LGDC Tragédies ~ Cycle 2 : Spirale ~ Tome 6 ~ ○ Montagnes Nuageuses ○

| Chapitre 4 |

       𝐍𝐮𝐚𝐠𝐞 𝐎𝐛𝐬𝐜𝐮𝐫 𝐜𝐡𝐞𝐫𝐜𝐡𝐚𝐢𝐭 son frère, Nuage du Sol, en balayant le camp du regard. Il était introuvable. Il lui restait un dernier endroit où chercher : la tanière de la guérisseuse. Je ne me souviens pas que Nuage du Sol s'était blessé... songea t-elle, confuse, tout en se dirigeant vers le gîte, ses coussinets craquelant sur la roche de la montagne. Elle entra dans l'antre. À l'intérieur, elle y vit Pluie d'Étincelles en train de veiller sur Nuage du Sol, couché dans un nid. La noiraude s'approcha d'eux, la tête penché sur le côté. Son frère semblait inconscient.
 « Qu'est ce qu'il se passe ? » demanda t-elle.
  La soigneuse jeta un regard à l'arrivante et soupira en secouant la tête.
 « Nuage du Sol a encore mangé quelque chose de non-comestible... lui apprit son aînée.
 —  C'est-à-dire ?
 —  Il a déjà goûté des branches, des feuilles, des épines, de la paille, de l'écorce, de l'herbe, des fleurs et dernièrement des plumes et des déchets de Bipèdes... »
  La femelle noire se mit à rire, ignorant quelles conséquences cela pouvait engendrer. La guérisseuse fut amusée par l'innocence de la jeune chatte mais son sourire s'effaça rapidement.
 « Pourquoi il mange ça ? pouffa la novice.
 —  Je n'en sais rien... Mais s'il continue, cela sera dangereux pour sa santé et peut même être mortel car il attaquera son système digestif. »
  L'apprentie sembla comprendre peu de choses sur le coup, mais baissa la tête en entendant le mot "mortel". Elle écarquilla les yeux, sous le choc.
  « Il... il... peut en mourir ?! » hoqueta t-elle.
  La chatte tachetée ne répondit que par un vague signe de tête. Nuage Obscur s'affola et secoua frénétiquement le mâle brun inerte. Étant perdu dans un court coma, il ne se réveilla pas. Elle resta là, à observer un membre de sa famille, se rendant compte de la gravité de l'engloutissement de ces étranges repas, sachant qu'elle serait impuissante si l'un d'eux mourrait.
  Elle regarda Pluie d'Étincelles un moment, immobilisée dans une sorte de transe. La guérisseuse faisait avaler des plantes médicinales à Nuage du Sol. Un frisson lui parcourut l'échine ; un vent frais et frappant s'était infiltré dans la tanière. Elle grimaça en sentant la température de l'antre se rafraîchir brusquement. Elle se leva d'un bond et se retourna en grognant. Elle se calma aussitôt en voyant Nuage Lunaire et Nuage du Soleil à l'entrée.
  Les deux frère et soeur encerclèrent Nuage du Sol sans un mot. Nuage du Soleil jeta un regard à Nuage Obscur. Cette dernière suivit du regard une feuille morte roulant sur le sol. Lorsqu'elle arriva à ses pattes, l'apprentie ébène l'arrêta d'un plaquage de la patte et sourit, satisfaite.
 « Attrapée ! » miaula t-elle.
  Seul son frère conscient se retourna. Sa truffe remua et sa mine s'égaya. Il appréciait la simplicité de sa soeur, ce qui lui valait le surnom de Cervelle de Souris. Il détourna le regard lorsqu'elle leva la tête vers lui, un peu gêné et se concentra à nouveau sur Nuage du Sol, attendant qu'il se réveille. Nuage Obscur l'imita, laissant tomber sa feuille morte, un peu lassée.
 « Vu qu'on a une guérisseuse, rien ne peut lui arriver, optimisa Nuage du Soleil. Pas vrai Pluie d'Étincelles ? »
  La guérisseuse baissa la tête. Elle n'aimait pas mentir, car, un jour, l'apprenti risquerait de lui en vouloir si son frère mourrait à cause de cette "faim".
 « Je ferai de mon mieux pour que ça n'arrive pas, mais lorsque le jour viendra, je n'y pourrais rien... » soupira t-elle.
  L'éternel optimisme de Nuage du Soleil lui permit de ne pas songer au pire. Il ravala sa salive.
 « Je suis certain qu'il s'en sortira ! Il est trop jeune pour mourir, son destin ne peut pas se sceller si rapidement ! »
  Si seulement il avait raison... S'il savait à quel point ce n'est pas si simple... pensa t-elle, le regard embrumé. Nuage Obscur leva le regard vers la guérisseuse aux taches dorées et lui demanda :
 « Dit, Pluie d'Étincelles... Est-ce que les apprentis guerriers peuvent devenir guérisseurs ? Au cas où je pourrais être ton apprentie... »
  L'intéressée fut surprise par cette annonce. Elle n'avait jamais pensé qu'elle pouvait avoir une chance de reprendre un apprenti aussi tôt. Nuage du Soleil se mit à fixer sa soeur, les yeux ronds, une sorte de chagrin dans son regard.
 « Bien sûr si tel est leur souhait, ils peuvent abandonner leur chemin de guerrier pour prendre celui des guérisseurs, expliqua Pluie d'Étincelles.
 —  Chemin de guerrier ? »  Nuage Obscur cilla ne comprenant pas ce que voulait dire son aînée. 
« Il faut traverser un chemin ? »
  Nuage Lunaire soupira à côté de sa soeur, exaspérée, tandis que Nuage du Soleil agita l'oreille, amusé. Nuage Obscur leur jeta à chacun un regard.
 « Cervelle de Souris, maugréa Nuage Lunaire. C'est pour imager.
 —  Hein ? fit sa soeur, interloquée.
 —  Je vais t'expliquer autrement, souffla Pluie d'Étincelles. Si tu veux être guérisseuse il faut que tu renonces à la vie de guerrière.
 —  Ah... »
  La noiraude fit la moue, dubitative. Elle voulait soigner le problème de son frère, mais... Elle ne savait rien. Elle n'y connaissait rien en plantes.
 « J-je vais y réfléchir, décréta t-elle finalement en quittant la tanière. Je reviendrais voir Nuage du Sol tout à l'heure, je vais voir si Feuille Brisée veut bien qu'on aille à l'entraînement. »
  Ce fut sur ses mots qu'elle quitta la tanière. Nuage du Soleil jeta un regard à son frère qui était toujours immobile, mais qui respirait encore. Pluie d'Étincelles veille sur lui, se rassura t-il en souriant. Il finira bien par comprendre que manger des choses indigestes est dangereux, il est assez intelligent pour ça !
  Il sortit de l'antre, bientôt suivit par Nuage Lunaire. Après tout, il était l'heure de reprendre l'entraînement. L'après-midi s'annonçait froid et venteux, des nuages blancs s'agglutinaient autour du soleil afin de cacher la lumière. Le ciel était pâle et les oiseaux s'étaient tus, créant une ambiance oppressante. Feuille Brisée descendit la pente avec son apprentie tout en constatant l'atmosphère sombre. Sa queue en forme d'éclair frappait nerveusement l'air. A t-on réellement bien fait de venir vivre ici ?