Chapitre 17 : Les feuilles mortes

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NOVEMBRE 1974

Le lendemain, je n'avais toujours pas décoléré. Quel que soit l'angle depuis lequel je contemplais ma dispute avec Sirius, celle-ci finissait invariablement par élancer mon corps de bouffées d'agacement mêlé de fureur et je me mettais à maudire intérieurement le Maraudeur. Vous pensez sûrement que j'exagérais et aujourd'hui j'ai bien conscience que c'était le cas mais, à l'époque, le fait qu'il remette en cause toute notre relation simplement parce que la curiosité m'avait conduite à parler avec son frère et la pitié avec Joyce me faisait devenir dingue. Je trouvais sa réaction immature et, bien que la mienne le soit tout autant, cela me rendait sa compagnie intolérable.

Heureusement, le jour qui suivit notre altercation, une sortie à Pré-au-Lard était organisée pour les élèves au-delà de la troisième année, aussi je n'eus à croiser ni Sirius ni Regulus pendant quelques heures que je passai en compagnie de Theo, Charlie et Becca étant en retenue et Angel m'évitant comme à son habitude. Le temps étant plutôt doux, après le déjeuner nous décidâmes de nous aventurer dans le parc qui avait revêtu les atours de l'automne, des feuilles jonchant le sol partout où nos pas nous portaient. Vingt-cinq ans ont peut-être passés mais, aujourd'hui, je peux encore palper le silence tendu qui nous enveloppait alors.

Au début de notre deuxième année, Theo et moi avions en effet beau être amis, nous ne nous connaissions pas très bien. Je me sentais bien plus proche d'Angel et de Becca - qui avaient le mérite non négligeable d'être des filles - et de Charlie avec qui je partageais la passion du Quidditch. Je trouvais le Gryffondor adorable - et très mignon, soyons honnêtes -, et il nous arrivait d'être très complices par moments, mais la gêne persistait à caractériser nos conversations lorsque nous nous retrouvions seule à seul. Ce qui explique pourquoi la première partie de notre balade s'effectua dans le plus grand des calmes, quelques regards et sourires embarrassés ponctuant notre marche.

— Tu es sûre que ça va ? finit par me demander mon ami tandis que nous arrivions à proximité d'une zone boueuse s'étendant jusqu'au Lac Noir. Tu n'as pas l'air dans ton assiette et je t'ai vue partir de la Grande Salle hier soir...

J'haussai machinalement les épaules, partagée entre l'envie de rosir de plaisir parce qu'il s'inquiétait pour moi et celle, non moins tentante, de lui faire comprendre que ce n'était en aucun cas ses affaires. Peu désireuse de m'étaler sur les tenants et aboutissants de ma dernière discussion avec Sirius, je me contentai d'articuler, désinvolte :

— Ça va.

Saisissant que je ne souhaitais pas m'épancher, Theo hocha la tête sans insister et lâcha :

— Tu sais, si tu as besoin de parler, on est là...

La proposition était sincère et pleine de bonnes attentions, mais je ne pus m'empêcher de me demander pourquoi j'irais me confier à lui ou encore à Angel, Becca et Charlie. Si c'était pour qu'ils me regardent avec des yeux ronds en s'inquiétant de ma santé mentale comme ils l'avaient fait le jour de la rentrée, ça ne me donnait pas franchement envie... Mais, heureusement ou malheureusement, avant que je ne n'aie pu dire quoi que ce soit de blessant, je vis le Gryffondor glisser dans la boue et s'étaler au sol sans plus de cérémonie.

Incapable de me contenir, j'éclatai de rire, me moquant ouvertement aux dépens de mon ami dont une bonne partie de l'uniforme était désormais si crotté qu'on en devinait que difficilement la couleur. Me calmer me prit quelques minutes puis, charitable, je m'approchai de Theo et lui tendis une main. Il me lança un regard noir peu avenant avant de s'en saisir, la décorant de boue par la même occasion. Mais, alors que je me mettais à tirer pour le relever, je me sentis tomber en avant et atterris à ses côtés. Cet imbécile m'avait attirée au sol et j'étais à présent à moitié étalée sur lui, aussi couverte de boue et morte de rire que lui.

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