Chapitre 37-1

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Deux heures s'étaient écoulées et je regardais défiler d'un œil morne le paysage monochrome à travers la vitre sale de la berline passe-partout dans lequel nous avions pris place.

La séance d'entraînement au tir avait été... une catastrophique perte de temps. Tout ce que Nicolas était parvenu à faire c'était à s'assurer que je ne risquais pas de me tirer dans le pied et même pour cela, j'avais des doutes ! L'arme que je portais néanmoins dans un holster d'épaule me gênait et ne semblait pas avoir sa place sous mon bras. Je ne devais m'en servir qu'en dernier recours, même si tout le monde espérait me voir rester dans la voiture.

Lorsque Aaron avait suggéré cela, il avait découvert, que bonne éducation ou pas, je connaissais tout un tas de nom d'oiseaux tous plus créatifs les uns que les autres. Nicolas et Thomas n'étaient pas intervenus, mais je les avais surpris à sourire. Eux savaient à quoi s'en tenir, au moins.

Pensive, je caressais distraitement le manche de l'un des couteaux dissimulés le long de mon avant-bras. La lame était recouverte d'une fine couche d'argent qui devraient fortement contrarier tout loup-garou qui s'approcherait d'un peu trop près. Restait juste à ne pas me couper moi-même ! Comme me l'avait si judicieusement rappelé Lyn, à présent assise à côté de moi et qui dormait déjà, la tête appuyée contre la vitre.

Je l'enviais, personnellement j'étais trop anxieuse pour me reposer. De plus Nicolas n'était pas là, mais au volant de la seconde voiture avec Storm, notre éloignement ajoutant à mon angoisse. Ma venue avait modifié les plans et Thomas avait dû trouver un deuxième véhicule en moins d'une heure. Le moins que l'on pouvait dire était qu'elle n'était pas neuve mais elle roulait et au moins n'attirerait pas d'attention malvenues vu le quartier chic où nous allions.

Aucun bruit, ne régnait dans l'habitacle et ce silence pesant me tapait sur les nerfs. Dans un soupir, je cherchai une position plus confortable et fermai les yeux, cherchant à stopper la valse infernale des questions qui tournaient dans ma tête en me fredonnant mentalement une chanson. Les larmes me montèrent aussitôt aux yeux lorsque les premières paroles de « Teenage Dream » résonnèrent dans mon esprit. Je n'avais jamais compris l'engouement de ma mère pour cette chanson et m'était assez moquée d'elle lorsque je la surprenais à chanter à tue-tête avec Kathy Perry. Ces souvenirs heureux me serrèrent brièvement le cœur et je sentis un espoir idiot et dangereux, que j'étais parvenue à repousser jusque-là, fleurir et s'épanouir dans mon esprit. Et si ma mère était vraiment vivante ?

Le hoquet qui secoua la voiture lorsque celle-ci stoppa brusquement, me sortit de ma rêverie et je fus aussitôt sur le qui-vive. Nous ne pouvions pas être déjà arrivé !

— Que se passe-t-il ? demanda Lyn en ouvrant les yeux et en se redressant dans son siège, aussi alerte que si elle n'avait jamais dormi.

Aaron, qui était au volant, ne répondit pas et se contenta de sortir de la voiture comme un diable de sa boîte. Alarmée, j'échangeai un bref regard avec Lyn avant de détacher ma ceinture et de l'imiter en sortant à mon tour. La colère d'Aaron me percuta avec la subtilité d'un train de marchandise avant même que je n'entende le petit cri indubitablement féminin qui s'éleva peu après.

— Messieurs-dames, nous avons une passagère clandestine ! gronda Aaron au moment où je contournais le coffre.

Jenny était recroquevillée aux pieds du métamorphes furibond. Emberlificotée dans une vieille couverture elle tremblait de tous ses membres, mais fixait quand même Aaron d'un regard déterminé à défaut d'être assuré.

— Personne n'a pensé à vérifier le coffre ?! s'étonna Lyn, faisant parfaitement écho à mes pensées.

— Vu qu'elle était sensée être partie au pays des rêves pour au moins huit bonnes heures, non. Mais de toute évidence, nous aurions dû ! grinça Thomas en lançant un regard agacé et déçu à la jeune fille.

— Vous croyiez vraiment que j'allais vous laisser aller secourir mon père sans moi ?

— Si tu avais un minimum de cervelle, c'est ce que tu aurais fait, en effet ! balança Nicolas qui venait de nous rejoindre sur la petite aire de stationnement. Qu'as-tu fait à Waahana ? J'espère pour toi qu'elle n'est pas blessée...

— Bien sûr que non. Je me suis simplement éclipsée discrètement lorsqu'elle est partie préparer nos bagages.

— Alors pourquoi ne nous a-t-elle pas appelé pour nous prévenir de ta fugue ?

Un éclair de honte passa furtivement dans le regard de Jenny avant qu'elle ne reprenne contenance et braque son regard sur Nicolas.

— Parce que j'ai pris soin de lui subtiliser son portable avant de partir.

— Il restait toujours la ligne fixe.

— J'ai bien peur que non.

— Tu veux dire que tu l'as laissé, seule là-bas sans aucun moyen de communication ?! s'écria Thomas en se précipitant vers elle.

Il l'a saisi rudement par son pull avant de la remettre debout d'une traction.

— Tu es complètement inconsciente ! gronda-t-il, son visage à quelques centimètres du sien, avant de la lâcher et de s'éloigner, son propre portable déjà en main.

— C'est une métamorphe, elle n'est pas sans défense et puis, elle a une voiture. Elle peut aller chercher de l'aide si besoin. Ce n'est pas comme si vous comptiez sur moi pour la défendre, ajouta-t-elle avec colère.

Sur ce point, elle n'avait pas tort, même si son comportement était totalement égoïste et irréfléchi. Je n'étais pas très inquiète pour Waahana, elle ne manquait pas de ressource et saurait très bien se débrouiller, mais Thomas avait raison, la laisser sans aucun moyen de communication était dangereux. Il pourrait se passer n'importe quoi. Alors que je me faisais cette réflexion, Thomas revint, son air soucieux ne me disant rien qui vaille.

— Waahana a rejoint le bunker. Elle est furieuse et vexée de s'être fait avoir comme une bleu, mais a part ça, tout va bien. Qu'as-tu fait de son téléphone ? Tu l'as détruit ? demanda-t-il ensuite à Jenny.

— Non, je l'ai juste pris, c'est tout, lui répondit-elle, tout de même un peu honteuse, en sortant un petit rectangle argenté de sa poche arrière qu'elle tendit à Thomas.

— Il était déjà éteint quand tu l'as pris ?

— Non ? J'ai préféré l'éteindre de peur qu'il ne sonne et ne me trahisse, avoua-t-elle avec une petite grimace ironique.

— Non mais tu t'attendais à quoi en montant en douce dans une voiture remplie de métamorphes ? lui balança Lyn d'un ton sardonique.

— A ce que vous me trouviez plus tôt ?!

La répartie de Jenny, laissa Lyn bouche-bée. Rien que pour cela j'avais presque envie de l'applaudir, même si son attitude m'agaçait et me décevait autant que les autres. La voix de Cooper, déformée par le son métallique d'un répondeur, résonna soudain dans le silence de la nuit s'échappant du téléphone de Waahana, toujours dans la main de Thomas.

« J'arrive pas à vous joindre, vous êtes où ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Ici, c'est le chaos ! L'attaque a commencé ! »

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant