Whisper - Ombre Fauve Tome 2

Chapitre 9-1

Lorsque je rouvris les yeux il faisait jour et la clairière ténébreuse avait laissé la place à la chaleur douce et feutrée d'une chambre. La lumière tamisée filtrait à travers les rideaux tirés, signe que je ne me trouvais pas à l'infirmerie mais très certainement dans ma chambre. Mon état ne devait donc pas être si grave, me dis-je en commençant doucement à me redresser, la tête étrangement vide et légère. Je me souvenais de m'être évanouie, mais tout ce qu'il s'était passée avant étaient étrangement flou.

La douleur qui me transperça le flanc droit, m'électrisa des pieds à la tête et me fit retomber sur le matelas, tremblante et nauséeuse.

  — Tt, tt, tt, tout doux jeune fille ! C'est encore un peu tôt pour faire des cabrioles ! me réprimanda gentiment Waahana.

— Pourquoi ne suis-je pas à l'infirmerie ? demandai-je d'une voix rendue rauque par la douleur et ma gorge sèche.

— Même si ce doit être très douloureux, ta vie n'est pas en danger et j'ai pensé que tu préférerais un peu d'intimité. Mais, j'ai peut-être eu tort ?

Un peu désorientée, je ne répondis pas, cherchant à rassembler mes esprits qui me paraissait flotter à la limite de ma portée. J'avais été blessée, ça me revenait maintenant. Des crocs, une fourrure noire, la nuit...

— Je me sens... bizarre, vous m'avez donné quelque chose ?

— Rien depuis la cérémonie. Tiens bois ça, tu as besoin de t'hydrater, me dit-elle en me tendant un verre rempli d'un liquide transparent.

— C'est de l'eau ? demandai-je d'un ton soupçonneux.

— Oui, que voudrais-tu que ce soit ? 

— Une de vos mixtures bizarres ? La dernière m'a retourné le cerveau.

Elle éclata de rire tandis qu'elle s'asseyait sur la seule chaise de la pièce, qu'elle avait rapproché du lit, certainement pour veiller sur mon sommeil.

— Ce que vous avez bu cette nuit n'était que du thé. Très infusé pour lui donner un gout amer, mais sinon ce n'était rien que du thé. 

— Vous plaisantez ? Pourquoi nous l'avoir fait boire dans ce cas ? demandai-je alors qu'un nouveau morceau du puzzle se remettait en place.

— Pour renforcer le côté « magique » de la cérémonie, me répondit-elle avec un petit sourire mutin.

— Vous voulez dire que tout ça n'était qu'une mise en scène ?! m'exclamai-je alors que tout s'emboîtait enfin dans mon cerveau douloureux.

Le brouillard qui embrumait mon esprit et ma mémoire se dissipa d'un coup, soufflé par ma surprise et la colère de m'être fait bernée si facilement.

— Comment va Storm ? demandai-je malgré tout, honteuse qu'il n'ait pas été ma première préoccupation à mon réveil.

— Rose, tu dois comprendre que l'on a fait ça pour le bien de tous. Si l'on t'avait certifié qu'il te suffisait juste de le vouloir et de prononcer les mots rituels, tu nous aurais cru ?

Sans doute pas, convins-je en mon fort intérieur alors que je tentais une nouvelle fois de m'assoir, mais plus doucement et lentement que la fois précédente. Ma blessure se rappela aussitôt à mon bon souvenir, mais je serrai les dents et au prix d'une bonne suée et quelques assauts de nausées, parvint à m'adosser à la tête de lit.

— Vous n'avez pas répondu à ma question... comment va Storm ?

L'inquiétude commençait à enfler dans mon ventre, tandis que je le revoyais, stoppé net dans son élan et s'écrouler au sol comme un pantin désarticulé.

— Tu es son Alpha à présent, tu ne devrais pas avoir à me poser la question. Tu devrais le sentir.

