Chapitre 30

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Ève se figea. Elle était pourtant certaine que la fillette était à ses côtés il y a cinq minutes ! La chambre de sa fille se trouvait à l'étage supérieur. L'eau dévalait les escaliers avec une grande force. Elle s'y précipita pourtant, les larmes aux yeux. Sa fille était la seule personne qui comptait encore pour elle. L'eau glacée la brûlait. Elle se tint à la rembarde afin que le courant ne l'entraîne pas. Soudain, des bras puissants la saisirent à la taille pour la faire descendre.

-Lâche-moi, Jack ! Je dois y aller ! hurla-t-elle en pleurs. C'est de ma fille dont il s'agit !

Les cris aigus s'intensifièrent.

Ambre se débattait dans les bras de Romain, soudain parfaitement éveillée. Elle parvint enfin à se soustraire de son emprise et grimpa les escaliers à la hâte. La jeune femme entendait ses cris rauques derrière mais elle ne pouvait se résoudre à abandonner la fillette. Jack, qui tenait encore Ève, ne parvint pas l'empêcher de passer. L'eau absorbée par ses vêtements, rendaient ses déplacements difficiles. Les vagues toujours plus grosses lui arrivaient au niveau des cuisses. Elle se tenait au mur pour ne pas être emportée par le courant. A plusieurs reprises, elle trébucha et tomba dans l'eau glacée. Ses dents claquaient mais cela lui importait peu. La peur réagissait en elle comme de l'adrénaline et ses forces lui parurent décuplées.

Enfin, elle distingua une porte ouverte au fond du couloir et discerna de faibles gémissements s'y échappant. La fillette était perchée sur son lit, un papier à la main. La fenêtre claquait, le verre était brisé et les volets arrachés. L'eau entrait davantage dans la pièce à chaque vague. Les éclairs zébraient le ciel, provoquant des coups de tonnerre assourdissants. Bientôt, le niveau d'eau monterait jusqu'à hauteur de sa taille. La fillette gémit en apercevant Ambre. 

-Je...Je voulais juste prendre la photo de Papa, s'expliqua-t-elle en pleurs.

Ambre la prit dans ses bras à la hâte.

-Il n'y a de temps de temps à perdre, nous devons sortir de cette maison.

Si le soulagement l'avait étreint au moment où elle l'avait vue saine et sauve, il fallait à présent sortir et la petite risquait d'être facilement emportée à travers la fenêtre grande ouverte. Ambre avait déjà dû lutter pour parvenir jusqu'à la chambre. Arriverait-elle à faire le chemin inverse avec une charge en plus ? Non, le doute ne lui était pas permis. Si sa vie ne comptait pas beaucoup, celle d'Izée devait à tout prix être sauvée. 

-Courage, on va s'en sortir... murmura-t-elle autant pour la fillette que pour elle.

Soudainement, un craquement se fit entendre et les deux filles virent avec effroi l'encadrement de la fenêtre se détruire, entraînant avec lui un pan du mur. Une vague faisant deux fois la taille de la jeune femme s'abattit sur elles. Retenant Izée de toutes ses forces, elle s'efforça de garder son calme alors que l'eau envahissait ses poumons. Elle s'appliqua à nager en direction du couloir en vérifiant que la fillette évanouie respirait toujours. Mais elle n'en eut pas le temps : les mètres cubes d'eau se retiraient par l'ouverture dans le mur, les entraînant sans qu'elle ne puisse lutter. Derrière le mur se trouvait la falaise d'une cinquantaine de mètres.

Poussée par la force du désespoir, elle s'agrippa de justesse au pied du lit. Le corps froid d'Izée reposait contre elle. Elle sentait le bout de ses jambes au-dessus du vide. Mais la force de l'eau se retirant de la pièce était plus forte que tout. Ses doigts crispés s'accrochaient, mais pour combien de temps encore ? 

Une main puissante agrippa soudain son poignet, la faisant recouvrer espoir. Romain était là. Il venait de lui sauver la vie. Une larme salée coula sur sa joue tandis qu'il la serrait brièvement dans ses bras, petit geste qui visait à la réconforter jusqu'à ce qu'ils soient sains et saufs. Il souleva la petite, la libérant de sa charge. Il la releva et agrippa solidement son bras, la rattrapant à chaque fois que l'eau l'entraînait de nouveau.

Romain avait cru mourir d'effroi en voyant sa silhouette frêle se précipiter à l'étage pour secourir Izée. Il lui avait crié de revenir, que c'était bien trop dangereux, mais elle l'avait ignoré. L'homme s'était précipité à sa suite, sommant Jack au passage d'aller mettre Ève en sécurité. Il voyait la jeune femme lutter contre les tonnes d'eau qui s'abattaient sur elle sans qu'il ne puisse rien faire. Lui-même se battait contre les vagues qui l'assaillait de toute part. Alors qu'elle allait lâcher prise, il se précipita et la rattrapa juste avant qu'elle ne sombre dans la tempête. Il put lire son soulagement dans ses yeux larmoyants.

Avant qu'une nouvelle vague ne s'abatte sur eux, il l'entraîna avec Izée à l'extérieur de la maison. Il la tint fermement, redoutant qu'elle ne lui soit une nouvelle fois arrachée. La villa était vide lorsqu'ils la traversèrent, signe que les autres devaient être déjà à l'abris. Il espérait secrètement que les secours aient pu localiser leur appel avant que la ligne ne soit complètement coupée.

Le vent à l'extérieur était tellement fort qu'elle peinait à avancer. Elle n'y serait pas parvenue si Romain ne l'avait pas poussée par derrière. Izée était blottie dans ses bras, évanouie. Ils parvinrent à un plateau légèrement plus à l'abris du vent où des ambulances embarquaient le groupe. Elle vit l'homme confier la fillette à un médecin qui la prit aussitôt en charge. Ses jambes flageolèrent. Tout était fini. Ils étaient enfin en sécurité. L'angoisse se retira de son corps et Romain la retint avant qu'elle ne s'écroule au sol. Il l'allongea à l'aide d'un ambulancier sur un lit portable.

Sa respiration difficile enseigna Romain que la fièvre reprenait le dessus. L'ambulancier la brancha à une perfusion sous le regard vigilant de Romain. Il le renseigna sur l'état de santé d'Ambre afin qu'il puisse agir au mieux. 

-Je vois. Le mieux serait que nous l'endormions afin de lui administrer les médicaments plus facilement. Après une pareille épreuve, le meilleur remède est du repos, dit l'ambulancier mécaniquement.

-Romain... murmura-t-elle tremblante de froid.

Alerté, il lui caressa tendrement les cheveux pour la rassurer.

-Je suis là. Nous allons t'endormir et tu te réveilleras en pleine forme.

-Izée...?

-Elle va bien. Tout le monde va bien. Laisse-toi faire, à présent. Ne lutte pas contre le sédatif, tu as besoin de retrouver tes forces. Lâche prise et je serai là à ton réveil...

Bercée par sa voix chaude pleine de promesses, Ambre s'abandonna au sommeil, ressentant toujours sa main la combler de caresses.

Aie ConfianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant