre avait eu l'occasion de discuter plusieurs fois avec Jack. Aussi tendre et précautionneux que sa cousine, il avait su acquérir sa confiance facilement. Elle se retint de jeter un coup d'œil à sa cheville qui devait avoir doublé de volume.

-Tu as mal ? 

Elle secoua négativement la tête.

-Je l'espère car, dans le cas contraire, Romain va nous taper sur les doigts, rit-il.

-Tu connais bien Romain ?

-Oh oui ! Nous avons fait une bonne partie de nos études ensembles avant que je ne change de voie professionnelle. Nous n'avons jamais perdu contact. C'est d'ailleurs grâce à notre amitié que votre voyage a pu se concrétiser. 

-Je vois...

Ambre avait déjà vu les deux hommes se parler familièrement mais elle ignorait le véritable lien qui les unissait. Jack ne rentrant que quelques jours par semaine, elle avait rarement assisté à leurs échanges.

-Tu sais, reprit-il pensivement, Romain t'apprécie vraiment beaucoup. Il a changé en ta présence. D'un homme froid et distant, il devient... énigmatique. Je le vois parfois sourire sans raison. Difficile à croire après la terrible rupture qu'il a subi. Il était tellement triste ! Tu es son opposé et pourtant, tu sembles la lui rappeler.

-Je ne comprends pas. De qui parle-tu ?

-De son ancienne petite-amie. Aurélia. Que dis-je ? De sa presque fiancée. Tu n'es pas au courant de l'histoire ?

-Absolument pas. Il ne se livre jamais, dit-elle avec une pointe d'amertume.

Il soupira profondément, perdu dans de sombres souvenirs.

-Romain est sorti pendant huit mois avec Aurélia. Il l'aimait vraiment. Il aurait pu mourir pour elle ! Ce qu'il ne savait pas, c'est qu'elle était en réalité en couple avec un patient instable mentalement dont il s'occupait.


Aie ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant