Un chauffeur mécontent klaxonne derrière moi et crie quelque chose d'incompréhensible. Le feu est repassé au vert mais je n'avance toujours pas, je tente d'allumer mon téléphone qui n'arrête pas de se mettre en veille pour économiser sa batterie. Je jure en secouant l'engin et il met enfin ma position à jour.
Je m'arrête sur un parking et rentre l'adresse de la maison de maman sur mon portable. Je vais chez elle à chaque vacances mais je suis incapable de retenir l'adresse. Pendant que mon vieux téléphone mouline, mon reflet me regarde dans le rétroviseur avec de grands yeux verts émeraude, presque translucides. Je recoiffe mes cheveux châtains et redémarre la voiture en allumant la radio.
Après avoir quitté l'autoroute, je passe devant d'incalculables bâtiments plus modernes les uns que les autres. Au bout de la rue il y a une grande université, normalement je devrais y être mais depuis la disparition de papa j'ai décroché les cours. Maman n'avait pas du tout aimé et m'avait pratiquement jetée à la porte alors j'ai fait quelques petits boulots par-ci par-là, mais quand on a seize ans ce n'est pas facile de travailler.
Papa est parti du jour au lendemain, sans rien laisser et il ne nous avait même pas prévenues de sa fuite. Maman et moi sommes passées par pleins de phases différentes : d'abord on a été surprise de ne pas le voir le lendemain matin, nous l'avons cherché partout sans comprendre pourquoi il ne revenait pas. Après de multiples échecs lorsqu'on essayait de le joindre, nous avons contacté sa sœur mais elle non-plus n'avait pas de réponse. On a été triste pendant longtemps mais un jour, je me suis réveillée et j'ai pris maman par les épaules en lui disant d'arrêter de pleurer sur son sort et de continuer à vivre.
C'est à ce moment-là que j'ai décidé d'arrêter le lycée.
Le jour où ma mère m'a mise à la porte à cause de ça, je suis directement allée voir Agathe, ma meilleure amie. Elle m'a accueillie chez elle sans ciller et maintenant on habite ensemble dans le même appartement depuis déjà trois ans.
Deux jours après, maman m'avait téléphonée pour s'excuser et me demander de revenir à la maison mais je lui avais dit non, que j'étais grande et que je devais commencer à être autonome. Elle a respecté mon choix et bien-sûr je viens la voir de temps en temps.
Puis elle a rencontré Charles et je l'ai tout de suite apprécié.
Le GPS indique que je suis bien devant la nouvelle maison de maman. J'ai tendance à oublier que ma mère habite ici, et en ouvrant le portillon je ressens une pointe au cœur. Lorsque papa n'était plus là, maman n'arrêtait pas les heures supplémentaires à son boulot pour compenser son salaire. Désormais ce n'est plus du tout le cas : la maison est jolie et grande, elle a de multiples fenêtres et sa façade est faite en pierre.
Je pose mes bagages devant le porche, je sonne puis me recoiffe rapidement. J'entends des pas derrière la porte et c'est un jeune homme qui m'ouvre.
...Attends, quoi ?
-T'es qui toi ? fait le type en me détaillant soigneusement de la tête au pied.
Pendant que mon cerveau mouline en essayant de comprendre ce qu'il se passe, mes yeux se focalisent sur la tête de l'inconnu en face de moi : il a des cheveux bruns, une mâchoire carrée et a de magnifiques yeux bleus saphir.
Soudain, mes neurones se reconnectent et je réalise que quelques secondes sont passées sans que je réponde.
-Moi c'est Ambre. Mais toi tu fais quoi chez ma mère ? dis-je en croisant mes bras.
Le type plisse les yeux mais me referme tout à coup violemment la porte au nez, sans aucune explication. Je cligne des yeux, sans bouger et surprise par ce qu'il vient de se passer.
Vous voyez le cerveau d'Homer Simpson, avec le singe qui joue des cymbales ? Et bien figurez-vous que c'est actuellement ce qu'il se passe dans le mien.
Je rigole nerveusement et ouvre la porte d'entrée en regardant si le gars est toujours derrière. Heureusement il n'y a personne et je me faufile dans le couloir pour voir où sont passés ma mère et Charles.
Bon sang mais c'est qui ce type ? Un cambrioleur ? Non, il n'ouvrirait même pas la porte. Un squatteur alors ? Je fronce les sourcils et traverse le salon sans bruit.
Ça se trouve c'est l'homme de ménage et il n'a pas osé m'ouvrir ? Je pouffe de rire, ça ne peut pas être ça. Ma mère n'engage pas d'agent d'entretien mais si ça s'avère être vrai, je toucherai deux mots sur la politesse à ce type.
J'arrive dans la cuisine et vois maman devant le plan de travail, en train de chantonner. Elle n'a pas changé ; ses cheveux courts lui vont à ravir.
-Maman !
-Ma chérie tu es enfin arrivée ! s'exclame-t-elle en me prenant dans ses bras.
-Chut pas si fort, on va se faire repérer.
Je jette un œil derrière moi pour voir si la voix est libre mais ma mère ricane en me demandant ce qu'il m'arrive.
-Quand j'ai sonné c'est un type qui m'a ouvert. C'est peut-être un malade qui va nous assassiner dans la nuit... D'ailleurs vous n'avez pas d'alarme pour les intrusions ?
Maman me regarde avec de grands yeux puis éclate de rire.
-Ce n'est pas un malade qui va nous assassiner, c'est Idris.
-Tu... tu le connais ?
Elle hoche la tête en continuant de rire et Charles apparaît au coin de la porte.
-Il se passe quoi ici ? Oh bonjour Ambroise ! fait-il en s'approchant à son tour.
Maman et Charles s'efforcent de m'appeler par mon prénom complet, comme pour le rentabiliser, mais ça ne dure jamais longtemps.
-Salut Charly, dis-je un peu confuse.
Je l'embrasse sur la joue puis je m'assois sur l'une des chaises hautes.
-Idris lui a ouvert et elle a cru que c'était un cambrioleur, lui raconte maman.
Mon beau-père tourne la tête vers moi puis regarde ma mère en se retenant de rire.
-Arrêtez de vous payer ma tête ! je m'exclame avec un sourire. Je ne sais pas qui est ce Idris, je vous rappelle.
-C'est l'ainé des enfants de Charles, m'informe maman en sortant de l'eau fraiche du frigo.
-Je ne t'ai jamais parlé d'eux ? renchérit-il.
-Je crois que si... mais pourquoi il est là ?
-En fait, ils sont tous les trois ici... Idris a deux ans de plus que toi, Ilan a dix-sept ans et Angèle en a huit, énumère fièrement Charly.
-Je ne savais pas qu'ils venaient ici pendant l'été. Je peux rentrer, ce n'est pas si grave...
-Tu viens à la maison à chaque vacances alors tu restes ici ma choupette.
Je regarde maman en souriant puis demande combien de temps ils restent.
-Jusqu'à la fin de l'été.
Je ne dis rien mais hoche la tête, tant que je peux bronzer tranquillement au bord de la piscine, ça me va.
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Stepbrother
RomanceAmbre est en vacances chez sa mère, elle qui croyait passer un été normal va faire une rencontre des plus étonnantes. Idris. Un prénom mais qui signifie beaucoup plus pour elle. Entre problèmes d'argent, remises en question, liaison difficile et s...