Whisper - Ombre Fauve Tome 2

Chapitre 11-1

Un silence assourdissant suivit ses paroles. J'en profitai pour me relever, aidée par Thomas qui avait déjà retrouvé son apparence normale et paraissait encore plus épuisé et éprouvé qu'à son arrivée dans la chambre.

— C'est Ivory, affirma-t-il d'une voix sourde et emplie de colère. Si Nicolas est toujours vivant, je suis certain que c'est aussi le cas de cette pouriture.

— Admettons que vous ayez raison, enchaina Lyn en avançant d'un pas. Pourquoi s'en prendrait-il à nous ? Après tout, tout le monde le croyait mort ! Quel intérêt de se dévoiler maintenant ?

— Il m'a senti, compris-je soudain dans un flash de lucidité, tandis que je m'asseyais lourdement sur le lit. Il a senti mon pouvoir quand j'ai tenté de raisonner Storm au sous-sol. C'est à partir de là qu'il a commencé à contrôler son esprit.

— Oui, peut-être, mais pourquoi ? ça n'a pas de sens !

— Si au contraire ! s'exclama Waahana. Thomas, tu te souviens pendant la réunion de crise, quand nous pensions encore qu'il était de notre côté, tu m'avais dit qu'il semblait très intéressé par Rose. Peut-être est-ce toujours le cas ?

— Non, ça ne peut pas être que ça, réfléchis-je tout haut. Si réellement son seul but était de faire de moi sa compagne...

— Quoi ?! Qu'est-ce que tu viens de dire ? s'exclama Lyn.

C'est à la vue de leurs mines choquées, que je pris conscience qu'ils ignoraient tout des projets abjects d'Ivory à mon sujet. Entre le choc de la disparition de Nicolas et la prétendue mort de ce salaud, je n'avais pas jugé utile d'en parler.

— Dans les bois, avant le... drame, il m'avait avoué vouloir faire de moi sa compagne, avec ou sans mon consentement, leur expliquai-je succinctement.

— Beuuurk ! commenta finement Lyn avec une grimace assortie, qui me fit sourire malgré tout.

— Comme tu dis ! Mais cela ne semblait être qu'un bonus secondaire pour lui.

— Et puis, si c'était réellement son but principal, il aurait tué Nicolas, affirma Thomas d'une voix grondante.

La peur dévorante que je ressentais pour ce dernier, me submergea, m'arrachant à la torpeur qui s'emparait de moi insidieusement. J'étais tellement fatiguée.

— Comment fait-il ? Si c'est bien Ivory, et je pense que c'est le cas, comment fait-il pour nous atteindre ?

— Je pense qu'il se sert de ton lien avec Storm.

— Au début peut-être, mais à présent que je suis devenue le véritable Alpha de Storm, le lien est rompu. Je l'ai senti se défaire.

— Oui, tu as raison. Mais Ivory reste et restera le créateur de Storm. Rien ne pourra changer cela, hormis sa mort. Tu as détruit son emprise directe, mais il est apparemment assez puissant et assez vieux pour se servir des liens de meutes contre vous. Il détient Nicolas, cela lui suffit.

— Et bien plus pour longtemps, murmurai-je d'un ton rageur en serrant les poings et en redressant la tête. Comment faire pour l'empêcher de m'atteindre le temps que je retrouve Nicolas ?

— Il n'y a pas de moyens, Rose. Du moins, pas à ma connaissance. Peut-être que Aaron en saura plus que moi ? Du moins je l'espère, me répondit Waahana, tandis que Thomas fronçait les sourcils.

— Il arrivera quand ?

— Pas avant quelques heures.

L'impuissance et la colère m'envahirent brièvement. Je ne pouvais rien faire pour accélérer le temps et savoir Nicolas aux mains de ce type me rendait folle de rage et je m'y accrochais de toutes mes forces ! Mieux valait la colère, que la peur, l'horreur et le découragement.

— Il est hors de question que j'attende ici à ne rien faire, pendant que ce monstre le torture. Que vous soyez d'accords ou pas, je vais m'endormir et découvrir où ils le retiennent prisonnier.

— Rose, nous en avons déjà discuté et c'est beaucoup trop risqué ! me gronda Waahana.

— Non, nous n'avons rien discuté du tout, car je n'ai pas eu voie au chapitre ! m'emportai-je en me levant. Je sais bien que vous ne cherchez qu'à me protéger, mais je ne suis plus une enfant. Je l'ai enfin retrouvé, ce n'est pas pour abandonner maintenant !

Ma petite tirade jeta un froid sur l'assemblé, bien qu'il me semblât discerner une ébauche de sourire sur les lèvres de Thomas.

— On ne sait pas encore comment fonctionne ton don...

— Et vous croyez vraiment que l'on a le temps de l'étudier, là, tout de suite ! l'interrompit Lyn d'un ton exaspéré. De toute manière, si ses capacités sont débloquées et agissent lorsqu'elle s'endort, comment comptez-vous les maîtriser ou l'empêcher de s'en servir ? À ma connaissance, le sommeil était toujours un besoin vital !

Je vis Waahana prendre une grande inspiration, certainement pour se calmer les nerfs, tandis qu'elle jetait un regard peu amène à Lyn.

— Avec un simple sédatif. Néanmoins assez puissant pour qu'elle atteigne directement la phase de sommeil profond.

— Et vous êtes sûre de vous ? Que se passera-t-il si, au contraire, le somnifère l'emprisonne dans son rêve, ou je ne sais quoi, et qu'elle ne puisse plus en sortir ?

Un frisson glacé et désagréable me parcouru. Lyn avait raison, Waahana n'était guère plus informée que nous sur mes nouveaux pouvoirs et naviguait un peu à l'aveugle. Ce qu'elle proposait était logique mais aussi potentiellement dangereux et le seul moyen de connaitre la vérité serait d'essayer... mais pas tout de suite !

— Comme je ne prendrais pas ce somnifère, cela ne sert à rien d'en discuter. Je vous promets d'essayer lorsque nous saurons où se trouve Nicolas, mais pas avant.

Elle me fixa de longues secondes. Je sentais sa désapprobation et son inquiétude suinter d'elle comme de l'eau. Elle avait beau se maitriser, son pouvoir fuyait !

— D'accord, capitula-t-elle dans un soupir. De toute manière, tête de mule comme tu es, je ne parviendrais pas à te raisonner ! Mais essaies au moins d'être prudente et même si l'envie est forte, ne t'approche pas de Nicolas.

— Pourtant, s'il était plus fort, il pourrait empêcher Ivory de se servir de lui, balança soudain Thomas, s'attirant à son tour les foudres oculaires de Waahana.

— Vous ne suggérez quand même pas qu'elle retente l'expérience ? s'indigna Lyn. Si je n'étais pas arrivée au bon moment, elle aurait très bien pu y rester !

— J'en ai bien conscience, lui répondit-il d'un ton un peu cinglant. Mais à présent nous sommes là, nous savons de quoi il retourne et j'ai peut-être une idée pour sécuriser les choses.

Je fixai durant quelques instants ce jeune homme, banal en apparence, et étais certaine de n'avoir jamais ressentis autant de gratitude pour personne.

— Quelle que soit votre idée, allons-y, je suis prête, lui répondis-je les yeux brillants, l'espoir et la peur faisant accélérer mon cœur.