Chapitre 40-1

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— Rose, aide-moi ! Ils ne doivent pas se transformer, grogna Nicolas avec effort.

— Elle n'est pas en état, lui répondit aussitôt Storm dans un grondement agressif en se positionnant aussitôt devant moi.

— Aide-là, alors ! Nous devons les maîtriser avant que les renforts d'Ivory ne nous tombent sur la tête, sinon nous ne ferons pas le poids.

— Il a raison, murmurai-je à Storm en me mettant difficilement à genoux. Je vais avoir besoin de votre énergie.

Puis, sans lui laisser le loisir de refuser, je puisai dans ses réserves et alliai mon pouvoir à celui de Nicolas. Heureusement, je n'étais là qu'en renfort, sinon je n'aurais pas pu, ni su, gérer. Mais à nous trois nous y parvînmes relativement rapidement. Pendant que nous reprenions notre souffle, je fixai les deux nouveaux loups gisant à nos pieds. Quelque chose s'était produit durant l'attaque de la sorcière. Notre dynamique de meute avait changé. Une dualité étrange faisant à présent partie de l'équation et je me sentais étrangement tiraillée, sans vraiment en comprendre la raison.

— Tu viens de fonder ta propre meute, me murmura Nicolas à l'oreille d'une voix exténuée.

— Quoi ?! Non, je... Storm est lié à moi, mais c'était déjà le cas avant que je te retrouve.

— Ce n'est pas très important pour l'instant. On essaiera de tirer ça au clair lorsque nous serons sortis de ce guêpier. En attendant, garde juste à l'esprit qu'il n'obéira qu'à toi. Alors si j'ordonne quelque chose, appuis ma décision, d'accord ?

Sans attendre que je lui réponde, il me tendit l'un des deux fusils, avant de se tourner vers nos deux nouvelles recrues, tout en sortant un portable de sa poche.

— Vous pouvez nous guider ? Combien sont-ils à l'intérieur ? leur demanda-t-il tout en consultant l'écran du smartphone d'un œil inquiet.

— Trois autres comme nous, plus les gardes du corps de la sorcière et du loup. Sans compter les trois prisonniers, répondit Shane qui se relevait en grimaçant.

— Combien de gardes du corps ?

— Quatre.

— Pas humain, je suppose ?

— Comment voulez-vous que nous le sachions ? Nous ne savons même pas ce que nous sommes devenus ! La dernière chose réelle dont je me souvienne vraiment, c'est de votre regard phosphorescent et de vos crocs me déchiquetant la gorge !

Les derniers mots emplis de colère et de peur se transformèrent en grondement sourd dans la gorge de Shane et ses yeux sombres se piquetèrent de paillettes d'ambre. Combiné à sa peau acajou et à ses traits fin, l'effet aurait pu être magnifique, mais il était juste effrayant. Luc, qui s'était relever le premier mais n'avait toujours pas prononcer un mot, amplifiait cette sensation de danger en fixant Nicolas d'un regard plein de haine.

Une légère vague de pouvoir cingla les deux hommes, éteignant les prunelles de Shane et forçant Luc à baisser les yeux. Mais la coercition ne serait pas la solution pour nous en faire des alliés. Nous devions les rallier à notre cause, même si le moment et l'endroit étaient tout sauf bien choisis. J'étais en train de chercher mes mots, quand Storm s'avança à la hauteur de Nicolas.

— Écoutez, je suis bien placé pour vous comprendre, car je me suis trouvé dans la même situation que vous, dit-il de sa voix rauque qui avait un peu perdue de sa résignation, me sembla-t-il. Mais ici, nous sommes tous des victimes, Nicolas y compris. Le temps des explications et des comptes viendra, plus tard. Vous accepterez votre nouvelle condition ou pas. Mais le seul à blâmer pour ce qui vous est arrivé se terre comme un rat à quelques mètres d'ici. Vous n'aurez qu'une chance de vous venger et c'est maintenant. Alors, soit vous attaquez la mauvaise personne et vous mourrez ici et maintenant ? Ou vous nous aidez à anéantir définitivement celui qui a détruit vos vies ?

