Chapitre 41-2

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Quelques minutes plus tard je me tenais gauchement, un fusil dans les mains, entre Nicolas et Lyn, attendant à une distance prudente que Luc ouvre la porte. Nicolas l'avait désigné volontaire d'office et le jeune loup, malgré une grimace équivoque, n'avait pas oser refuser. J'étais quasiment certaine de mon raisonnement, mais je ne pus empêcher mon cœur d'accélérer au moment où il actionna la poignée. Les traits tendus de Luc se relâchèrent légèrement lorsque le battant s'ouvrit sans un bruit et surtout sans explosion et j'exhalais dans un soupir le souffle que je n'avais pas eu conscience d'avoir retenu.

Au-delà du premier mètre, le couloir était plongé dans une obscurité quasi complète de mauvais augure. Ce qui n'empêcha pas Nicolas d'ordonner à Luc d'avancer d'un geste de son fusil. Nous franchîmes tous la porte à la queue-leu-leu, Storm fermant la marche et rabattant légèrement le vantail pour occulter le plus gros de la lumière venant de la pièce aux cellules. Car si l'obscurité n'était pas un handicape pour nos yeux de métamorphe, la lumière artificielle parasitait notre vision nocturne, nous rendant aussi miro que des humains. Au bout de quelques secondes, mes yeux firent le point et je pus enfin distinguer ce qui m'entourait. Nous nous trouvions dans un couloir aveugle qui ne paraissait pas avoir de fin. Il flottait dans l'air une étrange odeur, mélange d'humidité, de poussière et de plâtre. Cet endroit sentait le piège à plein nez.

— Servez-vous de tous vos sens et surtout, on ne se sépare pas. Si vous repérez quelque chose, dites stop, ou levez le point en l'air, nous ordonna Nicolas dans un chuchotement tendu, tandis qu'il échangeait sa place avec Luc.

La tension croissait à mesure que nous avancions dans les méandres sinueux du couloir, en effet cet endroit était un vrai labyrinthe.

— Tu es déjà venu ici ? demandai-je à Luc dans un souffle.

— Oui, mais je n'étais pas vraiment moi-même et tous mes souvenirs de cette période sont... comme troublés.

— Tu as quand-même une idée de ce qui nous attends au bout de ce couloir, ou non ? demanda Nicolas en nous faisant signe de nous arrêter. Car on vient d'arriver au bout, apparemment.

— Non, je ne me souvenais même pas qu'il était si long.

Une drôle d'appréhension m'envahit tout à coup et l'odeur de plâtre me sembla plus présente alors que je rebroussais chemin, dépassant Lyn et Storm. M'approchant du mur, j'en reniflais la surface avant de passer ma main sur le matériaux rêche et froid.

— Qu'est-ce que tu fais ? me demanda Lyn.

Je ne lui répondis pas et continuai à sonder le mur de béton, cherchant... La pulpe de mon dos accrocha une aspérité et je la suivie aussi haut que je le pus. Lorsque je retirai ma main, ma paume était recouverte d'une pellicule blanche et collante. 

— Ils ont muré une porte ici, expliquai-je en sortant le couteau passé dans ma ceinture.

— Tu penses que la porte du fond est piégée, c'est ça ? me demanda Nicolas en me rejoignant pour allier ses forces aux miennes.

— Cela m'a effleuré l'esprit en effet. Ce couloir est trop long, trop... et puis cette odeur de plâtre, ça m'a mis la puce à l'oreille.

— Tu es extraordinaire, tu le sais ça ? me murmura-t-il à l'oreille.

Malgré la situation, un frisson de plaisir me parcourut et j'effleurai très brièvement ses lèvres des miennes alors que les premières plaques de plâtre se détachaient, tombant sur le sol dans un chuintement sourd. Lyn finit par venir nous aider et quelques minutes plus tard, les premières brique de ciment apparurent. Ils avaient visiblement condamné l'ouverture à la hâte, puisque les parpaings mal montés laissaient passer des filets d'airs charriant une atroce odeur de sang et de mort. Angoissée à l'idée que ce put être Grant, emmuré vivant dans cette pièce, je cherchai à déceler son odeur, ou celle de la personne se trouvant derrière ce mur, mais les remugles étaient trop puissants et occultaient toutes les autres senteurs. Lyn essayait déjà de démolir le mur à coup de pieds, lorsque la voix de Luc résonna dans le couloir bétonné.

— J'entends des pas de l'autre côté de la porte, nous dit-il en braquant le canon de son fusil sur le battant en métal.

— Tu es sû...

Avant que Lyn n'ait pu terminer sa question, une énorme déflagration retentit et l'univers implosa autour de nous. Le souffle de l'explosion me projeta dans les airs et mon dos alla heurter violemment le plafond. Un flash passa devant mes yeux et tout devint brièvement noir avant que je ne touche le sol quelques secondes plus tard. Une horrible odeur de poudre et de chairs brulées saturait l'atmosphère devenue quasiment irrespirable par le brouillard de poussières et de particules en suspension dans l'air. Mes oreilles sifflaient et chaque centimètre carré de mon corps me faisait souffrir.

— Nicolas ? Lyn ? essayai-je d'appeler dans une quinte de toux déchirante, qui me laissa pantelante et au bord de la nausée.

Affolée, je me redressai malgré l'horrible douleur qui irradiait mon dos. Chaque aspiration était un supplice et mes yeux ne parvenait pas à percer le brouillard de poussière qui saturait l'air. Je me relevai tant bien que mal, m'égratignant la main sur une pierre effilée et restai debout, chancelante, ne sachant même pas où je me trouvais.

— Nicolas ? appelai-je une nouvelle fois d'une voix désespérée que je peinais à attendre malgré la force de mon cri.

N'obtenant pas de réponse, je commençai à avancer à tâtons et butai très vite sur quelque chose de mou. Les yeux larmoyants et au comble de la panique, je m'agenouillai, priant pour que qui que soit la personne étendue au sol devant moi, elle ne soit pas morte. Je me penchai pour essayer de l'identifier, lorsqu'on des bras me ceinturèrent soudain par derrière. Dans un cri j'essayai de me dégager, lorsque les mots chuchotés à mon oreille parvinrent enfin jusqu'à mon cerveau.

— Rose, tu es vivante. Merci mon Dieu, psalmodiait Nicolas en me serrant contre lui.

Un immense soulagement m'envahit et je me tournai à demi dans ses bras pour lui rendre son étreinte, remerciant à mon tour toutes les divinités me passant par l'esprit.

— Tu sais où sont les autres ? me demanda-t-il d'une voix qui me sembla un peu moins sourde que quelques minutes auparavant.

— Vu sa corpulence, je crois que c'est Lyn qui est étendue devant moi. Je sens son cœur battre, mais elle est inconsciente.

— Je vais la porter, essaye de retrouver la porte, nous n'avons pas dû être projeter bien loin.

Et en effet, au terme d'à peine une minute de recherche, je retrouvai le mur de parpaing à présent à demi effondré. Storm, sonné et à peine conscient, était assis à côté, une méchante estafilade lui barrant le front et inondant son visage d'un masque écarlate.

— Il faut passer de l'autre côté, nous dit Nicolas en nous rejoignant. Tu aides Storm ?

— Et Luc ? lui demandai-je en saisissant l'ancien inspecteur par le bras avant d'enjamber les restes du mur.

— Il était au plus près de l'explosion. Je ne vois pas comment il aurait pu survivre à ça, commenta Lyn d'une voix faible et ravagée.

— C'est un loup-garou, il y a une chance. Je sécurise la pièce d'à côté et j'irais le chercher.

— Je vais y aller, dit Storm en se dégageant doucement de ma prise. Tu es en meilleur état que moi s'ils nous attaquent de nouveau.

Nicolas, en bon Alpha, ne tergiversa pas et accepta la proposition de Storm d'une légère tape sur l'épaule de ce dernier avant de pénétrer dans la pièce condamnée. L'air se clarifia au bout de quelques pas et l'odeur de peur, de sang et de mort supplanta bientôt tout autre fragrance. Nous continuâmes malgré tout à avancer jusqu'à ce que nous puissions plus clairement distinguer ce qui nous entourait... et nous nous figeâmes, hébétés par la scène s'offrant à nos yeux.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant