Life Always Restarts

Chapitre 18 : Mes, tes, ses priorités

NOVEMBRE 1974

La culpabilité commença à me dévorer dès qu'Angel eût refermé la porte et ne me laissa pas un instant de répit de la nuit. Loin d'être capable de faire autre chose que de pleurer dans mon oreiller en m'insultant mentalement, je ne descendis pas dîner, n'ouvris pas les rideaux de mon baldaquin quand j'entendis mes camarades de dortoir y entrer et, à vrai dire, ne sortis pas de sous mes couvertures jusqu'au lendemain midi, quand ma lâcheté fut devenue trop grande pour que je puisse encore accepter de m'y soumettre.

Je ne pus cependant pas me résoudre à affronter l'un ou l'autre de mes amis. À la place, je me préparai rapidement et quittai la tour des Gryffondor en priant pour ne croiser personne. Si j'avais eu ne serait-ce qu'une once du cran de Jake ou de Joyce, j'aurais sans aucun doute assumé ce que j'avais balancé à la face d'Angel et préféré aller jusqu'au bout de ce que j'avais entrepris en lui faisant bien sentir que je n'avais aucune excuse à lui présenter, que ce soit réellement ce que je pense ou pas. Mais ma personnalité était aux antipodes de celle des deux Serpentard. Je blessais, oui, mais trop pour ne pas m'en vouloir et pas assez pour conserver ma fierté.

Plutôt que la compagnie des autres élèves, c'est celle des livres que je choisis cet après-midi là, et je décidai de m'attaquer à un devoir de métamorphoses qui ne devait pourtant pas être rendu avant deux semaines. M'y consacrer me fit un bien fou et, lorsque le jour commença à s'évanouir au-dehors, je me sentais bien mieux. Mais, évidemment, tout fut balayé comme un château de cartes lorsque je réalisai que je ne pouvais désormais plus reculer : je devais affronter Angel. Je souhaitais m'excuser auprès d'elle de toute mon âme, mais j'avais si peur de me faire rejeter que je ne parvenais pas à m'y résoudre. Aussi c'est tremblante que je quittai la bibliothèque, redoutant ce qui allait se produire.

Sauf qu'en réalité je n'atteignis jamais la Grande Salle ce soir-là. Car, quand je fis mon apparition en haut des escaliers qui donnaient dans le Hall, James se hissa à mes côtés et m'adressa un sourire éclatant.

— Ça va ? s'enquit-il en m'entraînant à l'écart des quelques groupes d'élèves qui entraient ou sortaient du réfectoire.

Loin de me douter de ce qu'il avait réellement en tête, je lui rendis son sourire, toute heureuse qu'il soit venu me voir malgré ma dispute avec Sirius – pour laquelle je n'avais pour le coup aucune envie de m'excuser.

— Mmmh. Et toi ?

— Bien, bien. J'ai refait le plein de Bombabouses, je vais pouvoir aller asperger quelques Serpentard ! Dis-moi, je peux te poser une question ?

— Bien sûr.

— Tu as une idée de comment obtenir l'essence olfactive d'asphodèle dont on a besoin pour la potion ? Slug en avait pas dans sa réserve personnelle et, même en nous cotisant, on a aucun moyen de nous en procurer...

Une pointe acérée me mordit la chair du cœur et je sentis mes yeux s'humidifier. Je brûlais d'envie d'envoyer James se faire voir avec tout le mépris dont j'étais capable de faire preuve mais, en réalité, la raison pour laquelle il était venu me voir me donna envie de m'effondrer au sol. Alors c'était vraiment ce que j'étais pour les Maraudeurs ? Un simple soutien dans leur projet dantesque de devenir des Animagus ? Une ressource sans pareille d'informations ? Incapable de rester face à James sans me mettre à pleurer, je ne répondis pas, ni à sa question ni aux injonctions inquiètes qu'il me lança en voyant que je ne semblais pas être dans mon assiette, et tournai les talons pour m'enfuir le plus vite possible.

Le cœur battant à tout rompre, j'atteignis le cadre rassurant de mon dortoir et lâchai enfin le sanglot qui m'obstruait la gorge. Il fut suivi de bon nombre d'autres et, dans la pénombre de la pièce, je me laissai glisser au sol, affaiblie par la culpabilité et la douleur que je ressentais, mêlées en un cocktail explosif qui n'en finissait plus de m'étouffer.