Chapitre 33-1

1.4K 237 101
                                    




Horrifiée, je me projetai en arrière et atterri en dehors de l'arène de sable, une fois de plus sur les fesses, mais cette fois-ci cela m'était complètement égal. Malgré le choc que je venais de recevoir, ma vision était toujours modifiée et mes ongles transformés en des griffes acérées et redoutables. Mon attention entièrement fixée sur ces dernières, je ne me rendis compte du déplacement de Nicolas que lorsqu'il s'agenouilla devant moi.

— Ne m'approche pas ! dis-je en reculant maladroitement, toujours affolée à l'idée de ce qui aurait pu se produire si Aaron ne m'avait pas arrêté.

— Rose, calme-toi, tout va bien...

— Non ça ne va pas bien ! m'écriai-je avant qu'il n'ait le temps de poursuivre. J'ai failli te tuer, je...

— Et tu crois vraiment que je t'aurais laissé faire ? s'exclama-t-il en souriant. Tu te surestimes, ma chère.

Je contemplai durant quelques secondes sa main tendu dans ma direction, mais son sourire légèrement moqueur, ainsi que l'inquiétude transparaissant dans ses prunelles, me dissuada de la saisir.

— Rose, il ne se moque pas de toi, il essai juste de dédramatiser la situation.

L'intervention d'Aaron me fit tourner la tête dans sa direction, juste à temps pour le voir s'avancer vers nous, de la poussière et des vestiges du mur effrité plein ses vêtements.

— Il s'est passé exactement ce que nous espérions qu'il arriverait. J'ai même envie de dire : Ce n'est pas trop tôt !

Même si, aux vues des évènements récents et de leurs sourires, je m'en doutais un peu, je ne pus empêcher une bouffée de colère de m'envahir.

— Alors pourquoi m'avoir arrêté dans ce cas, si ce n'était pas par crainte que je lui fasse du mal ?

— A vrai dire, j'avais plutôt peur de sa réaction à lui.

— Nicolas ne me ferait jamais de mal, m'écriai-je aussitôt surprise de ne pas l'entendre émettre les mêmes dénégations.

— Non, il craignait plutôt la réaction d'Ombre, mais il se trompe, me rassura Nicolas en tendant une fois de plus sa main vers moi.

Durant un instant je le fixai sans comprendre, jusqu'à ce que mes neurones ne fassent le lien. Ombre, comme dans Ombre Fauve, le nom de son loup. Cette fois j'acceptai son aide et le laissai m'aider à me relever.

— ça tu ne peux pas en être certain. Rappel toi que je l'ai déjà vu se battre à pleine puissance quand tu t'autorises à être véritablement toi-même et même si notre jeune louve est à l'évidence pleine de surprises, elle n'aurait pas fait le poids contre toi.

— Tu sais que je ne perdrais jamais le contrôle de cette façon, surtout pas avec Rose, gronda-t-il en rivant sur Aaron ses prunelles iridescentes.

— Non je ne savais pas... plus maintenant. C'est d'ailleurs l'un des points que je voulais éclaircir avec cette petite confrontation. 

— Tu me testais ?!

— Peux-tu me le reprocher ?

— Non... sans doute que non.

— Attendez ! Si Nicolas est aussi affaibli que vous le prétendez, pourquoi avez-vous eu peur pour moi dans ce cas ?

Nicolas jeta un regard lourd de rancune à Aaron, tandis que ce dernier lui répondait d'un rictus agacé.

— Vous m'avez menti ? m'écriai-je d'une voix à la fois incrédule et chargée de colère.

— C'était par précaution, commença Aaron.

— Précaution ? Précaution vis-à-vis de quoi ? De moi ? Qu'est-ce que cela veut dire exactement ? continuai-je en me tournant vers Nicolas. Que tu nous joues la comédie depuis le début ?

— Nous avons juste minimiser sa récupération, c'est tout. Et sache qu'il voulait tout te dire depuis le début, c'est moi qui l'en ai dissuadé.

— Je ne comprends pas, vous craigniez quoi au juste ? Il ne peut pas y avoir de traitres parmis nous. Vous ne soupçonnez quand même pas Jenny ?

— Si justement, intervint Nicolas. Du moins, Aaron pense que c'est une possibilité.

— Mais comment, et surtout pourquoi ferait-elle cela ?

— Pour quelle raison Ivory aurait-il attaqué la communauté de Grant et enlevé ce dernier au lieu de le tuer, si ce n'est pas pour en retirer quelque chose ? me demanda Aaron.

— Vous pensez qu'il veut faire chanter Jenny ? Pour la forcer à nous espionner ?

— Je pense juste que c'est une possibilité. Et comme j'aime mieux prévenir que guérir... La prudence n'a jamais fait de mal à personne, contrairement à l'insouciance. 

D'accord, c'était un scénario plus que plausible, même si cela me faisait mal de devoir soupçonner une de mes amies. Car, au fil des semaines, Jenny était devenue un peu comme un membre de ma famille. Je me retrouvais un peu en elle, humaine fragile et vulnérable propulsée dans le monde impitoyable des métamorphes. Pourtant, quelque chose me dérangeait toujours sans que je ne parvienne à mettre le doigt sue ce que c'était.

— Pourquoi ne pas m'avoir mise dans la confidence ? Vous aviez peur que je ne lui en parle ? Vous ne me faites pas confiance ?

C'est alors que je prononçais ces derniers mots, que je compris.

— Vous ne vous méfiez pas que de Jenny, mais de moi aussi, dis-je d'une voix atterrée. Vous craigniez qu'Ivory puisse puiser des informations dans mes rêves, c'est ça ?

— Ou que tu ne lui en transmettre sans le vouloir, ni sans t'en rendre compte. J'ai persuadé Nicolas de ne rien te dire car je ne voulais pas t'accabler, ni t'inquiéter.

— Alors, c'est cela la vraie raison de ta décision de faire chambre à part ? attaquai-je aussitôt, ne pouvant m'empêcher de me sentir trahie.

— Non. C'est seulement pour te protéger de mes cauchemars et de mes crises de panique. Je ne t'ai pas menti, et si j'ai choisi d'écouter Aaron, ce que je regrette à présent, c'était encore pour te protéger et uniquement pour cela, me dit-il d'un ton doux et légèrement suppliant. J'espère seulement que tu pourras me pardonner.

Incapable de supporter plus longtemps la détresse qui transparaissait dans ses yeux, je fis les quelques pas qui nous séparaient et me blottis dans ses bras.

— Je peux comprendre pourquoi tu l'as fait, mais ne me ment plus jamais. Et quoi que tu puisses en dire, plus de chambre à part !

Pour toute réponse, il me serra fort contre lui et cela me suffit. Je savourais son étreinte et l'odeur musqué et unique qui émanait de lui après notre combat. Lorsqu'Aaron se racla la gorge de manière tout sauf discrète, l'envie de lui envoyer mon poing dans la figure traversa fugacement mon esprit. Mais au lieu de céder aux sirènes de mon instinct, pourtant tentantes, je me dégageai à contre cœur des bras de Nicolas pour me tourner vers le tigre fauteur de trouble.

— Quoi ?! lui demandai-je d'un ton exaspéré qui fit sourire Nicolas.

— Les mamours ce sera pour plus tard. Nous n'avions pas un combat à terminer, maintenant que les choses sont claires ?

La lueur qui traversa ses yeux m'avertit une fraction de seconde avant qu'il ne bondisse dans notre direction. Sans réfléchir j'attrapai la main de Nicolas et sans avoir le temps de lui expliquer ce que j'avais en tête, je pris appuis de mon pied sur sa cuisse. Il comprit aussitôt la manœuvre que j'avais en tête et sans attendre m'empoigna la taille avant de me propulser dans les airs. J'interceptai Aaron en plein bond et nous nous écrasâmes tout les deux sur le sol. Alors que me trouvais accroupie au-dessus d'Aaron dans une position tout sauf naturelle, Jenny déboula dans la pièce. Si elle fut surprise par la scène qu'elle découvrit, elle n'en montra rien, son visage présentant tous les signes de l'anxiété mêlé de peur et de détermination. 

— Mon père est vivant, nous balança-t-elle. Et ta mère aussi.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant