Par la fenêtre de sa chambre, Ambre observait Célia, une patiente anorexique, discuter joyeusement avec Brett, qui a des troubles de la mémoire. Depuis deux heures, ils s'affairaient à prendre soin de petits arbustes. Tout le monde semblait tellement heureux. Seule la jeune femme demeurait dans sa chambre, trop effrayée pour sortir. Romain passait toutes les heures vérifier que tout allait bien. Même si son seul désir était de rester seule pour se persuader qu'elle n'était pas dans cette villa mais de retour dans sa chambre de l'hôpital St Claude.
De faibles coups résonnèrent contre la porte qui s'ouvrit. Le visage d'Izée apparut. Elle tenait une assiette pleines de cookies. La petite passait régulièrement lui rendre visite dans sa chambre. Son innocence et son jeune âge la rendaient inoffensive aux yeux d'Ambre. La jeune femme ne tressauta même pas lorsque celle-ci se précipita dans ses bras.
La petite fille faisait preuve d'affection avec toutes les personnes qu'elle rencontrait mais particulièrement avec Ambre. Du haut de ses quatre ans, la notion de phobie lui échappait grandement et elle la trouvait au contraire très sympathique. Izée ne comprenait pas pourquoi personne ne l'approchait. La jeune femme devait se sentir bien seule... Elle s'était bien sûr questionnée sur la raison pour laquelle Ambre préférait rester cachée dans sa chambre au lieu de profiter du soleil, mais Romain avait eu beau la lui expliquer, Izée n'entendait que ce qui lui plaisait. Comme une enfant de quatre ans. Donc elle continuerait d'approcher cette femme si belle et qui lui racontait des histoires extraordinaires. Elle lui tendit l'assiette.
-Ma maman m'a dit de t'apporter ces cookies parce que tu n'as rien mangé depuis ce matin. Tu as vu, je ne l'ai même pas faite tomber ! dit-elle fièrement en plaçant l'assiette sur ses genoux.
-Je te félicite, Izée ! Merci beaucoup !
Ambre tendit un des biscuit à la fillette qui les dévorait du regard. La fillette est tellement mignonne... Elle éveille chez la jeune femme un instinct maternel. A vingt ans, elle pourrait déjà être mère ou du moins avoir un copain mais, bloquée dans cet hôpital sans grand espoir de retrouver une vie normale, c'est un rêve impossible. Après son agression, la pensée d'un simple contact avec un homme la plonge dans l'épouvante. Seul Romain la touche, et uniquement lors des examens médicaux. Un mouvement brusque de sa part la terrifie.
-Pourquoi tu ne veux pas venir avec nous planter les fleurs ? Elles sont magnifiques ! dit la petite en grimpant sur ses genoux.
-Je ne suis pas très à l'aise avec les gens, tu sais.
-Mange ! Les cookies sont mes biscuits préférés, changea-t-elle de sujet.
-Je n'ai pas très faim non plus.
-Allez, goûte-les !
Devant l'insistance de la fillette, Ambre saisit à contre-cœur un gâteau et le mordit. Des larmes coulent sur ses joues sans qu'elle ne puisse les interrompre. Izée panique.
-Pourquoi tu pleures !?
-C'est rien, ce goût m'a juste rappelé... Quelque chose de triste.
Heureusement, Izée n'insista pas. En vérité, le biscuit lui avait rappelé les soirées du dimanche qu'elle passait avec ses parents avant leur accident de voiture. Ils s'installaient devant la télévision et sa mère faisait des cookies dont le goût est si similaire à ceux-ci. Cela faisait une éternité qu'elle n'y avait plus repensé, volontairement afin de ne pas avoir trop de peine. Mais devant la petite, elle sécha ses larmes et afficha un semblant de sourire. Izée était une éponge à émotions et elle refusait de la rendre triste.
-Tu peux me raconter une histoire ?
-Si tu veux... Elle va parler de quoi, cette histoire ?
Izée fit une petite moue, signifiant qu'elle était en peine réflexion.
-L'Océan !
-Alors, c'est l'histoire de...
Romain montait les escaliers pour vérifier qu'Ambre allait bien, comme à chaque heure. Contrairement aux autres patients, il était compliqué de suivre tous ses mouvements. Ses progrès comme ses rechutes. Le jeune médecin fronça les sourcils lorsqu'il vit la porte entrouverte et entendit des voix qui sortaient de la chambre. Il pensa tout d'abord que la jeune femme parlait toute seule puis perçu la voix gazouillante d'Izée. Il préféra ne pas interrompre ce moment magique mais s'avança tout de même pour observer par curiosité. La voix d'Ambre l'attirait, chaude et sensuelle.
La scène le stupéfia : la petite fille était assise sur les genoux de la jeune femme qui lui racontait manifestement une histoire. Il fut surpris par l'éclat espiègle qui brillait dans les yeux de sa patiente. Sa voix était sûre, ses joues rosées. Ses cheveux ondulés cascadaient sur ses épaules, continuaient leur chute dans le dos jusqu'à ses reins. Izée jouait machinalement avec une des mèches, l'esprit dans son histoire. En les voyant, on pourrait les prendre pour deux sœurs ou même pour une mère et sa fille. Ambre était resplendissante. La tristesse, sans doute présente malgré tout, avait disparu de ses traits. Jusqu'à présent, il n'avait vu que la petite fille blessée ; aujourd'hui il assistait à ce qu'elle serait devenue si l'agression n'avait pas eu lieu : une femme épanouie et pleine de charme. Il regrettait tellement ce qui s'était passé même s'il n'y pouvait rien. Elle semblait apaisée, juste heureuse. La femme la plus magnifique qu'il ait jamais vu. Romain sentit ses joues chauffer et son cœur battre plus fort. Il désirait la prendre dans ses bras, la caresser, la posséder, marcher à ses côtés. Chasser à jamais le souvenir de son viol. Son agression puis la mort de ses parents l'avaient brisée mais derrière, on pouvait voir une détermination et une force qui ne la quitteraient jamais. Soudain, le regard perçant de la petite Izée se fixa sur lui. Maligne, cette petite.
-Romain, tu viens écouter l'histoire d'Ambre ? pépia-t-elle, ne remarquant pas l'expression de la jeune femme qui s'était brusquement fermée.
Le jeune homme regretta d'avoir interrompu ce moment unique mais entra cependant dans la chambre. Ambre serra la petite contre elle. Aussitôt, sa peur l'avait écrasée comme une avalanche. Son regard se posa sur l'assiette de cookies à moitié vide.
-Tu as mangé un peu, Ambre ?
Celle-ci acquiesça sans un mot. Enfin une bonne nouvelle ! Elle dépérissait depuis leur arrivée dans la villa.
-Izée, tu pourrais aller jouer ailleurs ? Il faut que je parle avec Ambre.
-Mais pourquoi !? se mit-elle à bouder.
Romain s'agenouilla devant la fillette.
-Ils ont besoin de toi pour arroser les fleurs. Tu ne veux pas aller leur donner un coup de pouce ?
Aussitôt, Izée retrouva le sourire. Elle déposa un baiser sur la joue d'Ambre, qui eut pour effet de lui faire fondre le cœur, avant de quitter la chambre en courant. La jeune femme l'observa rejoindre les autres à travers la fenêtre.
-Pourquoi portes-tu ta blouse d'hôpital ? questionna Romain. Tu as le droit de porter des habits normaux ici.
Ambre planta ses yeux verts dans les siens.
-Je l'aime bien...
Romain haussa un sourcil. Personne n'aime ces blouses.
-Tu as joué la carte du mensonge. Et la vraie raison, maintenant ?
-Je suis rentrée à l'hôpital St Claude il y a cinq ans. Aucun de mes vêtements n'est à ma taille. C'est... C'est bizarre de se rendre compte que j'ai passé cinq ans de ma vie enfermée.
La gaffe. Ce détail ne l'avait même pas effleuré.
-Qu'est-ce que tu ressens vis-à-vis de ces cinq années ?
Il la vit tiquer. Le sujet la mettait mal-à-l'aise mais Romain devait faire son devoir de médecin. Le regret se lisait sur son visage.
-Elles auraient dû être mes plus belles années et je les ai perdues...
-Tu as l'occasion de rattraper certaines choses ici.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...