Chapitre 38 : La prophétie cachée

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JUILLET 1980

Quand Alistair Brown m'a sollicitée pour participer à son projet, j'ai dit oui sans trop savoir à quoi m'attendre. J'ai pensé à Alma, au visage si torturé d'Evelyn, à tous les morts qui nous étaient encore tombés dessus, et j'ai accepté de le rencontrer pour qu'il me précise ce qu'il avait en tête. « Vous êtes l'unique juge de ce que vous souhaitez révéler », m'a-t-il dit quand je me suis retrouvée dans son cabinet. « Creusez si vous le jugez nécessaire. Allez loin si vous vous sentez de le faire, restez en surface si cela est plus facile. »

Inutile de vous dire que, jusqu'à cette page, j'ai creusé. Profond. Pas toujours, peut-être pas assez à votre goût, mais suffisamment pour mettre à nu mes fêlures et dévoiler une intimité que je ne pensais pas un jour partager de cette façon. Mais maintenant que j'arrive aux semaines qui ont suivi l'enterrement de Ganymede... Je n'en ai jute pas le courage, et je suis certaine que le Mr Brown comprendra pourquoi.

Il était là, après tout, avec le reste de sa famille, le jour où nous avons retrouvé les os qui brûlaient sous le ciel assombri par la Marque des Ténèbres de Tinworth. Nous n'étions alors que des inconnus l'un pour l'autre, mais nous nous étions croisés et, comme les autres témoins de la scène, il avait dû entendre les cordes vocales d'Elladora se briser alors qu'elle criait, voir mon père vaciller pour finir par tomber à genoux dans le sable, comprendre que la larme qui coulait sur la joue de Marly n'était que la première d'un long déluge qui me contaminerait bien assez tôt.

Et puis je ne suis pas convaincue par la pertinence associée au récit de cette journée pluvieuse au cours de laquelle, en petit comité, retranchés dans le cimetière de Chamonix, nous fîmes descendre en terre, entre les tombes de mon grand-père et de ma mère, le cercueil portant les initiales de Jake mais ne contenant que des cendres. Contrairement à l'enterrement de ma mère, que je me suis efforcée de revivre parce que ce sont bien mes deuils, dans le fond, qui sont visés par le projet de Mr Brown, il serait aussi cruel pour moi que pour ma famille de m'infliger celui de Jake et, si vous avez lu l'édition spéciale de la Gazette du Sorcier parue le 4 novembre 1981, vous savez déjà pourquoi.

Alors j'ai fait ce choix, le choix du silence, pour préserver quelques fragments de ma vie et me préserver avec. Sachez simplement que, cette fois, je n'eus aucune difficulté à pleurer la perte de Jake. Dès que je fermais les yeux, je le voyais, avec son sourire moqueur et ses yeux malicieux, je repensais aux derniers moments que nous avions passés ensemble, à notre discussion dans le mausolée des Black, à ses bras qui avaient tenté de me réconforter après l'attaque des Martins, et, docilement, en proie à une mécanique bien huilée, ma gorge se serrait, mes lèvres tremblaient et mes yeux débordaient.

Lorsque je retournai à Poudlard, vers la deuxième semaine de mai, j'étais dans un état lamentable. Non seulement je pleurais encore Jake, mais je m'inquiétais en outre pour mon père et ni les paroles réconfortantes de mes amis ni la présence de ma grand-mère, qui avait délaissé sa vie parisienne pour venir habiter chez nous le temps que Marly et moi finissions nos études, ne parvenaient à m'arracher à mes préoccupations. Seuls les ASPICS et la promesse que j'avais faite à ma grand-mère de tous les dégoter parvenaient encore à me motiver, et c'est à grand renfort de potions de sommeil que je fabriquais sous le manteau, en cachette dans la salle de bain, en volant sans scrupule dans la réserve de Slughorn, que je parvins à mener à bien mes révisions.

Je ne me sentais pas bien à l'école. Le château me paraissait terriblement froid, sans vie. J'avais certes l'impression d'être en sécurité, mais seulement au prix du risque qu'encouraient mes proches demeurés à l'extérieur et dont ma mère, les Martins, les Potter, Ganymede, Regulus et Jake avaient déjà fait les frais. Les derniers événements m'avaient ouvert les yeux sur la temporalité évidente d'un tel refuge, qui n'avait rien pu faire pour préserver ma famille et mes camarades.

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