Chapitre 32 : La vie en accéléré

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AOÛT 1979

Joyce voulut qu'on parte sur l'instant, mais je refusai catégoriquement de quitter Paris avant l'aube. Elle eut beau m'avancer des arguments, tous aussi stupidement convaincants les uns que les autres, je campai sur mes positions et finis par obtenir gain de cause.

— Mais le mariage est à quatorze heures ! protesta-t-elle quand même une dernière fois.

— Raison de plus ! Je ne vais pas partir en pleine nuit, imagine l'état de ma grand-mère si elle trouve ma chambre vide en se réveillant !

Joyce haussa les épaules.

— Tu n'as qu'à lui laisser un mot.

Je soupirai.

— Ça t'a peut-être échappé maintenant que tu te la coules douce à Boston, mais ici on est en guerre, Martins. N'importe qui peut écrire un mot en utilisant mon écriture. Je ne vais pas faire s'inquiéter ma grand-mère pour rien.

— N'importe qui peut dire à ta grand-mère que tu pars après avoir pris ton apparence.

Je la dévisageai, désabusée.

— Je ne partirai pas avant demain, Joyce. Je suis catégorique et je te préviens, si jamais tu me forces de quelque manière que ce soit, je ferais en sorte que tu en subisses les conséquences ! persiflai-je, un doigt brandi à l'appui de mes menaces.

— Va pour demain. Mais du coup je squatte ton matelas, j'suis explosée.

Ne s'embêtant nullement d'obtenir mon assentiment, elle s'étala sur le lit et envoya valser ses chaussures contre le mur, sans aucun respect pour Arthur qui dormait dans la chambre voisine. Je levai les yeux au ciel mais ne la réprimandai pas, me contentant de me recoucher et de lui filer de mauvaise grâce un des oreillers. Nelly, qui avait assisté à toute la dispute sans piper mot, s'allongea au bout du matelas, puis j'éteignis les lumières et tournai le dos à Joyce.

Cela ne l'empêcha pas, après quelques minutes de silence, de me forcer à lui faire face avant de me demander :

— C'est vrai, ce que dit Jake ?

Je râlai :

— Ah bah écoute, j'ai passé tellement de temps avec lui ces derniers temps que je sais tout à fait ce qu'il dit, c'est marrant, non ?

— Non, mais, sérieusement. T'es vraiment partie parce que Regulus est mort ?

— Tu as un de ces tacts, j'avais oublié.

— C'est pas le sujet ! Alors ?

— Non. Je ne suis pas partie pour ça.

— Menteuse.

Je ricanai.

— Comment est-ce que tu pourrais savoir que je mens ? On ne s'est pas vues depuis Noël.

— T'avais une relation spéciale avec Regulus. Et t'es partie deux jours après qu'ils ont retrouvé son corps. Me fais pas croire que c'est une coïncidence, y a que Sirius pour croire un truc pareil. Quoique... J'pense pas vraiment qu'il y croit, il doit plus préférer cette version des faits à celle qui dit que t'es partie parce que la mort de son frère t'as fait un tel effet qu'elle t'a dégoûté de l'Angleterre.

— Tu crois vraiment tout savoir, hein ?

— Sur ce sujet-là, oui.

J'étouffai mon rire dans la couette.

— Eh bien non. J'suis pas partie parce qu'il est mort. Je suis partie parce qu'il savait qu'il allait mourir, qu'il me l'a fait comprendre et que...

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