Chapitre 24 : L'acidité des embruns marins

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JUILLET 1978

Enfermer l'Éventrée dans le même coffre qui avait accueilli la noirceur d'un des sorciers les plus célèbres de Grande-Bretagne ne fut pas sans conséquences, en particulier sur Elizabeth. Les quelques fois où j'eus l'occasion de la croiser après la soirée durant laquelle nous avions pratiqué le rituel du sang, elle avait toujours dans sa poche un mouchoir taché de rouge, qu'elle plaquait à intervalles réguliers contre son nez pour l'empêcher de saigner, le visage crispé par la douleur. Ne m'étant jamais intéressée à ce genre de magie, je ne savais pas trop d'où venaient ces effets secondaires, mais je ne pus m'empêcher de la prendre en pitié et de saluer le sacrifice qu'elle avait fait pour nous.

Libérée d'un immense poids maintenant que le fantôme était hors d'état de nuire – quoique toujours craintive quand je m'approchais trop du lac et qu'un coup de vent faisait s'agiter la surface –, me concentrer sur mes BUSES et ma famille qui avait besoin de moi fut bien plus facile. Je passai les différents examens sans trop d'encombre, le sérieux dont je faisais preuve depuis la mort de ma mère y étant pour beaucoup, puis le moment du départ arriva.

Cette année-là, il eut un goût bien plus amer que les années précédentes. D'une part parce que je savais ce qui m'attendait à la maison et d'autre part parce que, alors que leur dernière farce illuminait le ciel nocturne de couleurs bienvenues en cet avènement de la guerre, je pris conscience que, la prochaine fois que j'emprunterais le Poudlard Express, les Maraudeurs ne seraient plus avec moi. Lily et Alice non plus. De même que Joyce.

Pour être honnête, je ne savais pas si ce dernier détail m'attristait vraiment ou non. Depuis le rituel, même si elle faisait des efforts pour être plus présente dans ma vie et que j'acceptais sa compagnie sans la réprimander ou l'encourager, je pouvais sentir dans mes rapports avec la Serpentard un malaise qui n'avait jamais été plus pesant. Ne plus la voir à Poudlard pouvait être la chance de faire du tri dans ce qu'elle m'évoquait désormais tout comme le risque de m'en éloigner à jamais. J'étais paumée, comme qui dirait. Mais comment ne pas l'être quand l'unique personne avec qui vous avez partagé tous vos secrets vous déçoit durablement ?

— Tu comptes lui pardonner un jour ? me demanda Jake un soir où nous quittâmes Joyce en face du manoir Martins après une journée passée à la plage avec elle, Elladora et Marly.

— Je ne sais même plus ce que je lui reproche, admis-je.

— C'est plutôt bon signe, non ? commenta Elladora, suspendue au bras de mon frère avec qui elle sortait depuis la fin des ASPICS.

J'haussai les épaules.

— Oui et non.

L'ancienne Poufsouffle ne chercha pas à insister et accepta que Jake la raccompagne chez elle alors qu'on atteignait la maison.

— C'est étrange de les voir ensemble, fis-je alors que Marly refermait soigneusement le portail – ce qui était tout à fait inutile puisque celui-ci était d'à peine un mètre de hauteur et que nos ennemis étaient loin de se laisser arrêter par une porte fermée. Mais c'est bien en même temps. J'ai l'impression que Jake va beaucoup mieux depuis qu'ils sont en couple.

— Les joies de l'amour, sans doute. Ça viendra pour nous, un jour.

— Ou alors c'est déjà sous notre nez et on ne le voit pas.

Marly eut un rire désabusé.

— On est dans la vraie vie, Ali. Pas dans un livre.

— On s'en fout, ça change pas l'idée de fond. C'est juste que dans un livre on s'en rendrait forcément compte alors que dans la réalité on a beaucoup plus de chances de passer à côté.

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