Un mélange de surprise et de soulagement m'envahit, lorsque je vis les deux loups incliner légèrement la tête en signe d'approbation tacite. Ce discours était le plus long que Storm ait prononcé depuis sa transformation. Malgré le changement de physique et de voix, j'avais retrouvé l'espace d'un instant l'ancien inspecteur calme et rassurant que j'avais connu et cela me donnait l'espoir qu'il avait peut-être enfin lui-même accepté sa nouvelle nature. Je perçu dans le regard de Nicolas la même espérance fugace, vite remplacée par une inquiétude profonde qui me noua les trippes.

— Pas de nouvelles des autres ? lui demandai-je.

— Non. Soit, ils sont morts. Soit, ils ont été faits prisonnier. Le fait que personne ne nous soit encore tombé dessus me fait plutôt pencher vers la seconde hypothèse. Mais cela signifierait aussi que si nous attaquons, nous tomberons très certainement directement dans un nouveau piège. À nous cinq, épuisés comme nous le sommes et seulement armés de deux fusils et d'un couteau, nos chances sont plutôt minces. Sans oublier Jenny ! Nous ne pouvons pas la laisser là, inconsciente et sans défense.

Honteuse, je me précipitai vers la jeune fille, toujours étendue sans connaissance sur le sol. Elle était vivante et sa respiration était lente et régulière, mais l'hématome de taille respectable qui ornait sa tempe me disait qu'elle ne se réveillerait pas avant un bon moment.

— Elle n'a pas l'air en danger immédiat, mais elle est encore K.O pour un bout de temps, résumai-je aux autres en me relevant.

— Pourquoi ne pas l'installer sur la banquette arrière de la voiture ? suggéra Shane. Elle y sera autant à l'abri que l'on puisse l'être dans une telle situation. Et s'ils nous tendent un piège, pourquoi ne pas leur en tendre un à notre tour ?

— Qu'as-tu en tête ? lui demanda Nicolas.

— On vous conduit là-bas comme nous étions sensés le faire, en tant que prisonniers.

— Maintenant que la sorcière est morte, ce n'est plus crédible. Ils ne croiront jamais que vous ayez pu nous battre, argua Nicolas avec raison.

— Sans la possession de la sorcière... je n'en suis pas si sûr que vous. Je n'ai jamais vraiment eu les idées claires depuis mon enlèvement, mais je pense qu'ils ne nous ont pas choisi par hasard.

— Que veux-tu dire par là ?

— Je suis... plutôt... j'étais militaire. Commando pour être précis. Je venais juste de revenir à la vie civile lorsque je me suis fait attaquer. Une fléchette hypodermique dans le cou. Je sais me battre, d'un tas de manières différentes. Si je n'avais pas été bridé par cette sa... sorcière, se reprit-il in-extrémis, j'aurais certainement pu vous maîtriser.

— Me donner du fil à retordre sûrement, me dominer, j'en doute. Mais je vois où tu veux en venir. Et toi ? demanda-t-il à Luc, toujours silencieux dans son coin.

Durant quelques secondes, il se contenta de nous fixer de son regard bleu et étrangement vide, avant de finir par s'exécuter d'un ton hargneux.

— Je suis un garde du corps free-lance.

— Dis plutôt homme de main pour un gang ou un maffieux local, je me trompe ? Le genre à vendre ses services au plus offrant ?

Il se contenta de lui répondre d'un rictus méprisant, mais c'était suffisant. Nicolas avait visiblement vu juste. Ce qui voulait dire que ce mec serait aussi fiable qu'une vipère, charmant !

— De plus, nous étions armés et vous non et elle s'est déjà pris une balle, reprit Shane en me désignant d'un signe de tête, c'est crédible. Assez pour tenter le coup, à mon avis.

— Ok, mais il reste Storm. Que vous nous maîtrisiez tous les deux, passe encore. Mais tous les trois, là ça ne va plus, dis-je en retournant prendre le pouls de Jenny.

— Je vous suivrais à bonne distance et je couvrirais vos arrières, au cas où ils essaieraient de vous prendre à revers, me répondit Storm.

— Seulement armé d'un couteau ? ricana Luc, qui décidément me plaisait de moins en moins.

— Vous n'êtes pas les seuls à avoir plusieurs cordes à votre arc. Faites-moi confiance, je suis qualifié.

Sans plus ajouter un mot, nous installâmes Jenny dans la voiture avant de la recouvrir d'un plaid trouvé dans le coffre pour la dissimuler au mieux. Puis nous redonnâmes les fusils à Shane et Luc, non sans une légère réticence de ma part pour ce dernier, avant de nous mettre en route le long des bâtiments obscurs.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant