Chapitre 6-1

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Il coinça immédiatement sa botte dans la porte et prit le temps de me détailler des pieds à la tête d'un regard qui ne me plu pas, avant d'afficher un sourire charmeur et terriblement faux sur ses lèvres.

— Je cherche Lyn, elle n'est pas là ?

— Non, me contentai-je de lui lancer, en tentant de repousser son pied et de refermer la porte.

— Tu permets que je vérifie ? me demanda-t-il faussement en poussant soudainement sur le battant pour l'ouvrir.

Comme je m'y attendais, je tins bon. En théorie, même si je n'étais qu'une très jeune louve, j'étais plus forte que lui en force pure. Contrairement aux métamorphes, qui étaient une espèce à part entière, les loups-garous étaient des êtres magiques. Même si certains de leurs « pouvoirs personnels » comme ils les appelaient confinaient à la magie, nous étions différents sur bien des plans. Plus fort physiquement, gouvernés par la lune et par un lien de meute puissant et surtout...notre morsure avait le pouvoir de transformer. J'avais appris tout cela de la bouche d'Aaron, Nicolas n'ayant pas eu le temps de m'expliquer grand-chose avant sa...disparition. Cette triste constatation me sortie aussi vite de mes pensées que j'y étais entrée. Joshua ne devait pas apprendre ce que j'étais. Faire étalage de ma force devant lui était donc une très mauvaise idée.

— Non, je ne te permets pas ! me contentai-je de lui répondre d'une voix légèrement essoufflée pour donner le change et lui faire croire que je me fatiguais. Maintenant, dégage !

— Où sont passées tes bonnes manières ? C'est pas très gentil ça ! me gronda-t-il à voix basse d'un ton moqueur, alors qu'il enfonçait la porte.

J'aurais facilement pu l'en empêcher et le repousser dans le couloir d'une pichenette, mais le rappel de la cérémonie à venir me retint et je le laissai faire. Un sourire victorieux et condescendant aux lèvres, il pénétra dans la pièce et d'un geste lent referma la porte derrière lui.

— Sors de ma chambre tout de suite ! lui ordonnai-je en allant me positionner de l'autre côté du lit, jouant mon rôle jusqu'au bout.

Il me pensait effrayée et vulnérable, ce qui n'était pas le cas. Pas par lui en tout cas ! Ou pas pour les raisons qu'il imaginait. J'avais peur de ce qu'il pourrait faire à Thomas et au clan, mais pas à moi, j'étais bien assez forte pour me défendre contre un louveteau arriviste. En revanche, jouer les filles apeurées quelques minutes pourrait peut-être m'aider à glaner des infos précieuses sur ce qu'il mijotait, c'était un coup à tenter.

— Qu'est-ce que tu veux ? Je sais très bien que tu ne cherche pas Lyn, tu ne la supporte pas.

— C'est vrai tu as raison, mauvaise excuse de ma part, personne ne la supporte !

— Si, moi ! me sentis-je obligé de défendre mon amie. Qu'est-ce que tu veux ?

— En vérité ? Avoir une discussion en tête à tête avec toi, mais tu m'évites tout le temps, alors...Je voudrais savoir pourquoi tu ne m'aimes pas ?

— Pardon ?! Tu plaisantes là ? Donne-moi la vraie raison de ton intrusion dans ma chambre.

— C'est la vraie raison. Je sens ton hostilité à mon égard depuis que je suis arrivé et...j'aimerai juste comprendre pourquoi.

Son numéro d'acteur était au point, sourire avenant, regard timide juste comme il le fallait et posture décontractée, mais il ne me dupa pas une seconde. Je sentais l'ambition, l'impatience et la curiosité émaner de tous ses pores. Cette capacité de sentir les émotions au sens propres du terme, était comprise dans le « paquage loup-garou » et ne faisait que s'amplifier au fil des mois. C'était dur à expliquer mais, pour moi à présent, les sentiments avaient une odeur et c'était infaillible.

— Parce que tu n'es qu'un petit con arriviste ! lui balançai-je sans préambule, d'une part parce que c'était la stricte vérité et d'autre part, pour voir sa réaction.

Instantanément sa posture changea, son regard se fit implacable et son sourire charmeur disparut. D'une démarche menaçante, il s'avança vers moi et m'épingla de son regard hautain.

— De quel droit oses-tu me parler sur ce ton ? Il n'y a vraiment aucune hiérarchie ni aucun respect dans ce clan.

— Respect ? Tu en montre toi du respect en pénétrant dans ma chambre sans y être invité ?

— Tu n'es qu'un membre insignifiant de ce clan. Une jeune femme sans don particulier, je suis bien plus haut que toi dans la hiérarchie.

— Tu sais très bien que ça ne marche pas comme ça, ici ! lui répondis-je essayant de faire passer tout le dégout qu'il m'inspirait dans ma voix. C'est pour cela que je t'ai détesté à la seconde où tu es arrivé, tu as les mots « macho » et « abruti » gravés sur ton front !

Il avait bondi avant que je n'aie eu le temps de comprendre ce qu'il se passait. Il atterrit de l'autre côté du lit et me saisissant rudement par les bras, me plaqua au mur.

— Lâche-moi ! lui ordonnai-je d'une voix calme, essayant de calmer ma louve qui ne rêvait que d'une chose, remettre ce blanc-bec à sa place. Lâche-moi tout de suite, ou je cris.

— Oh la la j'ai peur ! s'esclaffa-t-il méchamment. Vas-y, cri...personne ne viendra à ton aide. Ils te détestent tous. C'est justement ça qui m'intrigue. Tu es trop insignifiante pour générer une telle aversion généralisée, donc, quel est ton secret ?

— Aucun, je ne suis pas très...liante, c'est tout ! lui dis-je en lui envoyant mon genou dans l'entrejambe.

Ses yeux s'écarquillèrent sous le choc et un râle inarticulé sortit d'entre ses lèvres tandis qu'il s'écroulait lourdement sur le parquet.

— Salope ! parvint-il néanmoins à articuler, recroquevillé sur le sol comme un nouveau-né impuissant.

— Je t'avais demandé de me lâcher, il me semble ? Je n'aurais pas pu être plus clair, enfonçai-je le clou d'un ton ironique. Maintenant, dégage de ma chambre, lui ordonnai-je, le regardant peiner à se redresser en grimaçant, avec une joie réelle et non dissimulée.

— Tu me le paieras. Je ne sais pas ce que tu caches mais je le découvrirai, murmura-t-il d'une voix fielleuse en passant devant moi.

A la seconde près où il arriva devant la porte, celle-ci s'ouvrit à la volée, s'encastrant dans son nez dans un écœurant bruit de cartilages écrasés.

— Oups ! Il y avait quelqu'un ? Rooh, vraiment désolée l'homme de Cro-Magnon, je ne t'avais pas vu ! dit Lyn en pénétrant dans la pièce, un sourire retors jusqu'aux oreilles.

Josh, de nouveau en communion avec le parquet, cherchait à endiguer le flot de sang qui s'échappait de ses narines avec une seule main, la seconde soutenant toujours sa virilité malmenée.

— Tu m'as cassé le nez ! crachota-t-il en lançant un regard meurtrier à Lyn, dont le sourire aurait pu rivaliser avec celui du chat du Cheshire.

— Oh tu es un grand garçon, non ? Doublé d'un métamorphe puissant, d'après tes propres dires ? Dans deux heures tu seras comme neuf ! Va saigner ailleurs, tu nous gâche la vue. Mais si tu préfères, je peux aller chercher Waahana ?

A l'entente du nom de la guérisseuse, il s'empressa de se relever tant bien que mal et sorti de la pièce non sans nous avoir jeter un regard assassin. Nous attendîmes plusieurs minutes, pour êtres certaines qu'il était bien parti, nos sourires se flétrissant à mesure que les secondes passaient.

— Tu l'as fait exprès ? lui demandai-je par acquis de conscience.

— Bien sûr ! J'ai quasiment tout entendu. J'ai dû prendre sur moi pour ne pas intervenir avant, mais, tu avais l'air de gérer la situation, alors...

— Ce n'est qu'un jeune macho avec un ego disproportionné et une ambition dévorante. Ce serait juste risible si la situation n'était pas si pourrie, résumai-je d'une voix lasse en m'asseyant sur le lit.

— Tu es consciente qu'il ne va plus nous lâcher maintenant ?

— Et je m'en ficherais complètement si la situation était différente, mais...blessé ou non, il faut prévenir Thomas.

— Tu as raison, me répondit Lynda au bout de quelques instants de réflexion. Quelque chose me dit que Waahana aura du mal à mettre son plan de diversion en œuvre après ce qu'il vient de se passer. Nous allons devoir trouver un plan B.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant