Chapitre 24-1

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La voix d'Aaron tomba entre nous comme un pavé dans une mare, occultant momentanément l'horrible récit de Nicolas.

— Mais pour quoi faire ? demanda Lyn d'une voix choquée.

— Nous attaquer ? Provoquer une guerre avec les humains ? Les possibilités sont nombreuses et variées et toutes effrayantes, intervint Thomas d'une voix sombre.

— Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi lui ? dit Grant en relevant la tête de sa tasse pour fixer Nicolas. Si ce que vous m'avez expliqué est vrai, ceux qui vous ont enlevé sont aussi des loups-garous, alors pourquoi avaient-ils besoin de vous ? Si leur but était réellement de créer plein de nouveaux petits monstres, pourquoi ne pas s'en charger eux-mêmes ?

Le petit grondement qui s'échappa de la gorge d'Aaron ainsi que le rictus éloquent de Lyn, traduisirent parfaitement mes sentiments. Même si sa question était tout à fait pertinente, son ton et les mots employés me donnait juste envie de lui mettre mon poing dans la figure !

— Parce qu'ils ne peuvent pas, lui répondit Nicolas d'une voix légèrement grondante, montrant que lui non plus n'avait pas apprécié d'être qualifier de monstre. Ils sont tellement vieux et tellement puissants qu'ils ont presque entièrement lâché la bride à leur côté sauvage, si bien que les humains qu'ils essaient de transformer ne survivent presque jamais.

— Alors expliquez-nous pourquoi ils vous ont torturé pour vous amenez justement à ce côté sauvage ? demanda de nouveau Grant d'un ton de plus en plus sceptique.

— Parce que j'ai refusé de le faire volontairement. Vous croyez quoi ? Que nous sommes tous des bêtes sauvages ? gronda Nicolas en s'avançant d'un pas, ses prunelles désormais parsemées d'ambre.

La tension monta encore d'un cran dans la pièce tandis que les deux hommes se mesurait du regard.

— Je m'interroge, c'est tout, finit-il par lui répondre. Puisque, si j'ai bien compris, ils ont forcé votre loup à prendre le contrôle, comment se fait-il que, comme eux, vous ne les ayez pas tous massacrer ?

Avant que quiconque n'ait pu réagir ou l'en empêcher, Aaron avait bondit sur Grant. Un grondement inquiétant s'échappait de sa gorge et sa main, désormais munie d'impressionnantes griffes, enserrait sa gorge.

— Pourquoi le provoquez-vous comme ça ? lui demanda Thomas, son visage d'ordinaire impassible oscillant entre la colère et l'incompréhension.

— Parce que c'est ce que vous attendez de moi, non ? répondit-il d'une voix étranglée mais relativement calme aux vues de sa position précaire. Il est blessé et traumatisé, si je ne le pousse pas dans ses derniers retranchements, vous ne le ferez pas et nous avons besoin de savoir et de comprendre. Ce n'est pas pour ça que vous m'avez demandé de participer à cette... réunion ?

— Aaron, lâche-le, il a raison, lança Nicolas en desserrant les points. Ce n'est pas en me ménageant que nous arriveront à quelque chose.

Ce dernier hésita, puis lentement finit par écarter les doigts et retirer lentement sa main du cou de Grant qui, comme si de rien n'était, alla s'adosser nonchalamment contre le mur non loin de la porte. Nicolas, dont le regard était toujours parsemé de paillettes dorées, s'avança lentement vers Grant pour ne s'arrêter qu'à quelques dizaines de centimètres de lui. Un éclat de peur traversa subrepticement les iris du métamorphe mais il reprit bien vite son air impassible et bravache allant même jusqu'à soutenir le regard de Nicolas.

— Si je ne le ais pas tous massacrer, comme vous dites, c'est que contrairement à Ivory et Kane j'ai toujours une conscience et que même rendu fou de douleur, elle ne m'a jamais complètement abandonnée. Mais vous savez le pire dans tout ça ? lui demanda-t-il son visage désormais plus qu'à quelques centimètres du sien. C'est le regret. Le regret de ne pas avoir complètement lâché prise et massacrer tous ces pauvres innocents ! Car si je l'avais fait, nous n'aurions pas une potentielle armée de loup-garou sanguinaire sur les bras ! gronda-t-il d'une voix méconnaissable. Vous vouliez savoir autre chose ?

— Où sont vos cicatrices ? Je sais que nous guérison vite, mais même nous gardons des marques et des séquelles si les sévices sont trop violents ou trop répétés. Alors...

Un hoquet de stupeur unanime suivit sa question plus que déplacée. Demander à Nicolas de nous montrer ses blessures était de la provocation pure. Quelque chose qui ne se faisait, normalement, que durant les luttes de dominance. À quoi jouait-il ?

— Non mais c'est quoi votre problème ? s'écria Lyn, en se levant, exprimant parfaitement le ressentis de tous les autres occupants de la pièce. Vous pensez qu'il nous ment ?

— Vous êtes tous trop impliqué, réagit enfin Grant en se décollant du mur d'un coup de hanche agressif. Vous ne vous rendez pas compte que cela pourrait être un piège grossier pour nous infiltrer ? Ce serait n'importe qui d'autre à sa place vous auriez tout de suite envisager la possibilité qu'il ait été retourné !

— Cette fois...

— Non, laisse Aaron ! Il n'a pas tort, même si je pense que tout ce cirque cache autre chose que la simple préoccupation de votre bien-être, tempéra aussitôt Nicolas d'une voix doucereuse en braquant toute son attention sur Grant en commençant à lui tourner autour.

Ce dernier, bien que visiblement mal à l'aise, resta néanmoins debout tous les muscles tendus, prêt à se défendre. Nicolas continua son manège quelques secondes avant de saisir le bas de son tee-shirt, le faisant passer au-dessus de sa tête en un seul mouvement.

Un nouveau hoquet général mais atterré cette fois-ci, retentit dans le silence pesant de la chambre. Le voir dans cet état me fit presque aussi mal que la première fois. Pourtant il me semblait que depuis la douche son état s'était légèrement amélioré, les estafilades les plus fines avaient disparu et les hématomes étaient légèrement moins prononcés.

— Cela vous suffit, ou vous voulez que je baisse le pantalon aussi ? le provoqua-t-il volontairement en tournant lentement sur lui-même.

— Combien de temps ? lui demanda Grant d'une voix rauque.

— Depuis la dernière séance ? Pour être franc, je ne sais pas. Les jours et les nuits se confondaient dans cet enfer, mais là, tel que vous me voyez, je pète le feu, balança-t-il sur un ton ironique en allant récupérer son tee-shirt.

— Et quand vous ne puisez pas dans vos forces pour donner le change, qu'en est-il réellement ?

Nicolas leva la main, lorsque nous réagîmes tous en même temps à cette énième provocation.

— Pourquoi voulez-vous le savoir ?

— Je ne suis pas votre ennemi...

— Ce n'est pas l'impression que vous donnez, intervint Lyn en lui coupant la parole.

— Expliquez-moi pourquoi vous voulez le savoir et je vous répondrai.

— D'accord, mais seulement si les autres sortent.

— ça c'est absolument hors de question ! réagis-je aussitôt en me plaçant à côté de Nicolas.

— Vous, vous pouvez rester mais...

— Si vous voulez votre réponse vous allez devoir supporter notre présence car nous ne le laisserons pas seul avec vous.

Les poings de Grant se crispèrent et la colère déforma momentanément ses traits, avant que la détresse ne la remplace l'espace d'un battement de cœur. Nicolas avait dû le percevoir aussi car son attitude changea subtilement. Ses épaules s'affaissèrent légèrement et il laissa aller le contrôle féroce qu'il s'imposait depuis le début de cette discussion.

— Les plaies ouvertes se sont refermées mais en plus de ce que vous avez pu voir j'ai encore trois côtes cassées, la jambe droite amochée et des problèmes pour respirer. Maintenant pourquoi aviez-vous besoin de le savoir ? Je vous ai fait confiance, maintenant, à votre tour.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant