Chapitre 20-2

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Vu la surprise et la consternation qui se peignirent sur le visage de la jeune femme, Nicolas ne s'était pas trompé. Comment avais-je pu passer à côté de ça ? Même si j'étais une très jeune louve cela aurait dû me sauter au nez à la seconde où je l'avais croisé.

— D'ordinaire personne ne s'en aperçoit, avoua-t-elle d'une petite voix. Vous êtes quoi ? C'est vrai que vous seriez... un loup-garou ?

Aussitôt sur la défensive, je me plaçai instantanément entre Jenny et Nicolas, qui venait de se relever, non sans effort, pour faire face à la menace potentielle.

— Où êtes-vous aller chercher cette idée ? lui demanda-t-il d'une voix légèrement grondante malgré son état de faiblesse.

— J'ai juste surpris une conversation entre... Grant et l'un de vos amis, nous avoua-t-elle avec une hésitation curieuse qui ne nous échappa ni à l'un ni à l'autre.

— Ce qui ne nous explique pas du tout pourquoi vous êtes là, bien au contraire ? commentai-je d'un ton peu amène.

— Rose à raison, cela aurait dû vous faire fuir au contraire ? Alors pourquoi ? On vous retient contre votre volonté ? Vous avez besoin d'aide ?

La jeune femme, visiblement impressionnée, tâchait de ne rien laisser paraitre mais les questions de Nicolas la firent réagir.

— Non, ce n'est pas ça du tout ! s'exclama-t-elle d'une voix pleine de détresse. Oui j'ai besoin d'aide, mais ce n'est pas du tout ce que vous croyez...

— Expliquez-nous, alors...

Le dernier mot sortit dans un souffle de la bouche de Nicolas alors qu'il chancelait devant nos yeux, à deux doigts de s'évanouir.

— Je suis vraiment désolée, gémit Jenny. Ce n'est vraiment pas le moment de vous embêter avec mes histoires. Venez, je vais vous conduire à une chambre où vous pourrez être au calme et vous reposer.

Voyant que Nicolas n'était pas en état de protester et que rester trop longtemps au contact d'une humaine risquait de faire ressortir son loup, j'acceptai aussitôt sa proposition. Toujours enroulée dans ma serviette blanche, soutenir Nicolas et l'aider à sortir de la salle d'eau sans finir à poil, tint du tour de force.

— Vous voulez que je vous aide...

— Surtout pas ! répondis-je un peu brusquement à Jenny, mon bras droit dans le dos de Nicolas et ma main gauche maintenant tant bien que mal ma maigre barrière éponge en place.

— Dans l'état où il se trouve, cela pourrait être dangereux pour vous, intervint Thomas d'une voix douce et mesuré au détour d'un couloir. Je vais m'en charger... si tu es d'accord, bien sûr ? demanda-t-il à Nicolas autant avec son regard qu'avec sa voix.

Ce dernier lui répondit d'un bref hochement de tête et Thomas glissa aussitôt son épaule sous celle de Nicolas. Nous n'eûmes heureusement pas loin à aller et à peine deux minutes plus tard nous pénétrions dans une chambre simple, mais propre et fonctionnelle.

— C'est l'une des chambres pour les hôtes de passage, nous expliqua Jenny. Le placard contient des vêtements de rechange que vous pouvez utiliser et la porte est munie d'un verrou intérieur. Même si je vous conseil de ne pas l'utiliser ! Mon... Grant n'aime pas beaucoup devoir remplacer les portes défoncées. Si jamais il y avait un problème...

Ayant entendu l'hésitation révélatrice, je ne relevais pourtant pas et aidai Nicolas à s'allonger sur le lit deux places, installé au centre du mur de droite. Puis avant que Jenny n'ait pu s'éclipser comme elle en avait visiblement l'intention, je me dégageai doucement avant de me diriger vers elle.

— Désolée de vous solliciter encore, mais auriez-vous quelques choses de chaud à manger autre que du potage ? Car même si c'était une très bonne idée, m'empressai-je d'ajouter voyant son air contrit, ça ne passe pas apparemment, et il a besoin de reprendre des forces d'urgence.

— Sans problème, je vais voir ce que je peux trouver.

— Pas de viande, ajoutai-je alors qu'elle ouvrait la porte pour sortir. Des pâtes ou du riz ce serait parfait et... évitez le ketchup ! ajoutai-je avec une petite grimace d'excuse à laquelle elle répondit par un petit sourire timide.

— Tu savais qu'elle était humaine ? demandai-je aussitôt à Thomas à peine le battant refermé.

— Je ne m'en suis pas rendu compte immédiatement. Elle est tellement enveloppée de l'odeur de Grant, que cela masquait presque entièrement la sienne.

— Alors Grant aurait une petite amie humaine ? réfléchis-je tout haut en rejoignant Nicolas et en l'aidant à se glisser sous les draps.

— Ce qui pourrait en effet expliquer son côté secret, mais ça m'étonnerait que ce ne soit que ça, me répondit Thomas d'un air pensif.

— C'est donc réellement interdit pour les métamorphes de fréquenter des humains ? demandai-je toujours gênée par cet ostracisme que je ne comprenais pas.

— Interdit, non. Mais fortement mal vu. A tel point que cela en est presque devenu un tabou, me répondit Thomas d'un air sombre.

Agacée, je secouai la tête en silence. Tout cela me dépassait. J'aurais pu le comprendre vis-à-vis de nous, les loups-garous, vu le potentiel désastre de morsures intempestives ! Mais pour les métamorphes cela n'avait aucun sens.

— Pourquoi ? me contentai-je de demander d'un ton un peu froid.

— Cela date d'une autre époque, commença à expliquer Thomas dans un soupir en s'asseyant sur l'une des chaises en bois présentes dans la pièce.

— De l'époque où les loups-garous ont failli éradiquer les métamorphes, intervint Nicolas d'un ton lugubre.

— Oui, en partie, acquiesça Thomas avec un demi-sourire triste. Comme tu le sais, nous avons gagné, mais à quel prix ?! Nous n'étions plus très nombreux, du moins ici en Amérique du Nord, et à l'époque nous n'avions ni les moyens de communications, ni les moyens de transports actuels. Nous étions seuls et au bord de l'extinction. Il faut savoir qu'une union entre un métamorphe et un humain n'a qu'une chance sur cinq de donner naissance à un bébé métamorphe. Par voie de conséquence, cela est vite devenu très mal vue de fréquenter des humains. Sans compter le sacré saint secret !

— D'accord, mais ce n'est plus le cas à présent ?

— Ma chère Rose, les habitudes ont la vie dure ! Tu ne vas pas changer plusieurs centaines d'années de secrets, de règles et de tabous en quelques mois ! Cela va prendre du temps, énormément de temps.

— Que nous n'aurons certainement pas, lui dit Nicolas. Ils...

— ... t'ont forcé à créer pleins de nouveaux loups-garous ? l'interrompit Thomas d'une voix douce.

— Comment tu le sais ? demandai-je à sa place ?

— Parce que c'était la seule raison logique pour qu'il soit encore en vie, répondit-il d'un ton lugubre. Dès que tu iras mieux et que nous pourrons partir d'ici, nous allons devoir trouver un moyen de prévenir les humains et d'enrayer la possible catastrophe à venir, en attendant...

La porte s'ouvrit sur Jenny, un plateau dans les mains. Elle entra et le posa sur le bureau.

— Grant est de retour ? lui demanda Thomas.

— Oui, à l'instant, lui répondit-elle en se tordant les mains, le regard fixé sur le sol.

— Jenny qu'est-ce qu'il se passe ? lui demandai-je instantanément sur le qui-vive.

— Il... je n'aurais pas dû sortir de ma chambre et... il est furieux.

— Je vais aller lui parler, intervint Thomas d'une voix douce. Votre secret est en sécurité avec nous, si c'est cela qu'il craint.

— Je vous en supplie, ne lui dite pas que vous avez compris et que je sais ce que vous êtes, sinon...

— Mais pourquoi restez-vous avec lui, s'il est si tyrannique ?

— Parce que c'est ma fille ! résonna soudain la voix grondante et pleine de colère de Grant tandis qu'il s'encadrait dans la porte de la chambre.

Whisper - Ombre Fauve Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant