37. 'M' comme maléfique

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Il ne répond rien mais son corps se contracte lorsque Maria s'approche de nous.

-Tu es devenu un homme maintenant, fait-elle en souriant.

Elle avance ses mains vers le visage de mon copain mais celui-ci recule pour lui faire comprendre de se tenir à distance.

-C'est peut-être ce que font les enfants ? Grandir. Mais tu n'étais pas là pour le voir, Maria.

Un silence de mort empli le salon et les lèvres souriantes de la femme se ferment en une fine ligne. Son visage se crispe tandis que ses yeux lancent des éclairs.

-Maria ? Appelle-moi maman, mon trésor.

La brune se tourne ensuite vers moi, le visage toujours aussi strict. J'en ai presque peur pour ma vie ; cette femme-là me terrifie. Je me fige en la voyant me détailler de haut en bas et la main d'Idris se contracte sur mes épaules.

Le four sonne et Charly part dans la cuisine sortir le plat avant qu'il ne soit cramé. Ilan en profite pour le suivre, en prenant Angèle par la main avec lui. Il ne reste que nous trois devant la porte d'entrée. Les yeux de Maria me fixent et ses lèvres forment un léger rictus.

-Tu ne fais pas les présentations, Idris ?

-Maria, je te présente Ambroise. Ambre, voici la femme qui m'a donné la vie.

-Enchantée Ambroise, j'imagine que tu es la petite amie de mon Idris ?

J'ai envie de lui dire que c'est mon Idris mais je me retiens.

-En fait non, je suis sa demi-sœur.

Les sourcils parfaits de Maria se froncent et elle ouvre la bouche, prête à répliquer mais par chance Charles nous crie de venir à table, coupant court notre discussion.

Je m'enfuis le plus vite possible vers la table à manger et regarde Idris, soulagée. On avait convenu, un peu plus tôt, que nous ne dirions pas la vérité à Maria parce qu'elle pourrait le répéter à Charly. Alors on s'en tient au plan de base : lui et moi ne sommes que de simple demi-frère et demi-sœur.

On est tous assis autour de la table? dans le même silence qui règne depuis que Maria a débarqué. Elle et Charles sont en bout de table, tandis que je suis en face d'Idris et à côté de Maria. Ilan, qui est en diagonale de moi, me jette des regards suppliants que je lui renvoie.

Mon beau-père pose le rôti qu'il a commandé au traiteur sur la table et le découpe.

-Alors Ambroise que fais-tu dans la vie ?

Je me fige et me tourne vers la femme à mes côtés.

Pourquoi elle me parle ?

-Je vais rentrer à la fac.

Ce n'est pas tout à fait vrai mais je n'ai pas envie d'avoir honte si elle apprend que j'ai arrêté l'école. Elle hoche la tête sans rien ajouter puis se sert de l'eau pendant que Charles nous fait passer le plat de viande. Le silence refait surface mais les bruits de couvert le comblent à moitié.

***

Charly ferme la porte derrière lui en nous laissant seuls avec elle. Il nous a lancé un regard désolé avant de partir au boulot. J'ai bien observé mon beau-père durant le repas et ça se voit sur son visage qu'il ne ressent que de la haine envers son ex-femme.

Je débarrasse la table, aidée par Angèle qui n'a toujours pas prononcé un mot depuis l'arrivée de sa mère, puis je regarde discrètement l'heure en entassant les assiettes dans le lave-vaisselle. Il est 13h12 et dans moins de deux heures, Maria ne sera plus qu'un vague souvenir.

En parlant du loup, elle m'apporte les verres pour que je puisse les mettre dans la machine. On continue comme ça dans l'éternel silence que cause sa présence, puis Angèle se met devant la télé avec Ilan, tandis qu'Idris me fixe depuis le salon.

Je sais qu'il est inquiet de me voir avec sa mère alors je lui lance un regard que je veux rassurant avant de me redresser pour faire face à la brune devant moi.

-Ambroise.

Son ton est mielleux en apparence ; ça me rappelle Veronica.

-Maria.

Je lui souris faussement puis me dirige vers la porte mais sa main retient mon bras et je me retourne rapidement en enlevant sa main.

-Attends un peu, mon enfant.

Mon enfant ? Mais pour qui se prend-elle ?

-Je sais qu'il y a quelque chose entre Idris et toi, continue Maria en insistant sur le mot « sais ».

Je hausse les sourcils et croise les bras sur ma poitrine en attendant qu'elle finisse.

-Je connais assez mon fils pou...

-Ah oui ? je la coupe froidement.

La femme reste figée deux secondes avant de se reprendre en esquissant un sourire.

-Bien plus que tu ne le crois, ma chérie.

Elle me dépasse et juste avant de franchir la porte, elle me dit :

-Il faudra qu'on parle, toi et moi.

-C'est ça.

Mais elle est déjà dans le salon en train de s'assoir sur le canapé avec ses enfants. Idris déboule alors dans la cuisine et me prend par les épaules.

-Ça va ? Elle t'a dit quoi ?

-Elle sait qu'on est ensemble, Idris.

On s'assoit sur les tabourets du plan de travail et on chuchote pour être les plus discrets possible.

-Si elle le dit à Charly, on est mort, fais-je en me passant une main dans les cheveux.

-Pourquoi elle le dirait ? Elle n'a rien à y gagner.

-Je ne sais pas, j'ai un mauvais pressentiment.

-Elle t'a dit autre chose ?

-Qu'elle te connaissait mieux que moi...

Mon copain soupire en fermant les yeux.

-...et aussi qu'elle voulait me parler après.

Il jure en se prenant la tête entre les mains mais l'enlace pour le calmer.

L'heure suivante passe très lentement. Idris et moi restons dans la cuisine pendant que Maria essaie d'amadouer ses deux enfants, mais lorsque le générique du film apparaît, Ilan remonte directement les escaliers pour retourner dans sa chambre. Quant à Angèle, elle vient nous voir dans la cuisine mais elle est suivie par sa mère.

-Ma petite Ambroise, pouvons-nous parler ?

Je serre les dents en l'entendant mais hoche tout de même la tête ; j'ai envie d'entendre ce qu'elle a à me dire. Idris demande alors à sa sœur d'aller jouer dans le jardin.

-Seules, rajoute Maria en voyant que son fils ne compte pas s'en aller.

-Il peut entendre ce que vous avez à me dire.

-Je ne bougerai pas, renchérit-il.

L'odieuse femme hoche lentement la tête puis va s'assoir sur un tabouret non-loin des nôtres.

-Que fais-tu avec mon fils ?

C'est vraiment ça, sa question ?

-Je n'ai pas de compte à vous rendre.

-Toi non, mais lui si.

Grand silence puis il y a une bataille de regard entre mère et fils.

-Ambre laisse-nous seuls, s'il te plaît.

La voix d'Idris est distante alors je le regarde pour essayer de comprendre pourquoi est-ce qu'il me jette à la porte, mais il ne daigne même pas me lancer un regard. A la place, il continue de fusiller sa mère des yeux.

Je ressors de la cuisine, non sans un regard noir à l'intention de Maria et rejoins Angèle dans le jardin. Le fait que mon amoureux me jette à la porte me fait mal, c'est comme s'il ne voulait plus de moi, comme si je n'étais pas à la hauteur pour entendre ce qu'ils ont à se dire.

StepbrotherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant