Son arrivée et sa révélation choc firent taire tout le monde, tandis qu'une vague de fureur protectrice balayait la chambre. Un grondement sourd commença à s'échapper de la gorge de Nicolas et j'essayai de l'apaiser en apposant ma main sur son bras.— Voilà qui explique bien des choses, commenta malgré tout Thomas avec son calme habituel. Tu aurais dû nous en parler.
— Et qu'est-ce qui m'y forçait, au juste ? gronda Grant en attirant Jenny vers lui, avant de se placer devant elle.
— Rien, évidemment, tempéra aussitôt Thomas. Mais si tu étais moins surprotecteur et avais pris le temps de te renseigner un minimum, et pas seulement sur nos casiers judiciaires ! Tu te serais rendu compte que nous étions dignes de confiance.
— Digne de confiance pour quoi ?! Ma vie personnelle ne regarde que moi !
— Plus quand ton secret t'oblige à mentir aux tiens et à couvrir des activités criminelles.
Un grognement sonore s'échappa des lèvres de Grant, tandis qu'il montrait les dents et commençait à reculer vers la porte avec sa fille, lui faisant toujours barrage de son corps.
— Mauvaise option, gronda à son tour Aaron en s'encadrant dans la porte.
La tension dans la pièce grimpa encore d'un cran, mettant notre self-contrôle à rude épreuve. La moindre remarque ou le moindre geste inapproprié risquaient de dégénérer très vite en bataille rangée. Ce qui aurait été une catastrophe, surtout pour Jenny piégée au milieu.
— Et si nous laissions Jenny en dehors de ça et que vous nous expliquiez tout calmement ? déclarai-je du ton le plus calme possible en jetant un regard d'avertissement à Aaron, qui paraissait à deux doigts de perdre tout contrôle.
— Oui ! me répondit instantanément Grant, en même temps que sa fille criait « non ! », en se plaçant devant lui.
— J'ai beau être humaine, j'en ai marre d'être toujours tenue à l'écart de tout ici ! Toute cette situation c'est en partie à cause de moi, alors j'ai le droit de savoir !
— Eugénie, gronda son père en lui lançant un regard noir. C'est dangereux pour toi, ici...
— Ils ne me feront pas de mal ! s'énerva-t-elle en levant les yeux au ciel avant de s'approcher de Thomas.
— Certainement pas volontairement, lui répondit Thomas. Mais votre père à raison, cela pourrait dégénérer et...
— Raison de plus pour que je reste ! insista Jenny du ton butté typique de tous les ados de la terre.
Un éclair de tendresse, d'amour et d'admiration traversa le regard de Grant, avant qu'il ne reprenne aussitôt son air impassible de dur à cuir. Ils s'aimaient tous les deux, c'était un fait indéniable, mais nous devions néanmoins savoir, à présent que nous avions découvert le secret de Grant, ce qu'il nous avait caché exactement. S'il s'avérait qu'il était de mèche avec Ivory et sa clique, nous ne pourrions pas laisser passer cela. Qu'il soit père de famille ne changerait rien à l'affaire et il le savait.
— Jenny, soit raisonnable pour une fois, je promets de tout de rapporter par la suite mais...
— Non ! Je ne bougerais pas d'ici.
— Très bien, alors allons ailleurs. Nicolas à besoin de se reposer de toute façon, intervint Aaron en commençant à reculer pour libérer l'accés.
— ça il n'en est pas question ! sortit à son tour Nicolas, d'un ton presque aussi têtu que celui de Jenny en s'asseyant au bord du lit.
— Bon, puisque tout le monde à décider de jouer les têtes de mules aujourd'hui, nous pourrions au moins nous installer plus confortablement, non ? Parce que je ne sais pas pour vous, mais moi, j'ai mal aux pieds ! balança Lyn en pénétrant à son tour dans la pièce.
Elle avait l'air décontractée, mais le bref regard qu'elle me lança m'apprit qu'il n'en était rien. Autant sur le qui vive que les autres, elle était prête à agir au moindre signe. Ce furent le mouvement d'épaule de Grant qui m'indiqua que nous pourrions peut-être éviter le pire. Je vis ces dernières se détendre imperceptiblement, avant qu'il ne fasse un pas en avant et n'aille s'assoir sur la dernière chaise libre, les deux mains bien en vue sur ses genoux.
— Très bien, que voulez-vous savoir ?
— Étiez-vous au courant de ce qu'il se passait dans les sous-terrain désaffectés courant sous votre terrain ? commença Aaron en entrant pour de bon dans la chambre avant de refermer la porte derrière lui.
— Rien ! Je vous jure sur ce que j'ai de plus cher que je n'étais absolument pas au courant de ce qu'ils faisaient.
— Lorsque Thomas vous a appelé, vous ne saviez pas que mon fils était détenu juste sous vos pieds ?
— Non, sur ce point je ne vous ai pas menti.
— Mais vous saviez que ces hommes étaient là, affirma Thomas à son tour, toute bienveillance à présent envolée.
— Oui, avoua Grant dans un souffle.
— Alors pourquoi ne pas nous avoir prévenu ?
— Ils ont menacé ma fille.
— Explique !
L'ordre, émanant de Aaron claqua comme un coup de fouet dans le silence lourd et pesant de la pièce. Chacun retenait son souffle. Comme en suspens, l'atmosphère semblait... irréelle. Grant grimaça et le regard furibond qu'il lança à Aaron exprimait aussi clairement que des mots ce qu'il aurait fait de son ordre en temps normal. Pourtant, il s'exécuta.
— C'est un de mes hommes qui s'est rendu compte d'une activité anormale près de l'ancienne carrière. Mais comme cette dernière ne fait pas partie de mon territoire, je n'y ai pas prêter attention dans un premier temps.
— C'était il y a combien de temps ?
— Environ quatre mois. Puis, un matin après son tour de garde, Martin manquait à l'appel. Inquiets, nous l'avons cherché partout avant de le retrouver à la limite du domaine... mort.
— Comment ? demanda Nicolas d'un ton fébrile.
— Exécuté, d'une balle en pleine tête, lui répondit Grant d'une voix encore hanté par le souvenir. Normalement je n'aurais pas dû m'en mêler vu que cela ne s'était pas passer sur mon territoire, mais je ne pouvais pas laisser cet acte impuni. Je suis donc, sous ma forme animale, allé voir ce qu'il se passait à l'ancienne mine. Je suis plutôt agile et discret sous ma forme de Lynx, pourtant en deux secondes j'étais démasqué ! Je suis parvenu à m'enfuir, mais le lendemain un... homme sonnait à ma porte.
— Il ressemblait à quoi ? lui demanda de nouveau Nicolas.
— Brun, grand, athlétique, avec une gueule d'acteur ou de politicien. Sa tête me disait vaguement quelque chose, mais je n'ai jamais réussi à me souvenir où je l'avais déjà vu. Une chose était certaine, ce n'était pas un homme et encore moins un métamorphe.
— Tu vois qui s'est ? demanda Thomas à Nicolas.
— Il s'appelle Kane et c'est un loup-garou assorti d'un sadique de la pire espèce, lui répondit-il alors que son bras tremblait soudain légèrement sous ma main.
— Il était au courant pour Jenny et il m'a... expliqué ce qu'il lui ferait si je ne fermai pas les yeux sur ce qu'ils fabriquaient dans les souterrains, expliqua Grant d'une voix grondante à la limite de l'audible. Je ne savais pas ce qu'il était exactement, mais je savais que s'il décidait de s'en prendre à nous, je ne serais pas assez fort pour l'en empêcher, avoua-t-il, de la peur et du désespoir au fond des yeux. Je suis vraiment désolé de vous avoir laissé entre leurs mains, mais je vous promets que je ne savais pas.
— Même si vous aviez su, je n'aurais pas voulu que vous agissiez autrement, lui répondit Nicolas avec sincérité tout en se levant avec difficulté. Cet... être, n'a aucune pitié, ni aucun sentiment. Il aurait fait ce dont il a menacé votre fille. Il y aurait prit plaisir et ne se serait certainement pas arrêté là. Alors vous avez bien fait, lui dit-il en le fixant droit dans les yeux, la main tendue dans sa direction.
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Whisper - Ombre Fauve Tome 2
ParanormalLe monde a changé, les métamorphes sont enfin sortis au grand jour et l'adaptation est chaotique. Au milieu de ce tumulte, certains clan jouent profil bas et attendent de voir l'évolution des événements pour se dévoiler ou non. A moins que d'autres...