Romain sourit. Cette petite était vraiment courageuse et sa force l'impressionnait. Au moins, le médecin n'aurait pas à l'endormir ou quoique ce soit pour la sortir de ce bus. Il avait déjà rencontré des patients avec une peur dévorante. Beaucoup refusaient d'affronter leurs terreurs. Ce n'était pas son cas. Il lui prit la main, savourant le contact de sa peau chaude et se rassit à ses côtés.
-On y va quand tu es prête.
Ambre hésitait, elle semblait un moment se décider puis reculait soudain. Les minutes passaient et elle détestait sa faiblesse. Elle souhaitait avancer. Ses traits étaient empreints d'une détermination nouvelle. Romain, à ses côtés, l'observait attentivement un fin sourire sur les lèvres. Il se leva et elle le suivit. En quelques secondes, il furent descendus sur le parking. La jeune femme tremblait et elle évita soigneusement toutes les personnes présentes, qui ne portaient pas le moindre intérêt à son égard. De temps à autre, elle levait un regard anxieux vers le ciel et se raidissait instantanément. Romain avait sa main broyée par la poigne de la jeune femme. Elle s'y agrippait comme pour le supplier de ne pas l'abandonner au milieu de ses émotions dévorantes. Sa respiration s'accélérait, il eut peur qu'elle ne soit pas capable d'avancer davantage. Ambre sentait ses jambes se dérober : tellement de sentiments contraires la bousculaient. Seul le contact du jeune médecin à ses côtés la poussait. Un pas après l'autre, ils arrivèrent dans l'immense demeure. Romain la portait presque. Il la fit s'asseoir sur une chaise et lui frotta le dos, signe de réconfort. Elle lâcha sa main, presque à regret en sentant l'air sécher la moiteur chaude de sa main.
-Je te félicite. Ça fait combien de temps que tu n'es pas sortie à l'extérieur ? s'informa-t-il.
-Cinq ans. Depuis mon admission.
Les larmes coulaient sur ses joues. Toute la pression qu'elle avait contenue en elle s'échappait.
-Donc pour résumer, tu es entrée à l'hôpital St Claude et tu n'en es jamais ressortie. Même pour une brève sortie. Pour quelle raison ? Ne me dis pas que ta peur de l'extérieur en est la cause, je sais qu'il y a autre chose.
Coincée. Elle détestait qu'il puisse lire en elle comme personne. Il désirait une réponse plus précise. La jeune femme n'était même pas certaine de parvenir à mettre des mots sur ses ressentis. Sa main se posa sur son bras frêle, l'encourageant à dévoiler ses failles. Était-elle prête à le laisser pénétrer dans ses faiblesses les plus intimes ? Peut-être un jour...
Ambre s'obstinait dans son silence, évitait soigneusement son regard. Romain jugea qu'elle avait fait suffisamment souffert comme cela pour la journée. Ses progrès étaient tellement lents que cela en devenait frustrant. Quand est-ce qu'elle lui parlerait enfin à cœur ouvert ? Cependant, il savait en tant que médecin que ça pouvait être demain comme l'année prochaine. De rapides progrès ne signifiaient pas la proche guérison. Il se leva et sortit dans la cours saluer leurs hôtes.
La jeune femme le regarda partir avec cette impression d'être abandonnée. A chaque clignement d'yeux, elle voyait ses parents s'éloigner d'elle de la même façon. Secouant la tête pour chasser ses visions, elle se leva à la recherche d'un lieu qui lui semblerait plus sécurisant. Le groupe dont elle entendait les discussions ne tarderait pas à rentrer dans la villa pour prendre ses quartiers. Ses jambes flageolaient alors qu'elle détaillait les pièces, grandes et très ornées, elles ne ressemblaient pas du tout à sa petite chambre d'hôpital, vide et lumineuse. La demeure était immense. Les minutes passaient et elle ne parvenait à trouver aucune chambre. Des éclats de voix la pétrifièrent sur place. Une porte lui faisait face et elle s'y précipita avant que quiconque ne puisse la voir. Un balais lui tomba dessus. Heureusement, une petite lampe s'alluma immédiatement, détectant la présence de mouvements. Des seaux ainsi que des serviettes jonchaient le sol. Un placard à balais, elle n'avait rien trouvé de mieux. Elle glissa son œil et regarda à travers la serrure. Mon dieu, tellement d'inconnus ! Elle recula, en proie à un effroi sans pareil. Elle s'appliquait à calmer sa respiration, en vain. Des sanglots silencieux faisaient tressauter son petit corps. Enfin, le groupe quitta la pièce, après un long moment. Mais Ambre ne parvenait pas à sortir et s'enfonçait dans sa peur, seule et invisible.
