Chapitre 21 : Apprendre à pardonner

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MARS 1978

Je n'ai aucune idée du nombre d'heures que j'ai passées affalée contre le mur, à pleurer sans être capable de savoir quelle peine je cherchais à liquider. Tout ce que je sais c'est que, quand on me retrouva, le dîner était terminé, le couvre-feu entamé et ma ronde gracieusement annulée par James et Lily qui, ayant assisté au repas durant lequel Dumbledore annonça le départ de mon frère pour Beauxbâtons, comprirent que je n'étais pas en état de rattraper des élèves faisant les malins dans les couloirs.

C'est Sirius qui finit par me découvrir. Je n'ai jamais su comment car, quelque part au milieu de mes sanglots, larmes et reniflements, j'avais réussi à m'enfermer dans une salle de classe désaffectée où personne n'aurait eu l'idée de venir me chercher. Quand je le vis s'accroupir à côté de moi, je fus donc surprise. D'autant plus que, à travers mes yeux brouillés, je crus au départ qu'il s'agissait de Regulus. Cela me parut si incongru que je me mis à rigoler, les spasmes de mon hilarité se confondant avec les hoquets de tristesse qui agitaient toujours mon corps. Mais, alors qu'il me soulevait pour me ramener à la tour des Gryffondor, l'évidence me frappa : j'avais envoyé Regulus au diable. C'était peut-être un Mangemort, mais il était trop respectueux pour oser m'approcher ainsi, alors que j'étais au plus mal. Ou trop lâche, la frontière était mince.

Sirius ne me lâcha qu'une fois dans son dortoir, après avoir dégagé les vêtements d'un lit pour me déposer dessus. Quelque part derrière ses épaules, alors qu'il me forçait à m'allonger pour rabattre les couvertures, j'aperçus James, Peter et Remus qui faisaient très mal semblant d'avoir l'air naturel, et j'eus subitement l'envie de parler. De leur dire à quel point ma gorge était serrée et mes yeux toujours prêts à verser plus de larmes. Mais ce que je baragouinais n'eut pas le moindre sens et je finis pas sombrer dans un sommeil sans rêves. Cruauté quand on sait qu'une visite de John m'aurait alors été plus bénéfique que n'importe quelle autre intervention...

Le lendemain, quand j'ouvris les yeux, seule Lily se trouvait dans la pièce. Je fronçai les sourcils.

— Hé, fit-elle tout doucement en venant s'asseoir sur le bord du baldaquin que j'occupais pour me caresser les cheveux lorsqu'elle vit que j'étais réveillée. Tu vas mieux ?

Elle n'y fit sûrement pas attention, mais le fait qu'elle dise « tu » et non « ça » me réchauffa le cœur, et je la laissai m'étreindre.

— Qu'est-ce que tu fais là ? finis-je par demander, la voix rauque et les yeux trop gonflés pour être plissés.

— James, Sirius, Remus et Peter auraient fini par s'attirer des ennuis à sécher chacun leur tour un cours.

— Il est quelle heure ?

— Seize heures.

— Quoi ? m'écriai-je en me redressant sur les coudes, incrédule.

— Tu t'es réveillée ce matin mais Sirius a jugé plus utile de te faire dormir et t'as donné une potion de sommeil.

Elle pointa du doigt le flacon vide posé sur la table de nuit et je me rallongeai en soupirant. Le silence reprit ses droits sur le dortoir tandis que Lily m'observait avec patience et que je fixai les tentures écarlates en me demandant depuis quand la rousse appelait Sirius et James autrement qu'en crachant leurs noms de famille d'un air agacé. Cependant, quand je rouvris la bouche, bien des minutes plus tard, ce ne fut pas à ce sujet que je la questionnai.

— Il est parti ? murmurai-je, si bas que, si elle ne s'était pas attendue à ce que je lui pose la question, elle n'aurait sans doute pas été en mesure de répondre.

— Ce matin. James et moi l'avons accompagné à Pré-au-Lard où le directeur de Beauxbâtons est venu le chercher avec un de vos amis français... Matthew, je crois.

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