Brutal est la chute, fatale est l'atterrissage

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Brutal est la chute, fatale est l'atterrissage.

"Les regrets ne riment à rien, faut pas rêver on ne revient jamais en arrière."

Le soleil se lève et vient caresser mon visage tout boursouflé. La bouche pâteuse, gorge sèche, sûrement due au stresse. J'ai pas envie d'ouvrir les yeux. À vrai dire, je n'ai même pas envie de m'extirper de ce lit. J'appréhende le déroulement de cette journée. Une boule vient perturber mon contenu gastrique, ce qui me pousse à prendre une profonde respiration. J'ai besoin de soutien, alors j'agrippe aussitôt le phone et appel Mehdi.

Mehdi : "Wesh ma femme bien ou bien ?"

Moi : "Wesh ma biche bien ! J'ai besoin de toi ?"

Mehdi : "Qué passa hombre ?"

Moi : "T'es chaud pour m'accompagner avec Alia chez les rent-pa de Wad ?"

Mehdi : "Aujourd'hui je suis overbooké frère, mais si tu veux demain, je suis opé."

Moi : "Hé non ! On n'y va aujourd'hui. Mehliche frère, j'irais solo."

Mehdi : "Désolé poto. Je suis en plein préparatif pour le halal. Courage à vous."

Moi : "Si t'as besoin d'aide, je suis al moi, pas comme toi."

Mehdi : "Tu fais ta vieille meuf jalouse."

Moi : "Lâcheur va."

Mehdi : "Oui moi aussi je t'aime ma femme."

Moi : "Ouais ouais c'est ça. Ciao ! À tard plus."

Je raccroche, en me demandant sincèrement, comment je vais faire pour tenir debout face à tes vieux. Ça fait un bail que je n'y ai pas mis les pieds dans leur appartement. Ta madré je la croise souvent en coup de vent au tier-quar. Je me suis jamais attardé ne serait-ce un instant, pour discuter avec elle. J'ai trop peur que mes émotions me trahissent, pour ça que je l'esquive. Je ne veut pas, lui refléter l'image d'un homme faible, qui braille encore la mort de son fils, six ans plus tard. Elle en a déjà assez avec ses propres larmes.

Tout le monde a repris le cours de la vie. Toute la populace rit, s'amuse.

Ils vivent tout simplement.

Quant à moi, je suis resté bloqué hors du temps. J'ai l'impression de ne pas coller avec mon époque. Le temps défile à une allure folle, mais dans ma tête c'est comme si tu m'avais quitté hier.

Ils ont tous réussit à faire ton deuil. Ils ont tous tourné cette putain de page. Pour eux, en un mois s'était réglé. J'arrive pas à les comprendre. Que quelqu'un m'offre le secret d'un sourire franc, sans tristesse cachée dernière.

Me voilà quelques années plus tard, à remémorer ton souvenir; avec les mêmes cicatrices, la même désolation sur le bord de la rétine et toujours cette douleur dans le galbe qui persiste. L'âme tourmentée par le fardeau de ce chagrin. J'ai tellement larmoyé ta perte, que j'ai plus d'eau. Il y a plus de larmes dans mon canal lacrymal. C'est avec le regard complètement aride, que je fais défiler ton image sur mon phone. Je vois plus tes photos, je vois seulement le négatif. Depuis ta disparition, je vis en sursis. Tu sais, j'ai traversé pas mal d'épreuve et j'en suis ressorti vainqueur. Je n'ai connu aucun échec dans tout ce que j'ai entrepris. Hélas, on ne peut pas l'emporter à tous les coups. Face à ta mort j'échoue, car il y a des combats qu'on ne peut pas gagner. Sur ce coup-là, je reste invaincue.

Pour moi, hier et demain sont la même journée, la boucle est bouclée. Je revis sans cesse ton décès. Dès que j'essaie de remonter la pente, y a toujours un élément perturbateur, pour me la faire dégringoler.

Force et honneur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant