Chapitre 7 : L'ombre d'un doute

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JANVIER 1974

Suite à mon éclat de colère, l'ambiance déjà peu joyeuse des vacances s'alourdit davantage. Sans doute vexée par les mots que je lui avais lancés, ma grand-mère ne m'adressait presque plus la parole et semblait avoir complètement abandonné l'idée de me donner des cours de violoncelle. En temps normal, je me serais réjouie d'être enfin débarrassée d'elle, mais le prospectus et la photographie que j'avais retrouvés sur mon lit après notre dispute me faisaient culpabiliser et chacun de ses silences peinés renforçaient ce sentiment.

Effectivement, même si je ne cautionnais pas l'insistance dont elle avait fait preuve à mon égard, la ressemblance frappante qui existait entre mon grand-père et moi me laissait penser que le désir qu'elle avait de retrouver son mari avait toujours prédominé dans nos rapports. Ainsi, c'est à moi et seulement à moi qu'elle avait voulu apprendre l'art de la musique et plus particulièrement du violoncelle, à moi qu'elle avait voulu remettre sa baguette magique, à moi et toujours à moi qu'elle avait accordé plus d'attention. Évidemment, j'avais conscience de n'y être pour rien dans la disparition de mon grand-père, mais je ne pouvais m'empêcher de penser à la nostalgie que devait ressentir ma grand-mère dès qu'elle me voyait, si semblable à cet être qu'elle avait perdu.

Heureusement, l'arrivée de mes parents, de Jake et de Marly pour les fêtes brisèrent la bulle de silence et de non-dits qui s'était formée au-dessus de nous, détendant considérablement l'atmosphère. Un poids continuait à peser, mais l'échange des cadeaux et les odeurs de chaperon aux pruneaux et de gâteaux à la cannelle eurent leur effet habituel et ramenèrent sourires et couleurs sur nos visages. Surfant sur cette vague de bons sentiments, la deuxième semaine des vacances s'écoula plus rapidement et, le jour précédent mon retour à Poudlard, ma grand-mère était pour ainsi dire de nouveau fidèle à elle-même.

C'est donc plus légère que je grimpai dans le Poudlard Express au matin de la rentrée, agitant peut-être la main avec un peu trop d'enthousiasme en direction de ma grand-mère et d'Arthur restés sur le quai pour paraître naturelle. Une fois la porte du train refermée derrière-moi, je me mis à la recherche de mes amis et, bien vite, repérai Becca et Will qui, pour changer, se disputaient au beau milieu du couloir du train. Comme souvent, le quatrième année paraissait prodigieusement agacé par sa petite sœur tandis que cette dernière se délectait de l'effet qu'elle produisait sur son aîné.

— Ah, Alicia ! s'exclama-t-elle lorsqu'elle me vit approcher. Tu tombes à pic, je crois que Will avait hâte de se débarrasser de moi !

— M'est avis que c'est plutôt toi qui pressens que tu vas finir par te prendre une baffe si tu restes dans les parages ! riposta férocement Will.

— Comme si tu m'effrayais, s'esclaffa Becca avec cette insolence insupportable qui la caractérisait. Allez, allons-y, j'ai cru voir Charlie grimper en tête du train en arrivant !

Bras dessus, bras dessous, on s'éloigna dans le couloir.

— Tes vacances se sont bien passées ? m'enquis-je alors qu'on traversait un à un les wagons du Poudlard Express.

— Comme d'hab', répondit Becca avec désinvolture. Will et moi avons travaillé dans le bar de nos parents.

Les Stevens tenaient un bar plutôt célèbre sur le Chemin de Traverse et, si Angel, Charlie, Theo et moi avions trouvé ça génial lorsque notre amie nous l'avait appris, c'était loin d'être son cas. « Mes parents m'exploitent ! » se plaisait-elle à répéter dès qu'on la lançait sur le sujet, ce que, en connaissance de cause, je me gardai bien de faire.

— Et pourquoi vous vous disputiez ? demandai-je plutôt.

— Oh, rien d'important. Il se pourrait juste que j'aie laissé échapper le nom de la petite copine de Will au détour d'une conversation à table, ce qui ne lui a pas beaucoup plu...

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