Chapitre 11

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Ambre observait avec émerveillement les falaises que l'océan léchait avec fracas. De sa main frêle, elle tenait son chapeau, de peur que le vent ne l'emporte. Des rafales faisaient tanguer l'embarcation et le ciel se couvrait de nuages blancs. Un temps encore acceptable. De temps à autre, elle trempait le bout de son pied dans l'eau claire. Sa couleur turquoise était vraiment envoûtante. Romain éteint le moteur du bateau et vint lui tendre un sandwich. Elle mordit dedans et esquissa une grimace. Une nausée la prit.

-Tu n'as pas faim ? demanda Romain.

Son manque d'appétit l'inquiétait toujours. La jeune femme secoua la tête et il soupira.

-Force-toi un peu. Mange au moins la moitié.

Le temps passait. Ni l'un ni l'autre ne parlaient mais ce silence n'était en rien pesant. Soudain, un petit bateau à la coque rouge flamboyant les dépassa à pleine vitesse, soulevant une énorme vague. Le jeune homme secoua la tête, leur jetant un regard réprobateur. Ambre, alors qu'elle perdait l'équilibre, fut rattrapée de justesse par Romain. Elle s'écarta précipitamment, plus gênée qu'effrayée. 

-Je suis désolée... dit-elle le rouge aux joues.

-Non, c'est moi, j'aurais dû savoir que tu aurais peur.

Ambre ouvrit la bouche pour le contredire mais il ne lui en laissa pas le temps. Il regardait le ciel, sourcils froncés, soudainement inquiet. Les nuages prenaient un teinte noirâtre et se rapprochaient à grande vitesse, poussés par vent. Des gouttes de pluie faisaient tressaillir la surface de la mer déjà agitée. Etant enfant, son père passionné par l'océan, lui avait souvent expliqué les prémices pouvant annoncer une tempête. Chaque année, de millions de personnes étaient pris par surprise par des perturbations.

-On va rentrer, le temps se dégrade. Ça peut être dangereux de s'attarder. 

Un grondement de tonnerre surgit, comme pour confirmer ses dires. Ambre sursauta et plaqua ses mains sur ses oreilles. Romain caressa son épaule, lui chuchota des paroles rassurantes. Il savait qu'un rien la paniquait. Il manœuvra le bateau et démarra. La pluie fouettait son visage. Au loin, des éclairs zébraient le ciel. Même la mer bouillonnante avait pris une teinte grise. Cette balade en mer devenait réellement dangereuse. De temps à autre, il jetait un regard sur le corps frêle d'Ambre recroquevillé contre la paroi. Ses cheveux trempés lui collaient au visage. Elle semblait cependant tenir le coup. A cette allure, ils seraient rentrés dans une petite heure. Il fallait juste que le temps ne se dégrade pas davantage. Une lueur rouge attira son regard. Elle provenait d'une minuscule faille dans la falaise. Une sorte de petite grotte. Il ralentit le bateau. Ambre lui jetait des regards interloqués.

-J'entends des cris... Il y a quelqu'un à l'intérieur.

Romain la regarda, surpris. Lui ne voyait ni n'entendait rien. Debout, elle plissait les yeux.Son regard, tout d'abord perdu et indécis, se remplit de détermination.

-Ils sont coincés dans la grotte et la marée est montante. Si on les laisse, ils vont être noyé ! 

Le jeune homme ne perdit pas de temps et changea immédiatement le cap. Ces personnes pourraient remercier la bonne vue d'Ambre. Quelle idée d'entrer là-dedans son connaître les horaires de marées et en dépit du mauvais temps... Il fut surpris par la réactivité de la jeune femme. Loin d'être effrayée par la dangereuse situation, elle le guida du mieux qu'elle put à travers les rochers. Enfin, il parvinrent à atteindre l'entrée de la grotte et l'embarcation. Quelle surprise de retrouver le bateau à la coque rouge ! Certaines personnes sont vraiment des crétins... Deux hommes leur faisaient des gestes. Ils ne pouvaient cependant pas entrer dans la faille et les embarquer directement, sous peine de se retrouver également bloqués par les bas-fonds. Ceux-ci devraient d'abord sauter et les rejoindre à la nage. Romain se crispa en voyant apparaître la tête effrayée d'un petit garçon. L'entreprise allait se révéler beaucoup plus difficile et dangereuse. La vie des deux hommes et du garçon étaient menacées, tout comme celle d'Ambre et de lui-même. Il fallait agir vite : les vagues grossissaient et la marée montait rapidement. Il exposa aux deux hommes ce qu'ils devaient faire.

-Hors de question ! Ce bateau m'a coûté une fortune ! cria un des deux hommes, mécontent.

Ambre tomba des nues. Ils préféraient perdre la vie et celle de l'enfant plutôt que de perdre leur bateau ? Romain, aussi stupéfait qu'elle, tentait de les convaincre, en vain. Une bouffée de colère l'envahit.

-Mais vous êtes stupides ou quoi !? hurla-t-elle à la surprise générale. Vous êtes prêts à mourir pour votre misérable bateau !? Eh bien mourrez ici, si ça vous amuse ! Mais cet enfant, le désigna-t-elle du doigt, vient avec nous. Il n'a pas à perdre la vie parce que deux dégénérés comme vous êtes aveuglés par l'argent !

La colère fit virer au rouge le visage de l'homme. Mais il attrapa le bambin en sanglot et sauta à l'eau, bientôt suivi par le deuxième homme. Romain l'agrippa par les poignets pour l'aider à grimper sur leur bateau. L'enfant et celui qui le portait avançaient plus lentement, le courant n'aidant en rien. Une puissante vague les sépara. Ambre poussa un cri d'horreur. L'homme rattrapa de justesse son compagnon avant qu'il ne coule épuisé. La jeune femme gardait les yeux rivés sur l'enfant. Romain se prépara à plonger afin de le secourir avant qu'il ne disparaisse sous la surface mais elle fut plus rapide. Le froid lui transperçait les membres et l'air sortit de ses poumons. La pauvre tremblait de tous ses membres. Le courant la ballottait dans tous les sens. Ses yeux piquaient à cause du sel. Elle remuait ses bras afin de se maintenir à la surface. Rapidement, elle repéra l'enfant et nagea avec difficulté jusqu'à lui. Évanoui, elle le serra contre son cœur et s'employa à rejoindre l'embarcation. Ses vêtements gorgés d'eau la fatiguaient. L'air lui manquait. Au moment où elle se sentait attiré par le fond, une main puissante la hissa hors de l'eau, elle et le garçonnet. Elle vomit toute l'eau avalée sur le pont du bateau, la gorge et le nez en feu. La peau de l'enfant était tellement pâle... 

Dès qu'Ambre et le garçon furent dans le bateau, Romain cria aux deux hommes d'éloigner le bateau des rochers pendant qu'il s'occupait de la jeune femme et de l'enfant évanouit. Qu'ils servent à quelque chose... Le pauvre garçon semblait en piteux état. Il s'employa à lui faire cracher l'eau contenue dans ses poumons pendant de longues minutes sous le regard angoissé d'Ambre. Heureusement, étant médecin, il eut immédiatement les bons réflexes. Alors qu'ils perdaient espoir, le gamin cracha de l'eau et se mit à respirer. Ambre éclata en sanglots de soulagement. Elle le couvrit d'une couverture contenue dans le matériel d'urgence du bateau. Il était hors de danger. L'urgence était à présent de sortir de ces rochers.


Aie ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant