Une fois la ville et ses lumière derrière nous, l'obscurité reprit ses droits. C'était une nuit sans lune et il faisait noir comme dans un four. A tel point que l'on ne pouvait rien distinguer de l'autre côté des vitres, hormis des ombres indéfinissables. J'avais espéré reconnaitre quelque chose, un indice nous indiquant que nous étions sur la bonne voie, mais dans ce noir d'encre même ma vue de loup-garou ne m'était d'aucune utilité. C'était frustrant et angoissant, comme si j'avais besoin de sens pour augmenter mon niveau de stress ! En dernier recours je pouvais toujours sonder mes liens de meutes, mais je n'osais pas. Si Ivory était aux aguets, comme cela paraissait être le cas, il risquait de me repérer et de comprendre que nous étions sur leurs traces.— Quel est le plan ? finis-je par demander, d'une voix qui trahissait mon impatience et mon anxiété.
— Dans notre arrangement initial, Grant nous attend aux portes de son domaine pour huit heure du matin, me répondit Aaron, son regard fixé sur la route.
— Mais nous espérions faire un petit tour de repérage avant, car dès que nous l'aurons dans les pattes, ce ne sera plus la même chanson, commenta à son tour Thomas.
— Ce qui va arriver plus vite que prévu, gronda Aaron. Nous sommes suivi, depuis que nous avons quitté l'aéroport.
— Tu es sûr ? demanda Lyn.
— Oui et je sais aussi que ce sont des métamorphes. Ils ont éteint leurs phares pour ne pas que je les repère.
— Grant ! siffla Thomas d'un ton coléreux. Ce type est impossible !
— Il est complétement parano, je t'avais prévenu ! Et maintenant qu'il a la preuve de ce qu'il redoutait, qu'on lui mente, il ne nous laissera probablement même pas pénétrer sur son territoire, prophétisa Lyn d'une voix ironique.
Je compris, aux tons de leurs voix et aux regards venimeux qu'ils se lançaient, que cela avait été un sujet de discorde entre eux.
— C'est vrai, tu nous avais mis en garde, intervint Aaron. Mais quel autre choix avions-nous ? Si nous lui avions dit toute la vérité, il se serait mis en tête de gérer le problème seul et se serait fait tuer, ou pire, les aurait fait fuir ! C'était la meilleure option et, filature ou pas, nous n'allons certainement pas changer nos plans ! ajouta-t-il en éteignant les phares, puis en braquant subitement à droite.
Je retins de justesse un cri de surprise, et de douleur, lorsque sa manœuvre de pilote me projeta violement contre la portière. Puis il enclencha les quatre roues motrices, avant d'appuyer sur le champignon. Nous rebondissions sur nos sièges au rythme des cahots du chemin que nous empruntions. Des branches griffaient la carrosserie et plus d'une fois je ne crains que nous ne restions embourbés dans une ornière.
— Tu sais où tu vas au moins ? demanda Lyn d'une voix hoquetante, au bout de quelques minutes de ce régime.
— Suffisamment, se contenta-t-il de lui répondre avant de s'arrêter brusquement. C'est bon, on les a semés, du moins pour le moment. Mais comme nous ne sommes pas loin de leur territoire ça ne va pas durer. C'est le moment où jamais, ajouta-t-il en ouvrant sa portière, en ayant prit bien garde d'éteindre la lumière de l'habitacle avant.
Nous l'imitâmes tous dans un bel ensemble, bien que je paraisse être la seule qui n'avais aucune idée de ce dont il parlait.
— Le moment pour quoi ? me décidai-je enfin à demander.
— Pour changer, me répondit Lyn d'une voix déjà sourde en me fixant de ses yeux devenus jaune.
— Nos sens seront exacerbés, nous serons plus rapides et vous aurez une meilleure vision nocturne.
— Parce que ce n'est pas le cas pour toi ? demandai-je à Aaron surprise par la tournure de sa phrase.
— Je garde la même acuité visuelle quelle que soit ma forme. Raison pour laquelle j'étais au volant, me répondit-il en me souriant.
— Rose, peux-tu sentir Nicolas par vos liens de meute ?
— Je n'ai pas osé essayer, avouai-je. Je craignais qu'Ivory ne puisse s'en servir pour nous repérer et comprendre que nous arrivions.
— C'est un risque, mais si nous sommes au bon endroit, ils nous repèreront d'un instant à l'autre. Nous n'avons rien à perdre.
J'acquiesçai d'un simple signe de tête et commençai à appeler ma louve. J'inspirai à plein poumons l'air sain et frais du sous-bois et laissai Whisper m'envahir. Elle s'étira à l'intérieur de moi, comme un jeune chiot en manque d'exercice, tout excité à l'idée de bientôt se dégourdir les pattes. Je stoppai sont expansion, la laissant juste affleurer et me servant de mes sens combinés de louve et d'humain, je basculai en vision astrale et appelai silencieusement tous les membres de ma meute. Le premier que je perçus fut Storm, son aura rendu diffuse par la distance et notre lien disparaissant dans une brume irréelle au terme de mon champ de vision.
— Cooper nous rejoint ? demandai-je surprise, par l'écho plus proche et plus nette que me renvoyait son aura.
— Oui, en voiture, avec des renforts au cas-où. Vu ce qu'il s'est passé dans l'avion j'ai jugé plus sage de le faire venir, mais par un autre moyen de transport, m'expliqua Aaron dont la diction était de plus en plus pâteuse.
Ne voulant pas me déconcentrer plus que nécessaire, je ne répondis pas et, le cœur battant, me mis à la recherche du lien le plus important à mes yeux, celui de Nicolas. Mais... il n'y avait rien.
— Il est ici ? me demanda Thomas, tandis qu'il envoyait son pantalon rejoindre le pull déjà en boule sur le sol de la forêt.
— Non... je ne le perçois pas, répondis-je d'une voix tremblante, au bord des larmes.
Nous serions-nous trompés ? Pourtant la piste semblait prometteuse et pourquoi Ivory aurait-il tenter le coup de l'avion s'il n'avait pas été inquiet ?
— On s'est trompé alors ? dit Lyn, tout en fait en accord avec mes pensées.
— Non, grondai-je en retour, à présent certaine de ma réponse. Le fait que je ne perçoive rien est un signe en soi, leur expliquai-je au fur et à mesure que la compréhension se faisait dans mon cerveau surchargé d'angoisse. Ils ont compris que nous n'étions pas loin et essayent de nous retarder, ils se cachent. Je serais plus à même de le trouver sous ma forme de louve, compris-je alors que Whisper, aussi pressée que moi de partir en chasse, amorçait la transformation sans attendre.
— Comment allons-nous communiquer lorsque nous serons tous transformer ? demanda fort judicieusement Lyn, alors que mes os commençaient déjà à s'allonger et à se repositionner, m'arrachant de petits gémissement de douleur.
— Celui ou celle qui a une piste passe devant et guide les autres. Priorité à Rose.
Ne pouvant déjà plus émettre de mots humains, j'émis un son inarticulé entre le hurlement et le cri, alors que je tombais sur le matelas de feuilles pourrissantes qui parsemait le sol de la clairière dans laquelle nous nous trouvions. J'avais beau être une louve depuis plusieurs mois, je ne m'étais que très peu transformé. J'avais tellement eu peur de le faire sans Nicolas à mes côtés que j'étais parvenue à bloquer le processus, malgré mon très jeune âge. Ceci n'était donc que ma troisième métamorphose et c'était toujours aussi douloureux ! « C'est parce que tu luttes. », m'envoya Whisper, me forçant à me rappeler notre transformation dans les bois lors de la cérémonie. Lâchant prise et voulant surtout que cette souffrance s'arrête, je me laissai guider par mon instinct et, l'instant d'après, j'étais Whisper reprenant pattes lentement sur l'humus humide.
Je m'ébrouai pour chasser les derniers fourmillements du changement et pendant que mes compagnons terminaient leurs propres métamorphoses, laissai mes sens de louve Alpha s'épanouir. Je les sentis sonder la nuit en quête de nos semblables, en quête de Nicolas et soudain, je sus où aller. Il était là, tout prêt, nous ne nous étions pas trompés. Je bondis en avant, tout à ma traque, et sans attendre de voir si les autres me suivaient, m'enfonçais dans la nuit.
VOUS LISEZ
Whisper - Ombre Fauve Tome 2
ParanormalLe monde a changé, les métamorphes sont enfin sortis au grand jour et l'adaptation est chaotique. Au milieu de ce tumulte, certains clan jouent profil bas et attendent de voir l'évolution des événements pour se dévoiler ou non. A moins que d'autres...