Chapitre 27-2

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Je ne dormais pas, pas vraiment. Je me trouvais dans cet état qui précède le sommeil où l'on se sent protégé, serein et où l'on ressent la certitude illusoire que rien ne peut nous arriver. Je me laissai flotter dans cette bulle, essayant de prolonger cette sensation de sécurité et de bien-être que je n'avais plus ressentis depuis des mois. Même la musique qui envahit soudain l'habitacle ne parvint pas à me sortir de ma douce langueur, ce qui vu le niveau sonore, était déjà un petit exploit en soi. Lyn s'empressa aussitôt de baisser le volume en incendiant Cooper au passage, avant de se retourner et de me jeter un regard assorti d'une petite moue.

— Désolé ! lança Cooper. Je ne savais pas que c'était si fort. D'ordinaire les métamorphes n'ont pas besoin de monter autant le volume.

— Ce doit-être Jenny qui l'a conduit en dernier... elle est humaine, lui répondit Lynda en se réinstallant confortablement dans son siège.

— Qui ? La fille de Grant ? Tu plaisantes ?

— Non, pourquoi crois-tu qu'il ait fait tout ce cirque pour qu'elle ne monte pas avec vous ?

— ça va, on est civilisé quand même, on ne va lui sauter dessus pour la mordre !

— Pourtant c'est ce qu'elle voudrait, intervint Nicolas en se joignant à la conversion. Ce qui risque de poser problème à plus ou moins court terme, car vous pouvez être sûr qu'elle ne va pas en rester là.

— Pourquoi l'avoir laissé nous accompagner dans ce cas ? Là je ne pige pas, chef ?

— Déjà, ne m'appelle pas chef si tu ne veux pas que je te trouve un surnom encore plus créatif en retour ! J'ai appuyé sa demande car ce sera plus facile de la surveiller en l'ayant sous le nez, là où je suis certain qu'elle ne craindra rien. Plutôt que de risquer qu'elle ne fugue et ne se rende compte trop vite que les autres loups-garous du coin n'auront pas mes scrupules.

— Tu penses vraiment qu'elle serait assez stupide pour faire ça ?

— Elle n'est pas stupide, elle est simplement jeune et désespérée. Elle a vu en nous le moyen de devenir ce qu'elle aurait toujours voulu être... une métamorphe comme son père. A nous de profiter de ce petit laps de temps où elle sera loin de Grant pour lui faire comprendre qu'elle se trompe.

— Et tu crois vraiment qu'un petit sermon et une tape sur les doigts suffira ? demanda Lyn d'un ton plus que dubitatif. 

— J'espère qu'un ou deux jours au sein d'une meute de loups-garous dysfonctionnelle suffira, lui répondit Nicolas dans un petit rire. Attendez-vous à ce que je sois peut-être un petit peu plus dominant que d'ordinaire.

— Tu veux la dégouter ? lui demandai-je sans pour autant bouger de ma position confortable. Tu as déjà essayé ça et apparemment ça n'a pas suffi ?

— Non, je veux qu'elle se rende compte que ce n'est pas vraiment ce qu'elle s'imagine, ni ce qu'elle cherche. Ce qu'elle veut réellement elle ne l'aura jamais, elle doit en prendre conscience.

Un silence sceptique suivi les paroles de Nicolas. Je voyais très bien ce qu'il voulait dire mais, de mon point de vue, il aurait beaucoup de mal à le faire comprendre à une jeune fille de dix-neuf ans, pétrie d'espoirs et de certitudes. La conversation s'arrêta et mourut d'elle-même tandis que les dernières lueurs du crépuscule nimbaient l'habitacle, nous plongeant dans une pénombre grandissante. Je sentis Nicolas se détendre et se relâcher sous moi tandis qu'il sombrait dans le sommeil, vite suivit par Lyn qui, tout comme nous, n'avait pas beaucoup dormi la nuit dernière.

— ça va aller ? demandai-je à Copper d'une voix déjà ensommeillée. Si tu as...

— Ne t'inquiète pas, j'ai pu profiter d'une bonne nuit de sommeil. Reposes-toi, me dit-il gentiment.

***

Je ne compris que je m'étais endormie que lorsque la lumière me réveilla. J'ouvris doucement les paupières mes yeux ensommeillés agressés par la faible lueur de l'aube. J'étais à présent à moitié allongée sur la banquette, la tête sur les genoux de Nicolas et nous roulions toujours. Ce qui était étrange, car d'après le GPS intégré de la voiture, seulement sept heures étaient nécessaires pour rallier notre destination. Je me redressai doucement et Nicolas me sourit lorsque nos regards se croisèrent. Il me retint doucement et effleura mes lèvres des siennes avant de me relâcher. J'aurais bien prolongé notre étreinte mais nous n'étions pas seuls, je repris donc ma place initiale à contrecœur et réajustai ma ceinture.

— Nous ne sommes toujours pas arrivé ?

— Presque. Waahana à fortement suggéré qu'il serait préférable de voir notre nouveau chez-nous de jour, me répondit Copper en grimaçant dans le rétroviseur. Nous avons donc fait une pause sur une air d'autoroute.

— Quoi que cela veuille dire, à votre place, je m'inquiéterai, s'esclaffa Lynda.

— Nous allons vite le savoir, lui répondit-il en indiquant le GPS, nous arrivons.

Nous nous tûmes et concentrâmes donc notre attention sur l'extérieur. Nous traversions une forêt et les arbres formaient un rideau dense et opaque de chaque côté de la voiture lorsqu'une voix féminine retentie soudain dans l'habitacle.

« Vous êtes arrivée à destination. »

— Ah d'accord ! ricana Lyn. Une chose est sûre c'est que vous serez au calme, le GPS ne sait même pas où c'est !

Cooper enclencha le clignotant au même moment et je ne vis le chemin que lorsque la voiture de Waahana s'y engagea avant nous. Nous nous mîmes à cahoter entre les arbres, les branches giflant la carrosserie de tous côtés tellement le sentier était étroit. Nous finîmes par déboucher sur une immense clairière et Cooper alla se garer à côté du monospace sur un parking de fortune en terre battue.

— D'accord ! dit-il dans un claquement de langue perplexe, les yeux rivés sur les bâtiments qui nous faisaient face.

A environ une dizaine de mètres de nous, entourés d'une clôture en barbelée, s'élevait les vestiges d'une ancienne usine délabrée et couverte de végétation. Le bâtiment principal, rectangulaire et haut de trois étages, était coiffé d'une toiture en tôle et n'avait quasiment plus aucune vitre intacte. Trois autres bâtiments plus petits et de plein pied étaient disposé autour, sans réel soucis de symétrie, le tout envahit de ronces et de plantes en tout genre. Tout à ma contemplation dubitative, je ne me rendis compte que les autres étaient descendu de voiture que lorsque Nicolas ouvrit ma portière.

— C'est une blague, c'est ça ? demanda Cooper avec espoir à Waahana. Dites-nous qu'il y a un sort de protection et que ce que nous voyions là n'est qu'une illusion.

— Pourquoi ? ça ne vous plait pas ? lui répondit-elle avec un petit clin d'œil. C'est grand, isolé, facilement défendable et...

— ... et surtout complètement délabré et inhabitable ! la coupa Aaron d'un ton furibond. Comment voulez-vous qu'ils s'installent confortablement là-dedans ?!

— Tt... toujours à critiquer, le tança Waahana. Mais toi Nicolas, qu'en penses-tu ?

Il ne répondit pas tout de suite, le regard perdu dans le vague, il contemplait la ruine qui deviendrait peut-être notre futur chez-nous.

— J'aime bien. Il y a de bonnes vibrations ici, finit-il par dire en prenant une grande inspiration. Mais Aaron n'a pas tort, pour remettre cet endroit en état cela va prendre des mois... que nous n'avons pas.

Un sourire étira soudain les lèvres de Waahana et je sus qu'elle nous cachait encore quelque chose.

— Suivez-moi, dit-elle en se dirigeant vers la clôture, j'ai une petite surprise pour vous.

— Le contraire m'aurait étonné, murmura Nicolasavec un demi-sourire attendrit pour la métamorphe avant de la suivre en m'attrapantpar la main.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant