4 JUILLET 1979
Je me souviens de bien trop de détails douloureux concernant cette soirée. Je me souviens du bruit de nos respirations encore saccadées qui venaient troubler la quiétude de la fin d'après-midi. Je me souviens des échos lointains des assiettes qu'on empilait et des couverts qu'on rangeait, en bas, dans les cuisines du Chaudron Baveur. Je me souviens de la lueur orangée projetée sur le mur à la peinture défraîchie de la chambre où nous nous étions réfugiés. Je me souviens du tic-tac incessant de la montre de Regulus, posée sur la table de nuit. Je me souviens du regard que je lui avais lancé en constatant qu'il était déjà six heures et demie. Il était si tôt mais si tard à la fois... Trop tôt pour pleurer mais trop tard pour pouvoir encore faire comme si de rien n'était.
J'étais lovée sous le drap du lit, mes mains agrippant fermement la fine couche de tissu, plus par pudeur que par réel manque de chaleur, mon corps étant tout aussi moite que celui de Regulus à mes côtés. Ce dernier était allongé à quelques centimètres de moi mais nous ne nous touchions pas. Peut-être parce que, une demi-heure plus tôt, nous nous serrions l'un contre l'autre à nous étouffer. Ou peut-être parce que nous étions gênés par notre nudité respective. Toujours était-il que, si ma peau sentait encore la brûlure qu'y avaient laissée les caresses de ses mains, nos corps restaient chastement séparés par cette petite distance qui me semble aujourd'hui immense.
En tournant la tête vers lui, je vis que Regulus s'était endormi, un sourire flânant sur ses lèvres que les brumes de l'alcool et de la jeunesse m'avaient fait dévorer avec tant d'avidité. Son torse dénudé s'élevait et s'abaissait à un rythme tranquille, faisant glisser les rayons du soleil sur ses muscles dessinés par le Quidditch. Il avait un corps d'homme, c'était indéniable. Mais la moue – innocente, inconsciente ! – que formait sa bouche le faisait ressembler à un gosse.
C'était ce que nous étions encore, après tout. Deux gosses tout juste majeurs qui ne tarderaient pas à être rattrapés par la réalité qu'ils avaient vainement tenté de fuir. Deux gosses avec des désirs d'adulte, si ce n'est pas terriblement ironique, ça. En m'entraînant dans ce couloir, lui avait laissé libre cours au désir de possession qu'il m'avait si longtemps caché ; en m'accrochant à lui alors que je n'étais même pas sûre d'en avoir envie, j'avais laissé libre cours à celui de perdition qui pulsait en moi depuis des mois.
Oh oui, nous étions des gosses. Qui d'autre qu'un enfant pouvait être aussi stupide que nous l'avions été à nous penser invincibles le temps d'une étreinte éphémère et maladroite ? Qui d'autre qu'une enfant pouvait se montrer aussi égoïste que je l'avais été en cédant à ses avances alors que j'étais à un million d'années lumières de ressentir la même chose que lui ? Tout en nous criait l'immaturité, depuis nos hésitations jusqu'à la façon dont il avait tenté de soustraire à ma vue la marque sombre nettement dessinée sur son avant-bras, à la manière d'un gamin qui aurait caché les morceaux d'un vase accidentellement cassé.
Regulus, qui s'était réveillé tandis que je l'observais, me sourit alors que je remontais mes yeux vers les siens. Je ne lui rendis pas son geste mais ne détournai pas le regard non plus, et il dut comprendre qu'il n'obtiendrait rien de plus de ma part car c'est là tout ce qu'il fit. Pas une parole n'avait été prononcée depuis notre entrée fougueuse dans la chambre qu'il avait louée, mais l'un comme l'autre savions qu'une interrogation planait dans l'air. « Et maintenant ? » me demandait en effet le souffle de celui-ci sur ma peau nue.
Cependant, ni Regulus ni moi n'ouvrîmes la bouche. Il n'était que six heures et demie après tout. Nous avions encore le temps. Pour quoi faire exactement, je n'en avais pas la moindre idée, mais bon, au point où on en était, c'était loin d'être un problème.
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Life Always Restarts
FanfictionEn 1973, Alicia Azer effectue sa première rentrée à Poudlard. Sur un fond d'amitiés qui se tissent et de liens familiaux qui se brisent, le tout agrémenté de mystères en tout genre, elle va peu à peu évoluer et s'intégrer dans cet univers de magie. ...