Chapitre 19 : Distillation sentimentale

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DÉCEMBRE 1974

Lorsque Joyce, après s'être repue du contact glacial de la neige pendant une bonne quinzaine de minutes, m'avait quittée sur un dernier sourire énigmatique, je ne m'étais pas éternisée dans le parc. Angel, Becca, Charlie et Theo s'y amusaient toujours mais l'envie de les regarder m'avait passée, et je repris bien vite la direction du château. La majorité des élèves ayant choisi de profiter du week-end en dehors de ses murs, je franchis le portrait de la Grosse Dame sans avoir croisé un chat et profitai du vide de la salle commune pour m'installer juste devant le feu, le manuel de transformation en Animagus sagement posé sur mes genoux.

Cela faisait une éternité que je n'y avais pas touché. Depuis la fois où j'étais allée parler à Joyce pour la première fois, à vrai dire. Après cela, j'avais été trop occupée par ma nouvelle amitié avec elle et mes questions à propos des Sombrals pour m'y repencher, puis tellement en colère contre Sirius que la perspective de faire quelque chose pour lui m'avait fait le reléguer bien loin dans le foutoir qui siégeait sous mon baldaquin. En pensant à Sirius, je m'entendis pousser un soupir. Deux mois avaient presque passés depuis notre dispute, si bien que je n'arrivais même plus à déterminer si je lui en voulais ou non. Ce sentiment qui me faisait monter aux lustres, était-ce de la colère ou, plus vraisemblablement, de la fierté ? Lui en voulais-je parce que je lui reprochais son comportement ou parce que m'incliner devant lui aurait fait trop de mal à mon amour propre ? La réponse était plutôt évidente, dans le fond.

Aussi, résolue, j'ouvris le livre à la page à laquelle je m'étais arrêtée et parcourut des yeux la recette de la potion que les garçons devaient réaliser. Ma conversation avec James bien en mémoire, au lieu de m'attaquer à la suite de la traduction, je me saisis d'un parchemin vierge et y inscrivis le nom de l'ingrédient qu'ils n'avaient pas réussi à obtenir : l'essence olfactive d'Asphodèle. Lorsque j'avais remis mes derniers feuillets traduits aux quatrièmes années, j'avais déjà conscience qu'il s'agissait d'un ingrédient très rare, mais j'avais espéré que Slughorn en ait tout de même en sa possession. À en croire James, mes prières avaient été vaines. Ce qui en soi n'était guère étonnant. Extraire l'essence d'une fleur était sans aucun doute une opération délicate et réalisée uniquement sur commande, pour des potionnistes expérimentés... Cependant, refusant de devoir être celle à annoncer à James, Sirius et Peter que je ne pouvais rien faire pour eux, je décidai de me rendre à la bibliothèque, prête à trouver coûte que coûte comment nous procurer cet ingrédient manquant.

Il me fallut trois jours pour enfin dénicher quelque chose dans l'antre de Mrs Pince. J'avais dû arpenter le rayon des potions en long et en large puis m'attaquer à celui de botanique avant d'enfin trouver un ouvrage pouvant m'aiguiller dans mes recherches : un manuel des techniques avancées de décomposition des plantes, qui consacrait une cinquantaine de pages aux trois méthodes possibles pour réaliser une distillation, ce procédé permettant d'extraire sans trop de difficultés l'essence ou l'odeur d'une plante. En dépit des élèves qui travaillaient eux aussi dans ce rayon, j'éclatai d'un rire triomphant, ravie de ma trouvaille, et me dépêchai d'aller emprunter le Saint Graal. Je passai les quelques jours suivant à tout apprendre du processus de la distillation, repérant laquelle des trois méthodes était la plus simple, listant le matériel dont ils auraient besoin, évaluant le temps que ça leur prendrait et notant le tout sur un parchemin vierge, prête à aller le remettre aux Maraudeurs dès que je les croiserais.

Avoir mis le doigt sur la solution à leur problème me plongea dans une sorte d'euphorie étrange. Je fus de bonne humeur toute la journée, discutai gaiement du prochain match de Quidditch des équipes anglaises avec Charlie, m'intéressai au nouvel animal qu'avait reçu le père de Theo, répondis avec patience à toutes les plaintes de Becca que je m'évertuais d'ordinaire à ignorer et acceptai même de réviser les sortilèges avec Angel au lieu de rejoindre la partie de Bombabouses qu'avaient initiée le reste de nos camarades dans un coin de la salle commune.

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