Chapitre 23-1

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Lorsque je rouvris les yeux, quelques temps plus tard, Nicolas était déjà réveillé. Nous nous trouvions toujours blottis l'un contre l'autre, dans la même position que lorsque nous nous étions endormis et il me caressait doucement le bras, le regard perdu dans le vide.

— Tu es réveillé depuis longtemps ? Encore un cauchemar ? lui demandai-je d'une voix encore enrouée de sommeil.

— Non, que depuis quelques minutes, me répondit-il en m'embrassant doucement les cheveux, éludant au passage ma seconde question, ce qui en soi, était déjà une réponse.

— On a dormis longtemps ?

— Je ne sais pas. Je n'ai pas vu une montre ou une horloge depuis plus de six mois... je n'ai plus vraiment la notion du temps.

Sa réponse, laconique et détachée, me fit froid dans le dos et je me lovai un peu plus contre lui. Pour le réconforter ou me rassurer, je ne savais pas trop ? Ses réactions et ses attitudes étaient tellement différente du Nicolas fort et assuré que j'avais rencontré que je ne savais plus trop comment me comporter pour ne pas le blesser davantage. Malheureusement consciente que l'on ne pouvait pas rester terrer dans cette chambre at vitam aeternam, je me dégageai doucement des bras de Nicolas et me redressai lentement. Ce dernier me caressa légèrement le dos, avant de laisser retomber son bras et de s'assoir à son tour.

Le petit coup discret frappé à la porte nous surpris, faisant s'emballer mon cœur, tandis que Nicolas était instantanément passé en mode défense. Ramassé sur lui-même, il se tenait à présent devant moi sur le lit dans une position semi-accroupi.

— Vous êtes réveillés ? nous parvint la voix de Lynda, étouffé par le battant de chêne. Je vous apporte le petit déjeuner.

— Oui, c'est bon mais... attend une minute s'il te plait ? lui répondis-je en posant doucement la main sur le bras de Nicolas, toujours en mode soldat.

Il ne dit rien mais je sentis ses muscles se détendre légèrement sous mes doigts à mesure que les secondes passaient. Lorsque Lyn pénétra dans la chambre très exactement soixante secondes plus tard, il était de nouveau assis sur le lit, mais son souffle encore saccadé et la tension qui régnait dans la pièce ne pouvait pas passer inaperçu.

— Tout va bien ? nous demanda-t-elle d'un ton suspicieux en s'approchant de nous à pas lents.

— Oui, tu nous as surprise c'est tout. Rien de grave.

— Aurais-je interrompu quelque chose ? embraya-t-elle aussitôt, un sourire coquin sur les lèvres.

D'un regard je lui intimai de se taire et, pour une fois, elle saisie très bien le message et au lieu d'insister comme elle l'aurait fait d'ordinaire, se contenta de poser le plateau sur le matelas au pied du lit.

— Quelle heure est-il ? lui demanda Nicolas d'une voix redevenue presque normale.

— Dix heures... du matin, précisa-t-elle au bout d'une seconde. Je sais, c'est un peu tôt, mais il faut que tu manges et...

— Non, c'est parfait Lyn, ne t'inquiète pas. Nous étions déjà réveillés de toute façon. Merci pour le petit déj.

— De rien.

— Pourrais-tu dire à Thomas, Aaron et Grant de nous rejoindre dans une petite demi-heure ? lui demanda-t-il alors qu'elle s'apprêtait à sortir.

— O.K, lui répondit-elle avant de rejoindre le couloir.

Aussitôt la porte fermée, il se leva et enlevant son tee-shirt trempé de sueur d'un geste rapide, s'empressa d'en enfiler un propre, prit dans le stock de secours se trouvant dans le placard. Puis il revint s'assoir sur le lit avant de s'emparer de l'un des deux mugs de café posés sur le plateau.

La seule chose me faisant dire que c'était du café était l'odeur caractéristique se répandant dans la pièce. Car j'avais beau avoir une vue de loup-garou, la faible luminosité filtrant de sous la porte et autour des rideaux ne suffisait pas pour distinguer tous les détails. Ayant envie d'un peu de lumière je me levai et m'approchai de la fenêtre.

— Non ! N'ouvre pas les rideaux, s'exclama Nicolas, un étrange frémissement dans la voix.

Surprise et alerté par son ton, je suspendis aussitôt mon geste et me tournai vers lui.

— Depuis quand n'as-tu pas vu la lumière du jour ? demandai-je en le fixant, une horrible compréhension commençant à se dessiner.

— Je ne sais plus, me répondit-il d'une voix sourde et saccadée.

Horrifiée, je le contemplais sans savoir quoi dire. Ma première impulsion fut de le rejoindre pour le prendre dans mes bras, mais je stoppai mon geste presque aussitôt. A cet instant ce n'était pas de ma compassion ni de ma tendresse qu'il avait besoin.

— Tourne le dos à la fenêtre, lui commandai-je gentiment d'une voix un peu rauque tellement j'avais la gorge serrée.

Il hésita quelques secondes, puis se détourna doucement.

— On va y aller progressivement. Dès que la lumière sera trop forte tu me diras stop, ok ?

Il acquiesça, bien qu'avec une légère réticence. Même dans la pénombre je pouvais percevoir ses épaules de nouveau crispées et ses mains contractées autour de sa tasse. Le plus lentement possible je commençai à écarter tout doucement l'un des pans de tissu occultant. La lumière de milieu de matinée commença à filtrer, éclairant la pièce d'une pâle clarté de jour de pluie. Malgré la faible clarté, un gémissement s'échappa des lèvres de Nicolas tandis qu'il se cachait les yeux avec son bras. Je stoppai mon geste et doucement me rapprochai du lit. Pour bien lui faire comprendre que j'étais là, je me laissai tomber sur le matelas et avec mille précautions posai ma main sur son épaule.

— Ouvre les yeux... doucement, lui murmurai-je à l'oreille en l'enlaçant par derrière.

Il frémit sous mes mains et ne dit rien, mais au bout de quelques secondes, commença à abaisser son bras tout doucement.

— Nicolas, regarde-moi ? lui demandai-je d'une voix douce et à la limite de la fêlure.

Il se tourna vers moi lentement et me fit face, les paupières toujours baissés.

— De quoi as-tu peur ?

— Je ne sais pas. De l'éblouissement, de la douleur... que ce ne soit qu'un rêve ?

— Ce n'est pas un rêve. Tu peux ouvrir les yeux, lui murmurai-je en l'embrassant doucement.

Il m'embrassa puis lentement, ses paupières commencèrent à se soulever. La faible lumière qui filtrait à travers les rideaux n'était pas suffisante pour le blesser pourtant, il plissa les yeux comme s'il regardait le soleil par un jour de canicule.

— Insiste, laisse tes yeux se réhabituer.

À ma grande surprise il m'écouta, et rivant ses yeux aux miens il m'attrapa les mains. Nous restâmes comme cela plusieurs minutes, tandis que nous nous regardions, ses doigts écrasant les miens et ses yeux pleurant sous l'agression lumineuse.

— Tu vois, ce n'est pas un rêve ?

— Non, me répondit-il en pleurant.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant