Chapitre 11 : Un autre monde

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AVRIL 1974

Je n'ai pas vécu ce que je m'apprête à vous raconter mais, à l'aide de plusieurs témoignages, j'ai pu reconstituer les faits et il me semble qu'ils sont importants pour la compréhension de la suite de ce récit. Ne m'en voulez d'ailleurs pas si je romance le tout, il faut bien que je relie les différents événements que je sais de source sûre entre eux, et ajouter des détails de mon propre cru ne fera qu'accentuer la connexion peu évidente qu'il existe entre mon histoire et celle que je vais dès à présent coucher sur le papier. Car tandis que, bien insouciante, j'occupais ma dernière journée de vacances à découvrir Tinworth, jouer au Quidditch et échanger des âneries avec James, au sein du manoir Lestrange, c'est-à-dire du dernier endroit auquel j'aurais pensé être reliée un jour, se mettait en place l'élément déclencheur d'un pan majeur de ma vie.

En effet, le soleil venait à peine de commencer à éclairer la façade brillante de rosée de la demeure que, déjà, l'immense bâtisse était en pleine effervescence. Et pour cause : en ce samedi d'avril se tenaient les fiançailles de l'aîné de la famille, Rodulphus Lestrange, avec Bellatrix Black. Mrs Lestrange - que j'avais déjà aperçue à Poudlard -, en proie au stress coutumier des mères lorsqu'elles voient leurs enfants grandir, pressait toute la maisonnée, passant de pièce en pièce, donnant des ordres à ses elfes de maison et enguirlandant ses fils dès qu'ils daignaient ralentir la cadence.

— Nelly ! finit-elle par glapir après avoir longuement sermonné Ganymede sur l'état de sa robe, qu'elle jugeait trop sombre pour des fiançailles.

Aussitôt, une petite elfe apparut à ses côtés en un crac sonore et s'inclina jusque terre.

— Elle dort toujours ? s'enquit la maîtresse de maison après lui avoir fait signe de relever la tête.

— Oui, Madame Ariane.

— Dis lui de se lever et d'aller se préparer. Nous partons d'ici une heure.

Réitérant son salut, l'elfe transplana de nouveau et se rematérialisa dans une des chambres du premier étage. Malgré la lumière qui filtrait par les rideaux pourpres mal fermés, une jeune fille somnolait toujours dans le large baldaquin qui, en dépit de sa taille imposante, n'occupait même pas le quart de la pièce.

— Mademoiselle ? Mademoiselle ! Il faut vous lever ! Madame Ariane veut que vous soyez prête le plus vite possible !

La masse enfouie sous les couvertures grogna et se retourna dans son grand lit paré de riches tentures.

— Je dormais si bien... gémit-elle. Tu es sûre que je ne peux pas rester ici aujourd'hui ?

— Vous savez bien que non ! Ce sont les fiançailles de votre cousin, tout de même...

— C'est bien le problème ! Il va y avoir tout le monde, et je vois déjà leurs regards curieux...

Visiblement fatiguée d'avance, elle grimaça et repoussa ses couvertures à contrecœur.

— Vous avez besoin d'aide pour vous préparer, mademoiselle ? demanda Nelly.

Comme à son habitude, le jeune fille hocha la tête en signe de négation et disparut dans la salle de bain. Une demi-heure plus tard, parée d'une robe bordeaux réalisée sur-mesure par Madame Guipure pour l'occasion et son épaisse chevelure châtain disciplinée en un chignon strict, elle se présenta dans le petit salon du manoir dans lequel sa tante et les deux plus jeunes de ses cousins passaient le temps en attendant l'heure des fiançailles. Dans l'indifférence générale, elle s'adjugea la banquette la plus proche de la fenêtre et contempla le jardin de la propriété, savourant ces quelques minutes de calme avant l'agitation de la journée.

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