Whisper - Ombre Fauve Tome 2

Chapitre 28-1

Même si sa démarche était heurtée, son souffle court et sa mine toujours inquiétante, c'était la première fois que le voyais aussi détendu depuis que nous nous étions retrouvés. Il n'avait pas menti, pour une raison inconnue il se sentait bien ici.

— Tu n'aimes pas ? me demanda-t-il avec un demi sourire en m'attirant contre lui.

— Ce n'est pas ça, lui répondis-je prudemment alors qu'il passait son bras dans mon dos pour m'enlacer. Je crois que j'ai juste un peu de mal à me projeter, lui expliquai-je alors qu'au même instant je me prenais le pied dans une ronce et déséquilibrée, faillis m'étaler de tout mon long.

— Heureusement que je te tenais, me susurra-t-il d'un ton légèrement railleur, atténuant sa moquerie d'un léger bisou dans le cou.

Nous marchions, enlacés l'un contre l'autre comme un couple lambda. Avec un peu d'imagination j'aurais presque pu remplacer les bâtiments en ruines que nous longions par des immeubles et le champ de ronces que nous traversions par des pavés et l'illusion aurait été presque parfaite. Une sorte de mélancolie m'envahit soudain. La relation romantique et normale dont j'avais rêvé, comme toutes les jeunes filles de mon âge, n'arriverait pas. J'aimais Nicolas, mais je nous voyais mal partir en vacances, aller au cinéma ou se faire un resto comme les couples normaux.

— Et pourquoi pas ? me murmura-t-il à l'oreille d'une voix douce et un peu triste. Rien ne nous en empêchera quand toute cette situation se sera calmée.

— Quoi ? Tu lis dans mes pensées ?! m'exclamai-je en me dégageant de son étreinte, surprise.

— Non, ne t'inquiètes pas. J'ai deviné, c'est tout. Ce n'était pas très compliqué, il m'a suffi de suivre ton regard et de voir ton visage s'assombrir au fur et à mesure.

— Tu es sûr qu'il n'y a que ça ? lui demandai-je, aussitôt soupçonneuse. J'aurais pu penser à des tas d'autres choses joyeuses et funs, vu la situation actuelle ? ironisai-je en lui reprenant la main.

Il me lança un petit sourire triste et serra brièvement mes doigts avant de chercher mon regard.

— En tant qu'Alpha je suis capable de décrypter l'humeur de mes loups s'ils se trouvent assez près de moi, ou si je m'en donne la peine.

— Bizarre, je n'ai pas expérimenté cela lorsque je t'ai piqué ta place ?! le taquinai-je gentiment, espérant changer de sujet.

— L'âge et l'expérience ma chère ! continua-t-il sur le même ton. Mais avec toi, c'est encore plus facile, ajouta-t-il d'une voix soudain plus sérieuse et intime en m'attirant contre lui. Nous sommes tellement proche qu'il suffit que tu sois près de moi pour que je partage une partie de tes émotions.

— Et tu as moyen de... ne pas le faire ?

— ça te dérange ?

— ça ne te dérangerait pas toi si je pouvais connaître tout ce que tu ressens, tout le temps ?

— En temps normal, non, me répondit-il dans un soupir. En ce moment... disons que ce ne serait pas une très bonne idée pour toi de te promener dans ma tête.

— Rien à craindre, je n'en suis pas capable.

— Détrompe-toi. Bien sûr que tu en es capable. Tu es une jeune louve, ça viendra avec le temps. Pour répondre à ta question, non je ne peux pas vraiment stopper le phénomène, en revanche tu peux t'en protéger assez facilement. Je t'apprendrais comment faire.

— ça ne te dérange pas...

— ... que cela te dérange ? finit-il ma phrase dans un petit rire. Non, je trouve ça normal. Nous avons tous notre jardin secret et cela doit rester ainsi. De plus, je ne sais pas si j'ai vraiment envie de tout savoir, ajouta-t-il en baissant les yeux.