Chapitre 42 : Colocataires ?

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JANVIER 1981

Je tins deux mois. Deux mois à ressasser encore et encore les quelques mots de Marly au sujet de son rêve. Deux mois à douter de ce que j'en avais compris. Deux mois à m'endormir avec l'espoir de recevoir la visite de John et d'enfin mettre une certitude sur une idée qui me semblait trop folle pour être crue. Mais, surtout, deux mois à fuir ma famille de peur de ne pouvoir me retenir de leur confier ce que je pensais avoir appris.

Je ne pouvais rien leur dire. Je le savais : que mon intuition soit bonne ou non, partager mes croyances m'était proscrit. Les risques étaient trop nombreux. Si je me trompais, il me faudrait nécessairement me résoudre à expliquer pourquoi une telle conviction m'avait gagnée en premier lieu tandis que, si j'avais raison, je devais m'en tenir au conseil de John et ne pas déterrer Jake trop tôt au risque de le mettre en danger et de le perdre pour de bon.

Mais ce silence m'oppressait. Ni Marly ni mon père, ni même Arthur qui vint passer les fêtes avec nous, ne soupçonnaient le trouble qui m'animait, mais je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir l'impression de les trahir. Échanger des banalités avec eux m'étais presque devenu douloureux tant je me sentais coupable de taire ce qu'ils auraient tous voulu entendre.

Je ne pouvais même plus compter sur ma mission avec Sirius pour me distraire et faire passer le temps. Même si je ne pouvais en être certaine, j'avais comme le sentiment que l'avertissement de John ne s'adressait pas à Marly mais à moi. Fouiller dans les dernières heures de la vie de Regulus, c'était fragiliser la couverture de Jake, si couverture il y avait bien. Aussi, lorsque Dumbledore nous assura, deux semaines après ma découverte, que nous lui avions fourni suffisamment d'éléments pour qu'il puisse défricher la piste qu'il pensait avoir trouvée, je fus donc très soulagée de pouvoir mettre un terme à la mission sans avoir à me justifier. Mais, bien que convaincue que c'était la bonne chose à faire, tout le temps que je passais auparavant à m'arracher sur les cheveux sur les miettes oubliées par Regulus avant sa mort, je n'eus d'autre choix que de le passer à me ronger les ongles en me demandant quand est-ce que j'aurais enfin des réponses pour confirmer ou démentir l'artifice de la mort de Jake.

Le pire étant sans doute que, au début de l'année 1981, la situation était loin d'être en train de s'arranger. Si l'assassinat de Jake était bien à mettre sur le dos des Mangemorts, comme j'en étais convaincue puisque c'était leur signature que nous avions retrouvée, flottant dans le ciel de Tinworth, je n'étais pas prête de revoir le sourire malicieux de mon frère : les attaques s'enchaînaient avec une violence croissante et n'en finissaient pas d'alimenter les parcmètres de « Vous-Ne-Savez-Pas-Vraiment-Qui » de nouvelles cartes sur lesquelles Marly passait ses nuits.

Je ne l'aidais que rarement, trop mal à l'aise à l'idée de fouiller dans le passé des nouvelles victimes, mais dus bien m'y résoudre lorsque, quelques jours après la nouvelle année, ce furent les jumeaux Prewett et Marlene McKinnon qui furent retrouvés assassinés au domicile de la jeune femme. J'avais beau ne les avoir côtoyés que brièvement au sein de l'Ordre du Phénix, en voyant leurs visages souriants dans les journaux, je me sentis obligée de prendre la plume pour leur rendre justice.

Ce fut justement quelques jours après leur enterrement, auquel j'assistais en compagnie des Maraudeurs sans savoir que c'était là la dernière fois que je voyais James et Lily, que je me rendis compte que je ne supportais plus la vie que je menais. Mentir à Marly et mon père alors que j'habitais avec eux, essayer de tromper mes pensées en m'investissant dans la boutique avec Nathan ou en acceptant de petites missions de surveillance pour l'Ordre du Phénix... Je n'en étais plus capable. La vie de tout mon entourage ne tenait qu'à un fil, et moi j'étais obligée de me cacher et de taire ce qui me préoccupait le plus pour préserver un secret dont je n'étais même pas sûre de l'existence.

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