Chapitre 36 : Le cadeau des Maraudeurs

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DÉCEMBRE 1975

La nouvelle jeta un sérieux froid sur tout le château. Même la salle comme des Gryffondor, temple de l'agitation, n'échappa pas au calme oppressant qu'instaura l'attaque. Elle était toujours remplie, pourtant. Mais ceux qui faisaient leurs devoirs ne se chuchotaient plus les réponses, ceux qui jouaient aux échecs paraissaient davantage intéressés par les numéros de la Gazette abandonnés à leurs côtés et les derniers, donc je faisais partie, se muraient dans une inactivité qui n'avait rien de paresseuse.

Les mots « sang », « carnage » et « meurtre » étaient dans toutes les rares conversations, et l'image choquante de quatre corps suspendus à la façade d'une maison du Chemin de Traverse et celle, peut-être plus terrifiante encore, de la tête de mort entourée du corps visqueux d'un serpent qui flottait au-dessus de l'immeuble régnaient en maître sur tous les esprits. Personne n'était rassuré. Personne ne réussit à dormir sur ses deux oreilles pendant la longue nuit qui suivit.

Le lendemain ne fut pas plus réjouissant. Des dizaines et des dizaines d'éditions de la Gazette du Sorcier traînaient dans toute la tour. Plus personne ne pouvait dire que la situation n'était pas sérieuse. Pas alors que la une annonçait la démission de la Ministre de la Magie, Eugenia Jenkins. Pas alors que le mandat d'inspection à l'encontre du bureau des Aurors avait été révoqué et mon père précipité sur les lieux du crime avec ses collègues. Pas alors que quelqu'un venait, sous le nez de tous, d'assassiner une innocente famille fondée par deux nés-moldus qui vivait au beau milieu du Chemin de Traverse. Pas alors qu'un tel carnage avait eu lieu au centre même de la vie sorcière, à quelques pas seulement des bâtiments de la banque Gringotts où des sorciers spécialisés dans la surveillance allaient et venaient à toute heure du jour et de la nuit.

C'était certainement le point qui m'horrifiait le plus. Le fait que cet assassin, cette organisation terroriste ait pu exterminer quatre nés-moldus au cœur de Londres, sous le nez de gardes et, surtout, sous le nez du Ministère qui avait préféré jouer à la sourde oreille plutôt que de prévoir et d'empêcher cette attaque. Je ne voulais même pas imaginer la colère de mon père en cet instant. Il devait être hors de lui que le Ministère ait pu laisser cela arriver, hors de lui que la Gazette du Sorcier fasse mine de s'étonner d'un tel acte alors qu'elle avait masqué tous les signes avant-coureurs en allant jusqu'à remettre en cause ceux censés protéger le pays, hors de lui que les hauts conseillers du Ministère aient poussé la Ministre à la démission après lui avoir donné l'ordre de cacher à son pays tout ce qui s'y passait. Et je partageais sa colère, au même titre que tous ceux qui étaient au courant de la corruption et des mensonges du gouvernement.

Je ne savais pas encore qui se cachait derrière cette marque verte qui hantait mes pensées, mais j'avais déjà conscience qu'il avait joué son coup à la perfection. Maintenant, en plus d'être terrorisés à l'idée d'être la prochaine cible, les sorciers n'avaient plus aucune confiance en leurs dirigeants, autrement dit en ceux qui étaient censés les protéger... Quoi de mieux pour l'expansion d'un groupe dont le dessein était de prendre le pouvoir ?

Le soir venu, le château était toujours ankylosé par le silence, comme enseveli sous des kilos et des kilos de glace. Le dîner fut le repas le plus étrange que j'ai jamais vécu à Poudlard. Tout le monde chuchotait, de peur de rompre la tendance générale et de paraître suspect aux yeux des autres. C'était un murmure assourdissant d'effroi qui s'insinuait dans chacun de nos cœurs. Personne n'évoquait le sujet phare de la journée, se contentant de se voiler la face en parlant de choses et d'autres, mais faisant tout de même comprendre que, à partir de ce jour, rien ne serait plus jamais comme avant.

Je regrettai les trois mois que j'avais passés à savoir que quelque chose était en préparation sans pour autant vraiment m'en inquiéter. Nous n'en étions pas encore là mais lorsque, plus tard, j'ai eu l'occasion de voir une peur omniprésente sur tous les visages à chaque nouvelle édition de la Gazette et, pire que tout, un déchirement entre deux mondes, j'aurais préféré pouvoir plus en profiter.

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