Romain bavardait avec leurs hôtes. Ils semblaient être des gens honnêtes et francs. Ève et Jack, cousins de sang, leur avaient fait visiter la somptueuse villa. Durant la semaine, Jack serait au travail mais reviendrait durant les weekends assister sa cousine dans les tâches ménagères qui, quant à elle, logerait à l'étage avec sa petite fille Izée, âgée de quatre ans. Romain avait déjà prévu le programme des prochaines semaines, alternant repos et sorties en pleine nature. Les patients ne devaient pas être exténués. On quitta le petit salon dans lequel tout le monde avait reçu des rafraîchissements. Tous semblaient aux anges. Seule une personne manquait à l'appel depuis plusieurs heures. Ambre. Il parcouru la villa sans la trouver.
-Clarisse, tu sais où est Ambre ?
La médecin secoua la tête et prévint les autres personnels soignants. Romain sentait la panique l'envahir. La jeune femme n'avait sans doute pas quitté la demeure, trop effrayée par l'extérieur. A moins que sa peur du contact humain soit plus forte que celle de l'extérieur ? Il savait si peu de choses d'elle, seulement ce qu'elle acceptait de lui montrer. Il n'aurait jamais dû la laisser seule. Quelle faute professionnelle ! Elle était malade donc imprévisible.
Ambre, tremblotante dans son placard, entendait son nom résonner dans toute la villa mais était incapable de montrer sa présence. Soudain, la lumière vive du soleil vint l'aveugler. Elle se recula davantage mais le mur la bloquait.
-Bah qu'est-ce que tu fais ? Tu joues à cache-cache ? gazouilla une petite voix.
Quelle fut sa surprise lorsqu'elle vit s'approcher la fillette de quatre ans, toute souriante. Ses cheveux bruns ondulés encadraient son visage, lui donnant un air adorable. Son petit nez retroussé accroissait son regard taquin. La petite s'avança et s'accroupit auprès d'elle.
-Tu es trop jolie ! s'exclama-t-elle les yeux brillants. Mais tes cheveux sont vraiment très longs !
Ambre sourit devant sa franchise. Elle était adorable.
-Moi, je m'appelle Izée. Et toi ?
-... Ambre.
La petite lui adressa un sourire éclatant puis retourna dans le salon en courant. Elle revint quelques secondes plus tard, sa main agrippée à celle d'Adam, un des quatre médecins encadrants. La fillette pointait Ambre de sa petite main.
-Je l'ai trouvée ! gazouilla-t-elle, toute fière.
Adam regarda la jeune femme, une lueur de soulagement dans les yeux. Il s'approcha et s'accroupis, cherchant d'éventuelles blessures du regard. Il s'apprêtait à poser sa main sur son épaule pour la relever mais s'interrompit devant son mouvement de recul.
-Romain ! On l'a retrouvée, viens vite ! Elle n'a pas l'air très bien, cria-t-il.
Le visage du jeune médecin apparut dans l'encadrement du minuscule placard. Ambre se souviendrait toujours du sourire qu'il affichait : soulagement, inquiétude, culpabilité... Amour.
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Aie Confiance
Romance"-Tu vois, je ne te veux aucun mal." Ce sont ces mots qui déconcertèrent Ambre dans ses convictions. Depuis son agression, Ambre a peur du contact humains et ne parvient à faire confiance à personne. Cette peur qui la dévore l'a rendue inapte à vivr...