Ravalant la réplique désagréable qui me brûlait les lèvres, je pris une profonde inspiration, fermai les yeux et... il était là. Ils étaient là, tous les trois. Comment avais-je pu oublier que Nicolas était vivant ! pensai-je alors que mon cœur se mettait à accélérer, des larmes de joies et de frustrations mêlées s'agglutinant derrière mes yeux.

— Mais qu'est-ce qui m'arrive ? gémis-je en me prenant la tête entre les mains. J'ai l'impression de ne plus pouvoir penser correctement.

— Tu t'es cogné la tête lorsque tu es tombée. Ça plus l'épuisement et la perte de sang, loup garou ou non, ça rendrait confuse n'importe qui ! m'expliqua Waahana en me représentant le verre d'eau que j'avais refusée quelques instants auparavant. Bois, je te promets que tu te sentiras mieux.

Épuisée et toujours désorientée, je finis pas accepter. La première gorgée fut un tel délice que je vidai le verre avant de m'être rendue compte de ce que je faisais.

— Nicolas est vivant, lui appris-je les yeux brillants, encore émerveillée de la chaleur que cette nouvelle avait ramené dans mon cœur.

— Je sais, me répondit-elle avec un doux sourire. Thomas était toujours connecté à toi lorsque tu l'as découvert.

— Comment il va ? Vous pouvez me raconter ce qu'il s'est passé exactement ? Je me rappelle le combat, la morsure, les fusils...

— Thomas est épuisé de t'avoir prêté son pouvoir, mais il s'en remettra. Plus vite s'il suivait mes conseils, mais ce n'est qu'une foutue tête de mule ! maugréa-t-elle dans ses dents comme si je ne pouvais pas l'entendre. Storm est enfin libéré du joug d'Ivory. Ingéré ta chair et ton sang a activé la magie de meute, il n'y a plus de retour en arrière possible, sauf s'il accepte de son plein gré de retourner vers son créateur.

— Pourtant, il y a quelque chose qui cloche, dis-je d'une voix lointaine encore connectée à ma vision astrale. Il est faible et... il souffre.

— Il a été blessé. Tu étais au sol et il s'apprêtait à te porter le coup de grâce. Ton ordre et la balle sont partis en même temps.

— Vous lui avez tiré dessus ?! m'exclamai-je horrifiée, tentant aussitôt de repousser mes couvertures pour me lever et aller constater les dégâts par moi-même.

— Rose, arrête de t'agiter, tu vas rouvrir ta blessure et crois-moi tu n'as pas envie que ça arrive, m'ordonna-t-elle d'une voix bienveillante mais autoritaire. Tu as beau être une louve Alpha, tu as été blessé par un autre loup-garou et ces blessures là mettent plus de temps à guérir. Surtout dans l'état de faiblesse où tu te trouves. Tu dois reprendre des forces et te reposer et ce n'est pas une suggestion ! Ton loup n'est pas en danger. Il est blessé, mais maintenant qu'il n'est plus sous l'emprise d'Ivory, il commence à retrouver sa véritable personnalité. Il s'en remettra. Alors rallonge-toi dans ce lit et repose-toi.

— Combien de temps je suis restée dans les vapes ? lui demandai-je alors qu'elle m'aidait à me rallonger.

— A peine cinq heures. Et crois-moi, c'est peut-être un exploit aux yeux des résidents de ce bunker, mais ce n'est pas suffisant pour t'assurer une guérison parfaite et sans douleur, alors fais-moi confiance et ferme ces jolies paupières ! ajouta-t-elle en me faisant les gros yeux.

— Que voulez-vous dire pas exploit ?

— Disons, qu'au sein du clan, ta position à quelque peu changée, m'avoua Waahana un petit sourire espiègle sur les lèvres tandis qu'elle s'approchait de la porte. Je reviendrais tout à l'heure avec de la nourriture, beaucoup de nourriture. Maintenant repose-toi, ajouta-t-elle en sortant de la pièce, me laissant seule avec ma douleur et la centaine de question qui se bousculait dans ma tête.